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"Inside Apple" : la culture du secret à Cupertino

Florian Innocente

jeudi 19 janvier 2012 à 14:58 • 23

AAPL

Quelques anecdotes sur la politique du secret instaurée chez Apple ont été publiées par l'auteur du livre "Inside Apple" en vente la semaine prochaine.

Adam Lashinsky évoque certaines pratiques originales, comme lorsqu'un tout nouveau projet démarre, et d'autres qui sonneront peut-être comme familières chez certains lecteurs travaillant au sein d'entreprises régies par des règles strictes de confidentialité.

L'auteur, qui a rencontré d'anciens employés d'Apple, explique par exemple que certains ont subitement vu un jour des cloisons être érigées à leur étage et des portes posées « des fenêtres étaient opacifiées et certaines pièces n'en avait aucune ». De nouvelles règles d'accès sont promulguées, et rien n'entre ou ne sort de ces pièces sans une bonne raison. Une règle du silence qui s'étend bien sûr et surtout hors du cadre professionnel. Amis et famille sont également tenus dans l'ignorance. Phill Schiller, le grand patron du marketing, disait s'astreindre à cette discipline auprès de ses enfants alors qu'Apple travaillait sur ses futurs gadgets.

« Ce brouhaha est déconcertant pour les employés. Il est quasi certain que vous n'avez aucune idée ce qui se passe, et ce n'est pas comme si vous alliez poser des questions. Si on ne vous a pas mis dans la confidence alors ce n'est, littéralement, pas vos affaires. Qui plus est, votre badge, qui vous laissait entrer dans des zones particulières avant les nouvelles installations, ne fonctionne plus à ces endroits. Tout ce que vous pouvez deviner, c'est qu'un nouveau projet très secret est en cours, et vous n'êtes pas dans la boucle. Fin de l'histoire. ».

Steve Jobs lui-même prenait soin régulièrement de rappeler ses employés à leurs devoirs, se souvient l'un d'entre eux « Toute divulgation du contenu de cette réunion aboutira non seulement à un licenciement, mais à des poursuites dans la pleine mesure de ce que pourront faire nos avocats » prévenait Jobs. Ces mesures s'accompagnent de leur cortège de rumeurs sur des licenciements survenus parce qu'untel ou untel aurait été trop bavard. Vrais ou faux, peu importe, ces "on-dit" participent à leur manière à maintenir cette atmosphère de secret.

Toutes les entreprises ont des secrets, mais chez Apple « tout est secret » poursuit Lashinsky, et cette discipline est inculquée dès les premiers pas des nouveaux employés « Pour ces nouvelles recrues, cet apprentissage de la confidentialité commence avant même de savoir dans quel bâtiment elles vont travailler. Beaucoup d'employés sont embauchés sur des postes dits "fictifs", dont la nature n'est révélée en détail qu'après leur arrivée. »

Untel, recruté à la sortie de l'université raconte qu'il savait que son poste était lié à l'iPod, mais ça n'allait pas au-delà, et Apple ne lui a rien dit avant que son embauche ne soit effective.

Lors de la première réunion d'orientation pour les nouveaux employés (qui donne droit à un déjeuner gratuit pour l'occasion, le seul, après tout le monde paye), ces derniers sont regroupés « Vous vous asseyez, et vous commencez avec l'habituel tour de table pour savoir qui fait quoi », raconte Bob Borchers, un responsable du marketing produit au lancement de l'iPhone et avant cela de l'iPod « Et la moitié des gens ne peuvent pas vous dire ce qu'ils font, parce qu'ils ont été embauchés sur un projet confidentiel ».

Ce qui ne veut pas dire qu'Apple pousse les gens à s'isoler. Un autre raconte que lorsqu'on arrive dans les lieux c'est à chacun de se débrouiller pour mettre son Mac en réseau et rejoindre l'intranet. A priori les gens ont le bagage technique suffisant… mais en cas de problème c'est aussi un moyen d'aller à la rencontre de ses nouveaux collègues. Mais en barrant l'accès aux informations de ce que font les autres groupes autour de soi, Apple s'assure d'une certaine manière que chacun reste concentré sur son domaine et ses objectifs.

