Le Enough Project a décerné un satisfecit à Apple, Intel, HP et Motorola Solutions, quatre sociétés qui mènent désormais le mouvement conflict-free dans le domaine de l'informatique.
Les « conflict minerals », que l'on pourrait appeler « matières premières de la honte », sont ces ressources indispensables à l'industrie mais qui ont déclenché de véritables guerres du fait de leur rareté. On se souvient du cas de la filière du diamant en Afrique centrale, mise au jour par le film Blood Diamond de 2006. C'est aussi le cas du coltan/tantalite, du tungstène, de l'étain, ou de l'or, très utilisés par l'industrie informatique.
Dans l'est du Congo, les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda et l'Ouganda selon l'ONU, tentent ainsi de déstabiliser le gouvernement pour prendre le contrôle des ressources minières. Les sous-traitances en cascade, des mines artisanales aux grandes sociétés d'import/export en passant par la myriade d'acteurs chinois, rendent la traçabilité extrêmement difficile, alors qu'elle est pourtant nécessaire pour ne pas favoriser les filières entachées de sang : Steve Jobs expliquait par exemple qu'« à moins que quelqu'un n'invente un moyen de tracer chimiquement les matières premières depuis la mine dont elles sont issues, ce sera un problème vraiment difficile à résoudre. »
Le Enough Project, comme d'autres organisations, fait néanmoins pression sur les fabricants pour qu'ils tracent au mieux ces matières premières, ou au moins les utilisent le moins possible. Le Consumer Protection Act de juillet 2010 a répondu à cette exigence en obligeant désormais toute société commercialisant des produits sur le sol américain à faire la lumière sur la provenance des matières premières ayant servi à leur fabrication. Des délais dans l'application de certains des détails de cette loi permettent néanmoins à des sociétés de passer entre les mailles du filet, au grand dam des ONG.
Le Enough Project dénonce ainsi Nintendo « qui n'a fait aucun effort connu de traçabilité ou d'audit de ses fournisseurs », une absence de communication du Japonais qui est régulièrement relevé par les ONG. Sharp, HTC, Nikon ou Canon sont à peine mieux lotis : ils auraient fait des efforts, mais ceux-ci seraient loin d'être suffisants. SanDisk, Philips, Sony, Panasonic, RIM et AMD font au contraire partie des bons élèves en ayant rejoint le programme « Conflict-Free Smelter » de l'Electronic Industry Citizenship Coalition, qui oblige les usines d'extraction de minerai à prouver qu'elles ne participent pas au financement des filières d'approvisionnement alimentant des conflits armés.
Un programme qu'avaient déjà rejoint Apple et Intel, aujourd'hui à la pointe du mouvement. Le Enough Project remarque ainsi qu'avec Motorola Solution et HP, ces deux sociétés « ont développé des solutions » malgré les retards dans la législation américaine. Elles travaillent ainsi à la conception d'un programme d'audit des usines d'extraction de minerai et d'un projet de soutien des usines les moins avancées en matière de traçabilité, pour favoriser la filière conflit-free.
La SEC doit voter le 22 août prochain les règles qui permettront enfin de mettre en application le volet conflict-free du Consumer Protection Act.