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Interview : "Face aux Apple Store il faut innover"

La redaction

vendredi 20 mars 2009 à 11:46 • 18

AAPL

Quelles sont les conséquences de l'ouverture d'un Apple Store dans une ville qui compte déjà plusieurs enseignes vendant du Mac ? Elles sont sévères ! C'est ce qu'a pu constater sur son chiffre d'affaires Alexandre Robert-Tissot. Propriétaire de deux Apple Premium Reseller en Suisse, sa boutique de Genève a reçu fin 2008 la compagnie de celle d'Apple. Des Apple Store qui ne font pas de cadeau et qui obligent à revoir de fond en comble le métier de revendeur Apple. Ses confrères français sont prévenus…

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Apple plante ses banderilles en Suisse
Le 25 septembre dernier, Apple ouvrait à Genève le premier Apple Store de Suisse. Il fut suivi d'un second à Zurich, beaucoup plus petit et logé dans un centre commercial. Installée rue de Rive, une des plus fréquentées de Genève, cette boutique présente une sévérité claustrale avec un espace de vente confiné au fond d'un large hall d'entrée. Mais on retrouve cette patine sobre et chic des magasins Apple. Et surtout, lors de notre visite, un jeudi en fin d'après-midi, les lieux débordaient d'activité, remplis de clients, de curieux venant voir les produits ou de visiteurs utilisant les accès Internet ou participant à des minis formations en tête à tête. Le contraste était saisissant avec l'Apple Shop situé au fond du sous-sol de la Fnac située à deux pas sur le même trottoir.

L'arrivée de cet Apple Store à Genève aurait entrainé un glissement notable des ventes de Mac chez les enseignes concurrentes comme la Fnac, Manor et bien évidemment dans le réseau traditionnel. Genève compte plusieurs revendeurs Apple (hors grandes chaines) tels que AltSys ou Computershop, mais elle n'a qu'un seul Apple Premium Reseller (APR) : ART Computer. Des APR avec leur décoration inspirée des Apple Store (avec néanmoins des différences étudiées - comme le look des tables - afin de les démarquer) que l'on trouve maintenant par dizaines un peu partout en France. Ce sont ces APR, pour certains tout jeunes, qui n'ont pas les épaules d'une Fnac ou d'un Darty, qui risquent de souffrir le plus de l'arrivée cette année en France des Apple Store.

Alexandre Robert-Tissot, 37 ans, est le fondateur et patron d'ART Computer. Il possède deux APR, l'un à Genève et un nouveau dans Lausanne. Il ne le cache pas, l'ouverture de l'Apple Store de Genève, conjuguée aux effets de la crise économique, lui a couté la bagatelle de 40% de son chiffre d'affaires sur cette ville.

Une concurrence redoutable et qui ne devrait pas faiblir. Bâle, Bern, Lausanne… pourraient aussi avoir leurs boutiques. Et le second Store de Zurich aurait vu sa date d'ouverture repoussée afin d'augmenter sensiblement sa surface de vente. Apple US ayant été encouragée à voir plus grand par l'essai transformé de Genève.

Les APR français peuvent s'attendre à faire face au même défi : vivre ou survivre avec un véritable aspirateur de clients à quelques rues de chez soi. Un Apple Store est en travaux à Paris sous la Pyramide du Louvre (la rumeur en évoque un second Place de l'Opéra) et un autre va ouvrir à Montpellier. Au moins 20 autres Apple Store seraient programmés dans l'hexagone (hypothèse basse).

Pour Alexandre Robert-Tissot, la réponse à apporter est claire : il faut é-vo-lu-er. Il s'agit revoir de pied en cap sa façon de vendre, la décoration et l'agencement de ses boutiques, la formation de son personnel et aller se battre sur d'autres terrains, délaissés ou mal connus, par les Apple Store. Interview…

MG : Comment s'est passée l'arrivée de cet Apple Store à Genève ?

Alexandre Robert-Tissot : On a été mis au courant il y a environ deux ans. Apple Suisse nous a dit "voilà les chiffres en Angleterre, comptez sur un bon 50% de perte de chiffre d'affaires au début, puis passé le creux de la vague ça va remonter". On s'est donc préparé en conséquence, Apple Suisse nous a accompagnés, il y a eu une relation de confiance. Mais sur Genève, avec d'un côté cet Apple Store et de l'autre côté la crise actuelle, on a perdu environ 40% de notre CA.


MG : Cette préparation a débouché sur quelles mesures ?

