
Dans une interview menée par Wired, Kevin Packingham 'Chief Product Officer' de Samsung a abordé quelques-uns des sujets relatifs à l'actualité judiciaire avec Apple. Mais il explique d'abord comment se passent les choses en interne avec un Samsung qui est à la fois grand fournisseur d'Apple et son premier concurrent sur le mobile.
« Les deux activités de la société sont extrêmement séparées. Il y a des moments où je suis absolument consterné de voir que nous vendons ce que je considère être les éléments les plus innovants, les plus secrets de nos produits à d'autres fabricants - HTC, LG, Apple et d'autres. Et eux, dans la division composants, ils vous diront : 'Ecoutez, ce ne sont pas vos affaires. Faites donc vos téléphones et si vous voulez utiliser certains de nos composants, alors génial'. »
Pour faire bonne mesure,Packingham ajoute que son groupe s'appuie également sur d'autres fournisseurs externes à Samsung, par exemple le fabricant de puces Qualcomm. Wired fait ensuite le constat que les procédures ou les offres de licences que fait Samsung ont généralement trait à des brevets sur des technologies (comme la 3G). A l'inverse, Samsung est souvent accusé sur des brevets relatifs à des designs de produits.
« En matière de brevets, nous avons aussi fait de nombreuses contributions dans le domaine du design. Je dirais que les brevets avec lesquels nous avons beaucoup de discussions et de cas de litiges sont ceux où l'on a breveté un rectangle. Pour nous il est insensé que nous nous battions sur des rectangles, que ce soit considéré comme une infraction, c'est pour cela que nous nous défendons.
Heureusement, l'ensemble du secteur se trouve dans cette situation où il faut nous défendre et expliquer: « Écoutez, il n'est pas raisonnable pour nous de nous retrouver dans une situation où l'on prétend qu'il y a un design, où l'on prétend qu'il y a une sorte de propriété, autour d'un rectangle. » Donc je dirais que, oui, nous avons des brevets sur la conception de designs, mais ils ne sont pas aussi sommaires qu'un rectangle. Et c'est à cela, je pense, que vous pouvez juger de la difficulté du challenge. »
Kevin Packingham voit dans ces joutes autour de ces questions de brevets sur la forme d'une tablette, un défi au sens commun.
« Logiquement, en tant qu'entreprise d'ingénierie et de fabrication, il est plus censé de se concentrer sur les choses qui sont réellement pertinentes et dont nous estimons qu'elles relèvent véritablement de la propriété intellectuelle. Des choses vraiment uniques et issues des investissements que nous avons réalisés en R&D. Un rectangle n'est pas issu d'investissements en R&D. Certains de nos produits ont la forme d'un rectangle, mais je ne considère pas cela comme un art ou une science que nous avons créée. »
Wired suggère alors que Samsung, fort de son poids dans l'industrie et de son portefeuille de brevets, joue un rôle de pacificateur pour tenter de calmer le jeu. Mais en réponse, Kevin Packingham estime qu'il n'y a en réalité qu'une seule entreprise qui déclenche des procédures, et avec régularité. Apple n'est jamais citée, mais c'est clairement elle qui est désignée comme fautrice de troubles.
« Il y a eu quelques domaines récemment qui ont donné lieu à des contentieux,mais si vous les observez, ils étaient légitimes et les protagonistes ont su trouver des accords raisonnables. C'est de cette façon que le système devrait fonctionner. »
Là encore personne n'est nommé, mais on peut penser au cas de Samsung qui a accepté de verser des royalties à Microsoft sur son utilisation d'Android. On peut relever au passage que si Apple défend pied à pied ce qu'elle estime relever de sa propriété intellectuelle, Microsoft n'est pas en reste.
Toutefois cela se fait plus souvent en toute discrétion. Plusieurs accords ont été ainsi signés à son profit. Cependant le groupe est également engagé dans une âpre bataille face à Motorola, où chacun attaque l'autre à tour de rôle. Kevin Packingham n'aborde pas non plus le sujet de l'enquête ouverte par Bruxelles en janvier sur le groupe coréen (lire Brevets : Bruxelles ouvre une enquête sur Samsung).
NB : les préparatifs au procès entre Apple et Samsung ont commencé hier à San José (il pourrait durer jusqu'à un mois). La première étape a été de constituer un jury de 10 personnes. Une trentaine de candidats potentiels ont été questionnés par la juge Koh.
Il leur a été demandé leur préférence en modèles de téléphones, leur situation financière personnelle à la suite de la crise économique, ou encore leurs possibles relations avec Samsung, Apple, Motorola ou Google.
Un salarié de Google a été ainsi écarté, de même qu'un employé d'Apple qui avait exprimé le souhait de voir son employeur l'emporter. Un autre fut refusé aussi pour avoir déclaré que cette affaire lui rappelait le procès entre Apple et Microsoft (où la première avait perdu) et qu'il se demandait comment un tel dossier pouvait à nouveau se retrouver devant la justice, alors que la trame était à son goût assez identique. Reuters évoque aussi le cas d'un homme détenant 120 brevets que les avocats des deux parties n'ont pas retenu.
Crédit image : Peter McCollough/Wired.