Les responsables de la sécurité chez Apple jouent également leur partition. Ils rappellent aux nouveaux venus que l'effet d'annonce d'un produit tenu secret jusqu'au bout a une valeur incommensurable en terme de buzz et couverture médiatique « C'est équivalent à des millions de dollars » avait expliqué une de ces responsables devant Bob Borchers. Et en cas de fuite - intentionnée ou non - la sentence est claire et immédiate : licenciement sec.

On prête ainsi à Phill Schiller de comparer le lancement d'un nouveau produit Apple au premier week-end de sortie sur les écrans d'un blockbuster hollywoodien. L'intérêt est énorme durant les tout premiers jours, formant un pic d'attention que Schiller se plait souvent à illustrer, et il s'agit de ne pas éventer la surprise ni le suspens qui entourent cette annonce. L'analogie avec le cinéma se retrouve aussi dans les files d'attente devant les Apple Store qui rappellent les queues se formants devant les salles lorsque sont sortis par exemple de nouveaux volets de Star Wars ou du Seigneur des Anneaux.

Une autre raison, tout aussi logique sur un plan commercial, dans cette volonté de tenir une nouveauté secrète est de ne pas nuire aux ventes des produits existants. Apple a pu se permettre de dévoiler l'iPad quelques mois avant son lancement puisqu'il inaugurait une catégorie dans sa gamme et qu'il n'avait aucun concurrent équivalent, mais on se souvient aussi que Tim Cook a cité l'effet des rumeurs autour de l'iPhone 5 sur les ventes moins bonnes qu'escomptées de l'iPhone 4 durant l'été. Sans oublier la nécessité de tenir ses innovations loin des yeux de la concurrence.



L'auteur rappelle que Jobs avait une fois fait référence au fondateur de Disney dans ce souci de préserver une aura de mystère sur Apple. Walt Disney estimait que la "magie" associée à son entreprise souffrirait d'une trop grande connaissance par le public et ses clients des coulisses de son entreprise.

Jon Rubinstein avait une fois décrit en des termes assez crus l'organisation au sein d'Apple « Nous avons des cellules, comme dans une organisation terroriste. Tout est basé sur ce que chacun a uniquement besoin de savoir ». Ressortant ces propos, Adam détaille « Pour discuter d'un sujet lors d'une réunion, il faut être sûr que chacun dans la salle est accrédité sur le sujet, que chacun a été mis au courant de certains secrets ». Ce qui fait de chaque employé une pièce d'un puzzle dont l'image n'est connue qu'au plus haut niveau de la hiérarchie.

« Chacun sait que la parfaite intégration entre les différentes parties est essentielle pour réaliser cette magie » explique un ancien cadre « C'est une culture de l'excellence » dit une autre « Vous ne voulez pas être le maillon faible. Il y a un désir intense de ne pas tirer l'entreprise vers le bas ».

Le contraste avec d'autres entreprises est frappant écrit Lashinsky en citant un ingénieur « Lorsque vous interagissez avec des personnes d'autres sociétés, on voit chez eux un relatif manque d'intensité. Chez Apple, les gens sont tellement impliqués que lorsqu'ils rentrent chez eux le soir ils ne laissent pas derrière eux l'entreprise. Ce qu'ils font chez Apple est leur vraie religion ».

« Presque personne ne décrit le fait de travailler chez Apple comme étant "fun" » poursuit l'auteur « En fait, quand on leur demande si Apple est un endroit "fun", les réponses sont remarquablement homogènes "Les gens sont incroyablement passionnés par le truc formidable sur lesquels ils travaillent", dit un ancien employé. "Il n'y a pas une culture de la reconnaissance et de la célébration de la réussite. Tout est axé sur le travail" dit un autre, "Si vous êtes un fou passionné d'Apple, c'est magique. C'est aussi un environnement très difficile.". Un troisième a éludé la question "Parce que les gens sont tellement passionnés par Apple, ils sont en phase avec la mission de l'entreprise." »

Des emplois très bien payés, mais dans la moyenne de ce qui se pratique dans la Valley et d'autres motifs de satisfaction à faire partie de cette entreprise se manifestent tous les jours, explique un ancien employé au marketing « Être assis dans un bar et voir que 90% des gens autour de vous utilisent un appareil que votre entreprise a conçu, c'est quelque chose de cool et ça n'a pas de prix. »
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