ART : L'important c'est de marquer sa différence et d'innover. Si on veut essayer de suivre l'Apple Store, on va complètement passer à côté, parce qu'on n'aura jamais les moyens de faire ce qu'ils font. Il faut faire mieux qu'eux dans une voie complètement différente. Par exemple, on a laissé tomber les formations iLife. Ils proposent des démonstrations gratuites et des formations en tête à tête à des prix sur lesquels il est impossible de s'aligner. On a préféré aller vers des prestations plus orientées vers les professionnels.


MG : Est-ce ça implique de tirer un trait sur une certaine clientèle, par exemple les ados avec leurs iPod ou iPhone ?

ART : Non, le grand public reste important pour nous. Je crois même au contraire qu'on peut l'accompagner beaucoup mieux qu'un Apple Store. Les Store vont amener une nouvelle clientèle vers Apple. Typiquement, les ados qui ont commencé avec un iPod ou un iPhone, ils vont ensuite venir voir le Mac. Et lorsqu'ils auront fait ce switch on aura un nouvel utilisateur de Mac qui cherchera des compétences ou des produits autres que ceux proposés dans les Apple Store. Mais ça c'est sous réserve que l'APR ne s'en tienne pas à simplement montrer des MacBook Pro, des MacBook et quelques iPod. Toute la différence d'un APR ça va être le professionnalisme, le choix de produits, l'ambiance dans laquelle il reçoit ses clients et sa situation géographique.


MG : Vous avez revu d'autres choses ?

ART : On a réorganisé les équipes avec l'objectif de les professionnaliser dans leurs compétences. Ils ont suivi des formations chez Apple qui coûtent cher, mais qui sont indispensables pour répondre aux demandes de certaines entreprises. On a par exemple développé nos compétences en vidéo professionnelle. Il faut aussi revoir tout ce qui tient à la relation client et ça passe par des choses comme la façon dont on est habillé, l'accueil, le sourire. Ce sont des détails parfaitement maitrisés dans les Apple Store.




MG : C'est à dire qu'il faut être plus qu'un beau show-room ?

ART : Oui tout à fait, il faut une sélection de produits, du conseil, lorsqu'une entreprise vient s'informer des solutions Apple on doit être capables de lui donner des réponses et d'offrir du support technique pour ces matériels. Ce sont des services qu'on ne trouvera jamais dans un Apple Store. On cherche des collaborations plus spécifiques dans certains domaines comme la vidéo ou la photo, toujours à un niveau pro. On a des partenariats avec la télévision et la radio, avec le festival du film de Genève où là on va vraiment aller chercher de nouveaux marchés en montrant notre compétence.

Il y a aussi une grosse carte à jouer sur la variété et le nombre des accessoires que l'on vend. Quand quelqu'un achète un nouveau portable, il va généralement vouloir prendre aussi une belle housse et des logiciels. Sur ces compléments l'Apple Store de Genève est très limité en terme de choix.

En fait il faut savoir se réinventer, ça nous oblige à ne pas nous endormir, à évoluer, à avoir des ambitions. Pas juste d'être dans la situation d'une petite boutique où tout va bien, où la part de marché d'Apple augmente et où l'on est tout content d'avoir automatiquement de nouveaux clients, mais finalement sans rien faire pour ça. Là ça nous oblige à vraiment bouger.


MG : Lorsque vous décidez d'aller vers des secteurs pro comme la vidéo, est-ce qu'Apple vous épaule en vous fournissant des informations sur le marché ?

ART: On a un accompagnement qui peut être fait avec Appple Suisse quand on va voir certains clients. La carte Apple dans ce cas est rassurante, et pour Apple notre présence leur permet de proposer un partenaire pour la mise en oeuvre du projet. Aujourd'hui les applications phares dans chacun des grands domaines sont connues, que ce soit en vidéo, dans le médical ou bien en photographie. À partir de là il faut montrer du dynamisme et aller chercher les clients pour leur proposer des solutions. On a un très bon partenariat avec Apple Suisse, ils nous soutiennent énormément dans notre démarche. Évidemment, il faut montrer une attitude volontaire et avoir envie de prendre des parts de marché. Apple ne va pas vous aider si vous restez assis les pieds contre le mur.

