Aaron Sorkin a parlé de l'un des nouveaux projets qui l'occupe actuellement, celui de l'adaptation pour Sony Pictures de la biographie de Steve Jobs. Invité à la conférence D10, il a expliqué à Walt Mossberg en être aux prémices de ce nouveau travail d'écriture. Sony Pictures a confirmé sa participation il y a 15 jours : « Je vais d'abord en passer par une longue période qui, vue de l'extérieur, ne ressemblera pas à de l'écriture. Ce serait plutôt comme de regarder ESPN (la grande chaîne sportive américaine, ndr). Un processus de procrastination pendant lequel on essaie de trouver à quoi ressemblera le film. »
L'idée de s'en tenir à une biographie filmée n'est pas au programme : « C'est difficile avec un biopic d'échapper aux stéréotypes, je ne vais donc probablement pas en faire un. Je vais plutôt essayer de trouver l'essence de l'histoire, un point de friction clef qui m'intéresse, et essayer de le dramatiser. »
Sorkin a été oscarisé pour le scénario du film The Social Network sur la naissance de Facebook. On se souvient qu'une part importante de l'histoire gravitait autour de l'affrontement devant les tribunaux entre Mark Zuckerberg et les jumeaux Winklevoss, qui accusaient leur camarade d'université d'avoir volé leur idée.
Sorkin se dit un peu honteux comme un « illettré en informatique », d'où son étonnement devant l'aisance de très jeunes enfants : « Si je pouvais demander n'importe quoi à Steve Jobs ce serait ça : quel est ce tour de magie ? »
Devant la perspective d'écrire cette histoire il concède que la tâche est ardue : « Un film sur Jobs est terrain miné par les risques de déception, c'est comme un film sur les Beatles. Énormément de gens connaissent tellement de choses sur lui, et bien plus que moi. Chaque fois que vous voyez écrit "Cette histoire est basée sur des faits réels", vous devez considérer le film comme une peinture, et non pas comme une photographie. »
Le nom de l'acteur envisagé pour tenir le rôle de Jobs n'est pas encore connu : « Je ne sais pas qui ce sera, mais il devra être bon, savoir parler vite et être intelligent, parce qu'on ne peut pas simuler l'intelligence. »
Le scénariste ne se dit pas gêné outre mesure par l'autre projet, indépendant, avec Ashton Kutcher dans le rôle du cofondateur d'Apple. Steve Jobs était « une personnalité si forte qu'il y a largement de quoi faire plusieurs films sur lui » (lire Ashton Kutcher relooké façon Steve Jobs).
Héros ou antihéros, de quel côté verse le personnage de Steve Jobs, a demandé Mossberg : « C'est un bonhomme compliqué. Zuckerberg l'était aussi. Mais quand j'écris le film, je ne peux pas juger cette personne. Il doit, de mon point de vue, être un héros… Pour expliquer les choses aussi simplement que possible : vous allez écrire comme si le personnage devait plaider sa cause devant Dieu et justifier de son droit d'entrer au Paradis. »
Sorkin a créé une série politique fameuse aux États-Unis - The West Wing ("A la Maison Blanche" en France) - et il décrit ainsi son choix de sujets : « En gros, j'écris sur des gens qui sont considérablement plus intelligents que moi, c'est pareil pour les amis avec qui j'ai grandi, je suis véritablement tombé amoureux du son phonétique de l'intelligence, et de la musique que peut produire un bon argument. »
Mossberg a rappelé les propos tenus la veille par Tim Cook sur le fait que Jobs pouvait complètement changer d'avis sur une question en moins de temps qu'il n'en fallait pour s'en rendre compte (lire aussi D: All Things Digital : Tim Cook en taille patron). Une qualité, de l'avis de Sorkin : « Vous devez être capable de revenir et de dire : "Je me suis trompé, et voilà pourquoi". Le "pourquoi" est important, il faut savoir établir un bon diagnostic. »
Enfin, Mossberg l'interroge sur son talent à rendre réalistes des personnages de fiction : « Je n'essaie jamais de dire au public qui est la personne. J'essaie de montrer ce que veut cette personne. Je vénère l'idée de traduire l'intention et l'obstacle. Ce conflit qui est au coeur du drame ».