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Interview : l'impact des brevets iPhone d'Apple

Christophe Laporte

mercredi 28 janvier 2009 à 12:08 • 18

iOS

Depuis qu'elle a présenté l'iPhone en janvier 2007, Apple entend fermement protéger son téléphone. Récemment encore, Tim Cook son directeur exécutif affirmait que tout serait mis en oeuvre pour protéger la propriété intellectuelle d'Apple.

En début de semaine, Apple s'est vue accorder une somme de brevets sur l'aspect physique et la fonction de l'iPhone, son interface et les principes qui président à l'interaction avec l'utilisateur au moyen du multi-touch.

Qu'est-ce que cela signifie concrètement ? Apple est-elle en train d'étouffer la concurrence ? Va-t-on assister à une bataille juridique entre Apple et Palm au sujet de son futur modèle le Pre (voir l'article Le ton montre entre Apple et Palm) ? Telles sont les questions que nous avons posé à David Borel, marketing manager chez Centredoc (veille technologique et recherche d'informations sur les brevets notamment) et auteur du blog MacBrains.


Avec l'ensemble de ses brevets, Apple a-t-elle le monopole du multi-touch sur les smartphones et baladeurs ?

David Borel : Ce n'est malheureusement pas aussi simple que ça. Le principe des brevets est qu'ils sont "un droit d'interdire l'usage d'une invention" mais pas un "droit d'exploiter cette invention". Je m'explique: votre voisin invente la roue et il dépose un brevet qui décrit "une roue en bois". Vous voyez cela et vous qui êtes un forgeron vous vous dites qu'on peut l'améliorer en y ajoutant un cercle de fer pour éviter l'usure. Vous pouvez déposer un brevet qui décrit "une roue en bois cerclée de fer pour améliorer la résistance à l'usure". Vous avez bien inventé quelque chose, mais vous n'avez pas inventé la roue.

Conséquence : vous ne pouvez pas vendre de roue en bois cerclée de fer, car votre voisin a un brevet sur la roue en bois et lui ne peut pas améliorer ses produits en y ajoutant du fer, car c'est vous qui possédez le brevet. Étant tous les deux bloqués, vous allez négocier des "licences croisées" vous permettant à tous les deux de vendre des roues en bois.

Cet exemple est assez long, mais il explique bien la situation des téléphones tactiles.



Apple a reçu un brevet pour cette technologie, portant visiblement sur un ensemble d'opérations pouvant être exécutées en utilisant un écran tactile multipoints.

Mais Apple n'a pas inventé l'écran tactile multipoints... [NDLR : c'est le premier argument évoqué par la responsable de communication de Palm]. Donc pour exploiter son brevet, elle va devoir composer avec le ou les détenteurs des droits sur cette technologie, qu'elle améliore en y ajoutant un ensemble de gestes de commandes précis.

De même, Apple n'a pas inventé le déplacement d'un "objet" à l'écran en utilisant un doigt (pour le coup le brevet appartient à ... IBM). En fait, leur brevet améliore et utilise toute une liste de technologies brevetées, par ailleurs citées dans le document (cf la liste References Cited à la page suivante: 7479949). On y trouve des technologies de Philips, IBM, Microsoft, Fujitsu, Sony, Agilent, Motorola, etc. Donc autant de sociétés avec lesquelles Apple risque de devoir négocier si elle veut pouvoir exploiter son invention... car elle se base sur leurs "roues en bois".

On ne peut donc pas parler de monopole, à part sur les gestes revendiqués dans le brevet Apple.

Il faut encore préciser deux choses:
1) Le brevet n'est pour l'heure accordé qu'aux USA. La procédure auprès de l'OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle) est en cours mais n'a pas encore donné lieu à un rapport de recherche (la demande est-elle recevable ?)
2) Un brevet accordé peut encore être attaqué en opposition par des concurrents pour le faire invalider.

Donc wait and see.

Comment interprétez-vous les amabilités échangées récemment entre Palm et Apple ?

DB : Là, on touche à l'intimidation. Il faut savoir qu'une attaque en justice entre entreprises de ce niveau pour des brevets est très rare et se termine en général par un accord de type "licences croisées". Tout va maintenant dépendre du portefeuille brevets de Palm et de la capacité de négociation qui en découle. S'ils ont des cartes fortes dans leur jeu, ils pourront négocier. Dans le cas inverse, ils vont devoir plier et cela devrait arriver avant un quelconque jugement. Maintenant, ce que nous voyons n'est que la surface de l'affaire. Il n'y a aucun doute que derrière les portes closes des négociations devront être menées entre Palm et Apple.

Est-ce que ce brevet est néanmoins une très bonne nouvelle pour Apple ?

DB : À la vue de l'usage fait par Palm des gestes brevetés par Apple, il est évident qu'ils ne sont pas en position de force en cas de négociation. Le brevet dont il est question offre une arme de premier plan à Apple pour contraindre Palm à une position de faiblesse. Mais attention, la demande liée à ce brevet a été publiée le 24 juillet 2008 et Palm devait vraisemblablement en connaître le contenu.

S’ils ont décidé de passer outre c'est soit qu'ils ont déjà négocié avec Apple, soit qu'ils ont un plan de rechange comme, par exemple, de se restreindre aux marchés non couverts par des brevets Apple (le brevet n'est pour le moment pas accordé dans d'autres pays que les USA), ou encore tenter une procédure d'opposition aux USA [pour l'heure Palm a déjà annoncé un lancement aux USA de son Pre avec l'opérateur Verizon et il prévoit l'Asie et l'Europe dans la foulée, ndr].



Il faut encore ajouter que certains gestes utilisés par Palm rappellent des procédés utilisés par d'autres fabricants qu'Apple (le geste du pouce vers le haut pour faire apparaître la fenêtre des applications me rappelle beaucoup le Touchflow d'HTC... ). Ils risquent donc d'avoir d'autres concurrents sur le dos à court terme.

Et de manière générale, quelle est la marge de manoeuvre des fabricants pour implémenter des actions multi-touch ?

DB : Très large, si les conditions mentionnées ci-dessus pour Palm sont aussi remplies par ces fabricants. Maintenant, le problème vient surtout du fait que les autres fabricants copient Apple. S’ils faisaient un peu marcher leurs cervelles à la place de leurs photocopieurs, ils pourraient eux aussi poser des brevets et ensuite négocier avec Apple.

En résumé, seuls ceux qui innovent peuvent négocier à égalité avec leurs concurrents.

Sur le même sujet :
- Apple brevète les bases de l'iPhone

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