"Pourquoi Microsoft, la plus célèbre et la plus prospère entreprise américaine de technologie ne nous dévoile plus le futur, qu'il s'agisse de tablettes comme l'iPad, d'e-Book comme le Kindle, de smartphones comme les BlackBerry et iPhone, de moteurs de recherche comme Google, de produits audio comme l'iPod ou iTunes ou de services web populaires comme Twitter ou Facebook ?"
La question est posée dans une tribune du New York Times signée Dick Brass. Passé par Oracle où il écrivait entre autres les discours de Larry Ellison, il fut l'un des vice-présidents chez Microsoft entre 1997 et 2004. Quinze jours après son arrivée à Redmond il fit l'article, avec succès, auprès de Bill Gates de l'idée d'une tablette électronique (en utilisant une maquette en bois).
Malgré les réussites individuelles au sein de l'entreprise, des résultats financiers qui restent de premier plan ou la domination toujours écrasante de Windows et d'Office, il livre un constat sans concessions "Microsoft est devenu un innovateur maladroit et peu compétitif. Ses produits sont brocardés, souvent de manière injuste, mais parfois avec raison. Son image ne s'est jamais remise du procès anti-trust des années 90. Son marketing a été inepte depuis des années ; vous vous rappelez des pubs en 2008 dans lesquels Gates avait réussi à se faire convaincre de littéralement remuer les fesses devant la caméra ?"
Son état des lieux se poursuit avec la défaite dans les baladeurs MP3, les pertes de parts de marché d'Internet Explorer et dans les smartphones, tandis que la Xbox malgré les investissements colossaux engagés, est au mieux un prétendant à égalité le marché des consoles. Par conséquent, les énormes bénéfices du dernier trimestre (6,7 milliards de dollars) sont essentiellement le fait de Windows et d'Office "des programmes développés il y a des décennies. Comme General Motors avec ses camions et ses 4x4, Microsoft ne peut plus compter sur ces vénérables produits pour assurer éternellement sa viabilité."
Le constat dressé il donne quelques exemples précis de la manière dont certains projets, plus ou moins importants, mais prometteurs ont été sabotés. Selon lui Microsoft n'a jamais mis en place un vrai système à même de promouvoir l'innovation. Et ce, malgré l'accent mis sur la recherche au sein de multiples labos à travers le monde et des équipes remplies de gens compétents.
ClearType
Il cite d'abord l'exemple de ClearType, cette option dans Windows de lissage des caractères à l'écran. Il aura fallu dix ans pour qu’elle trouve sa voie dans l'OS. L'équipe Windows affirmait que cela perturbait l'affichage lorsque certaines couleurs étaient utilisées. Le patron du groupe Office se plaignait de maux de tête en l'utilisant. Son homologue dans la division des PocketPC était prêt à l'adopter, mais seulement si ClearType passait sous son contrôle. Résultat une énorme perte de temps.
TabletPC
Il parle ensuite de ses efforts autour des TabletPC en 2001. Le produit fut éconduit par le vice-président en charge d'Office qui décida qu'il n'aimait pas ce concept. Il préférait l'usage d'un clavier à celui d'un stylet et prédit l'échec de ce projet. Pour forcer un peu la main du destin il refusa de modifier la suite Office pour qu’elle fonctionne correctement avec cette tablette [ndr : on pense du coup à l'approche d'Apple avec iWork pour l'iPad). Obligeant à des circonvolutions pour ne serait-ce qu'entrer une valeur dans Excel. Il fallait la saisir dans une boîte de dialogue et de là elle était transférée dans la cellule de la feuille de calcul. Tout sauf simple.
"Encore une fois, alors que notre tablette avait reçu un soutien enthousiaste de la direction et avait coûté des millions de dollars à concevoir, on la laissa se faire saboter. Même aujourd'hui vous ne pouvez toujours pas directement utiliser Office sur un TabletPC. Et malgré la quasi-certitude qu'une tablette Apple allait arriver cette année, le groupe tablette de Microsoft a été supprimé."
Brass ne met toutefois pas l'ensemble de ces dysfonctionnements sur le seul compte de batailles intestines "Une partie du problème réside dans une préférence de toujours pour le développement (très rentable) de logiciels sans engament (très risqué) dans le matériel. Cela avait du sens sur le plan économique lorsque la société fut créée en 1975, mais aujourd'hui cela rend nettement plus compliquée la création de produits avec un design magnifique et extrèmement intégrés, comme l'iPhone ou le TiVo. Et oui, une partie du problème est aussi venue d'une prudence redoublée à la suite du procès anti-trust. Et d'un mauvais timing, trop tôt pour la Web TV, trop tard sur les iPod.".
Une compétition à encadrer
Pour lui la compétition interne est saine et doit même être encouragée avec sagesse. Mais les problèmes surviennent lorsque cette compétition devient incontrôlée et destructrice. Et dans le cas de Microsoft lorsque des divisions occupant des bastions établis fondent sur les nouveaux venus tels des prédateurs, disputant leurs ressources, dépréciant leurs efforts pour finir par les faire disparaître. "Ce n'est pas surprenant de voir que sur la dernière décennie, presque tous les cadres en charge de la musique, des e-Books, des téléphones, de l'Internet, du moteur de recherche et de la tablette ont quitté l'entreprise."