Quant au choix de la vidéo, il s'est fait au vu de l'offre logicielle d'Apple. Aujourd'hui on a vraiment une opportunité. Ce qu'Apple a fait avec Final Cut c'est énorme. Ça nous sert de tremplin. Et le produit est de plus en plus populaire. On a vu le switch de TF1 en France. C'est un exemple incroyable cet abandon d'AVID pour Final Cut Pro. La BBC aussi suit le même parcours. On a, avec ces outils, l'opportunité d'aller chercher de vrais nouveaux clients, pas juste de piquer ceux du concurrent. C'est un potentiel de nouvelles parts de marché qui s'ouvre à nous.

Si on prend par contre l'exemple de l'architecture, ArchiCAD est un produit qui existe depuis 20 ans. Il est pratiquement déjà installé dans toutes les agences qui utilisent du Mac. Là ce ne sont pas de nouveaux clients que vous allez chercher. Vous allez peut-être faire des mises à jour, peut-être vendre quelques nouvelles machines, mais ça s'arrête là. Pour moi l'important c'est de trouver de nouveaux business, et ça passe par des solutions comme Final Cut Pro pour remplacer du AVID, ça peut être aussi des projets pédagogiques, ça peut être la médecine et la radiologie avec Osirix qui est développé en Suisse.

En résumé, il faut trouver des domaines où l'on a une application spécifique et chercher des clients à qui on peut amener une solution complète.

MG : Est-ce qu'il y a de nouveaux marchés à prendre avec l'iPod touch et l'iPhone ?

ART : Je dirai oui et énormément. On n'en est vraiment qu'aux balbutiements. On a quelques grands comptes qui ont des projets, mais ils ont choisi un opérateur (Sunrise pour des questions de prix, ndr) qui est moins bien placé que ses concurrents pour leur mettre à disposition l'iPhone, il faut les importer, soit de Belgique soit d'Italie, donc ça ralentit un peu les choses.

Mais on a déjà des opérations entamées avec des clients, et c'est toujours autour de l'audiovisuel. Par exemple des départements audiovisuels de centres internationaux ou d'hôpitaux qui veulent utiliser ces périphériques dans un but pédagogique. Typiquement ça peut être des podcasts éducatifs pour des infirmières ou des médecins sur l'apprentissage de méthodes de travail.

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Avec l'iPhone ils ont un appareil qui fait office à la fois de téléphone et de support de cours et d'informations. Nous suivons de près un très grand compte avec potentiellement plusieurs milliers d'utilisateurs. Beaucoup de projets impliquant l'iPhone sont en phase de réflexion, mais là aussi le choix de l'opérateur freine leur mise en service.


MG : L'iPhone vous a apporté quelque chose pour les clients de tous les jours ?

ART : L'iPhone a d'abord été, pour nous les revendeurs, une manière de faire entrer les gens dans la boutique plutôt qu'un produit qui allait générer de fortes ventes. L'opérateur garde quand même une relation privilégiée avec ses clients. Mais c'est une perspective de nouvelles parts de marché, il y a des switch qui peuvent s'envisager. On a par exemple un gros client qui ne gérait pas la plateforme Apple dans son parc informatique, et là ils pensent le faire d'ici l'année prochaine. Leur changement de politique s'est opéré depuis l'arrivée de l'iPhone.

Cet appareil ouvre à de nouvelles applications dans leur travail quotidien et il les amène ensuite à s'intéresser au reste de l'environnement Apple. Il y a vraiment des opportunités à saisir. Même dans une période de crise il y a des entreprises qui en ont tellement marre de leurs coûts informatiques qu'Apple est pour elles une bonne alternative. En terme de coût, de virus, de maintenance… elles ont fort à faire. Je touche du bois, mais 2009 pourrait être une très bonne année si on se donne les moyens d'aller chercher ce potentiel plutôt que de rester dans nos boutiques à attendre le client et à se plaindre parce qu'il y a moins de ventes à cause du climat actuel.


MG : Cette politique volontaire, est-ce que vous l'auriez eue sans cet Apple Store ?

ART : On aurait réagi moins vite. Depuis que j'ai créé ART Computer le but a toujours été d'évoluer, sinon on recule. Je n'ai pas connu l'âge d'or des revendeurs Apple où les marges étaient faramineuses. Mais pendant les cinq premières années de la société, on a eu une croissance très, très forte. Et puis on a fait face à un premier choc avec l'éclatement de la bulle Internet. Ensuite on a vu cette concurrence directe avec l'Apple Store sur le web. Là on a dû faire une première restructuration de l'entreprise. Ça nous a bien pris deux ou trois ans pour nous restructurer, pour reprendre des parts de marché et revenir à des niveaux profitables. La phase suivante a été de réfléchir à la manière de grandir.

La première idée a été d'ouvrir cette boutique sur Lausanne qui, géographiquement est notre voisine, et qui offre un potentiel énorme. Et là Apple Suisse nous a informés des plans de développement des Apple Store dans le pays. Évidemment, ça nous a obligés à presser le mouvement et à ouvrir ce nouvel APR. D'une part pour grandir et d'autre part pour compenser le creux de la vague lié à l'arrivée de l'Apple Store de Genève. On a aussi rénové l'espace de Genève pour se préparer à l'arrivée de ce concurrent. Comme je l'ai dit, on a travaillé aussi sur le professionnalisme des équipes, sur l'accueil, tout ça pour offrir une différence face à l'Apple Store et des compétences plus pointues. On va continuer dans ce sens en 2009.


MG : Le MacBook Air a été la dernière vraie nouveauté Mac d'Apple, est-ce qu'il a touché une nouvelle clientèle ?

ART : Oui, surtout auprès des financiers ou des directeurs d'entreprises. Ils voient ce produit et il le veulent parce qu'il est beau, il est fin et donc il colle parfaitement à leur image. Mais c'est un produit placé dans une gamme de prix qui lui ouvre un périmètre très limité.

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Quand il est sorti, la première approche pour amener ce produit sur de nouveaux marchés ça a été de capitaliser sur sa capacité à faire fonctionner Windows. À son lancement, Apple nous suggérait de montrer le MacBook Air en boutique avec Windows dessus. Avec aussi des applications financières, celle de Bloomberg, en somme toutes sortes de choses professionnelles et fonctionnant exclusivement sous Windows. Il faut rappeler qu'en Suisse on a une particularité avec un secteur tertiaire énorme. Auprès des banques et des assurances, le potentiel de switchers était du coup conséquent, car ces sociétés ne jurent que par Windows.

Mais si on prend cette machine avec toutes ses options elle coûte plus cher qu'un gros MacBook Pro. Aujourd'hui à mon sens son prix est mal placé et, clairement, ce portable stagne dans les ventes. Le MacBook lui fait une vraie concurrence. Le premier MacBook Air a bien marché, cette version s'est encore améliorée et on peut le brancher sur un bel écran comme le 24 pouces. Mais il me fait penser au Vertu, le téléphone de luxe de Nokia. C'est un produit merveilleux, mais aujourd'hui son positionnement tarifaire est trop élevé. Je pense que c'est un produit amené à évoluer pour devenir plus grand public, et se mettre dans les mêmes espaces de prix que le MacBook. Il faudrait qu'il baisse d'environ 500 francs suisses (environ 350 €, soit au total 1360 €) et là il ferait un vrai carton.

MG : Et le Mac mini ?

ART : Pour le Mac mini en revanche on a des clients qui en commandent énormément.

MG : Quel type de clients, des particuliers ?

ART : Surtout orientés éducation, ils l'intègrent avec d'autres solutions, des tablettes graphiques par exemple. Le particulier lui c'est clairement l'iMac qu'il préfère. Pour nous le Mac mini s'adresse à des clients qui ont des applications et des usages très spécifiques, comme dans les écoles. Le particulier préfèrera l'iMac ou le MacBook, on leur vend vraiment très peu de mini.


MG : Au vu des demandes de vos clients, est-ce qu'il y a des machines qui manquent dans la gamme d'Apple ? Certains réclament une tour abordable et Apple ne rejette pas l'idée de répondre aux Netbook.

ART : Je vais répondre un peu différemment. À la rigueur je me moque un peu du prochain produit. Ajourd'hui on a un business qui marche avec des produits qui, je pense qu'on sera d'accords là-dessus, sont tous excellents. Les ventes d'aujourd'hui on va les faire avec les produits qui existent, qui sont disponibles là, maintenant. Si de nouveaux produits arrivent, on refera une analyse du marché et des clients qu'il faut aller prospecter. Aujourd'hui j'apporte vraiment peu d'attention aux produits que j'aimerai ou pas.

Et puis un Netbook, la logique voudrait qu'il ait un prix encore plus bas que celui d'un portable. Les marges étant déjà très réduites sur ces machines, ça voudrait dire qu'elles seraient plus faibles encore. On aurait un produit qui serait entre un iPod touch et un MacBook… Finalement, plus tard il arrivera, mieux ce sera (rires) !

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