Il conclut "Résultat, alors que cette société a eu un passé absolument étonnant, qu'elle a un présent encore enviable et prospère, sauf à ce qu'elle retrouve son étincelle créative, la question est posée de savoir si elle a encore un véritable avenir."
La question est posée dans une tribune du New York Times signée Dick Brass. Passé par Oracle où il écrivait entre autres les discours de Larry Ellison, il fut l'un des vice-présidents chez Microsoft entre 1997 et 2004. Quinze jours après son arrivée à Redmond il fit l'article, avec succès, auprès de Bill Gates de l'idée d'une tablette électronique (en utilisant une maquette en bois).
Malgré les réussites individuelles au sein de l'entreprise, des résultats financiers qui restent de premier plan ou la domination toujours écrasante de Windows et d'Office, il livre un constat sans concessions "Microsoft est devenu un innovateur maladroit et peu compétitif. Ses produits sont brocardés, souvent de manière injuste, mais parfois avec raison. Son image ne s'est jamais remise du procès anti-trust des années 90. Son marketing a été inepte depuis des années ; vous vous rappelez des pubs en 2008 dans lesquels Gates avait réussi à se faire convaincre de littéralement remuer les fesses devant la caméra ?"
Son état des lieux se poursuit avec la défaite dans les baladeurs MP3, les pertes de parts de marché d'Internet Explorer et dans les smartphones, tandis que la Xbox malgré les investissements colossaux engagés, est au mieux un prétendant à égalité le marché des consoles. Par conséquent, les énormes bénéfices du dernier trimestre (6,7 milliards de dollars) sont essentiellement le fait de Windows et d'Office "des programmes développés il y a des décennies. Comme General Motors avec ses camions et ses 4x4, Microsoft ne peut plus compter sur ces vénérables produits pour assurer éternellement sa viabilité."
Le constat dressé il donne quelques exemples précis de la manière dont certains projets, plus ou moins importants, mais prometteurs ont été sabotés. Selon lui Microsoft n'a jamais mis en place un vrai système à même de promouvoir l'innovation. Et ce, malgré l'accent mis sur la recherche au sein de multiples labos à travers le monde et des équipes remplies de gens compétents.
ClearType
Il cite d'abord l'exemple de ClearType, cette option dans Windows de lissage des caractères à l'écran. Il aura fallu dix ans pour qu’elle trouve sa voie dans l'OS. L'équipe Windows affirmait que cela perturbait l'affichage lorsque certaines couleurs étaient utilisées. Le patron du groupe Office se plaignait de maux de tête en l'utilisant. Son homologue dans la division des PocketPC était prêt à l'adopter, mais seulement si ClearType passait sous son contrôle. Résultat une énorme perte de temps.
TabletPC
Il parle ensuite de ses efforts autour des TabletPC en 2001. Le produit fut éconduit par le vice-président en charge d'Office qui décida qu'il n'aimait pas ce concept. Il préférait l'usage d'un clavier à celui d'un stylet et prédit l'échec de ce projet. Pour forcer un peu la main du destin il refusa de modifier la suite Office pour qu’elle fonctionne correctement avec cette tablette [ndr : on pense du coup à l'approche d'Apple avec iWork pour l'iPad). Obligeant à des circonvolutions pour ne serait-ce qu'entrer une valeur dans Excel. Il fallait la saisir dans une boîte de dialogue et de là elle était transférée dans la cellule de la feuille de calcul. Tout sauf simple.
"Encore une fois, alors que notre tablette avait reçu un soutien enthousiaste de la direction et avait coûté des millions de dollars à concevoir, on la laissa se faire saboter. Même aujourd'hui vous ne pouvez toujours pas directement utiliser Office sur un TabletPC. Et malgré la quasi-certitude qu'une tablette Apple allait arriver cette année, le groupe tablette de Microsoft a été supprimé."
Brass ne met toutefois pas l'ensemble de ces dysfonctionnements sur le seul compte de batailles intestines "Une partie du problème réside dans une préférence de toujours pour le développement (très rentable) de logiciels sans engament (très risqué) dans le matériel. Cela avait du sens sur le plan économique lorsque la société fut créée en 1975, mais aujourd'hui cela rend nettement plus compliquée la création de produits avec un design magnifique et extrèmement intégrés, comme l'iPhone ou le TiVo. Et oui, une partie du problème est aussi venue d'une prudence redoublée à la suite du procès anti-trust. Et d'un mauvais timing, trop tôt pour la Web TV, trop tard sur les iPod.".
Une compétition à encadrer
Pour lui la compétition interne est saine et doit même être encouragée avec sagesse. Mais les problèmes surviennent lorsque cette compétition devient incontrôlée et destructrice. Et dans le cas de Microsoft lorsque des divisions occupant des bastions établis fondent sur les nouveaux venus tels des prédateurs, disputant leurs ressources, dépréciant leurs efforts pour finir par les faire disparaître. "Ce n'est pas surprenant de voir que sur la dernière décennie, presque tous les cadres en charge de la musique, des e-Books, des téléphones, de l'Internet, du moteur de recherche et de la tablette ont quitté l'entreprise."
Il conclut "Résultat, alors que cette société a eu un passé absolument étonnant, qu'elle a un présent encore enviable et prospère, sauf à ce qu'elle retrouve son étincelle créative, la question est posée de savoir si elle a encore un véritable avenir."