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La réponse d'Adobe

Christophe Laporte

mardi 31 mai 2005 à 16:49 • 35

AAPL

Le mois dernier, nous avions publié un comparatif sur le prix des logiciels en France et aux États-Unis. Cette étude n'avait pas été tendre avec Adobe qui occupait la dernière place de ce classement. Au moment où l'éditeur organise Adobe Live à Paris pour présenter sa nouvelle suite qui arrive tout juste sur les étalages des revendeurs en France, nous avons interrogé Robert Raiola à ce sujet. Le Directeur Marketing Europe d'Adobe nous explique sa vision des choses et, pourquoi au contraire, sa suite est loin d'être chère. Il revient également sur l'actualité extrêmement chargée de l'éditeur de San Jose.

- Par rapport au résultat de notre comparatif montrant que les produits Adobe étaient nettement plus chers en Europe qu'aux États-Unis, qu'avez nous à nous dire ?

- Sur l'aspect prix, je veux vous répondre de la manière la plus complète possible, car la problématique est vraiment complexe. C'est un sujet légitime, mais en même temps ce n'est pas un sujet simple.

Votre comparatif, qui semble à première vue pertinent, peut en réalité être rapidement remis en question. D'une part, de notre côté, les prix n'ont évolué ni à la hausse ni à la baisse sur ce type de produits. Il y a deux ans, il était au même prix en Europe et aux États-Unis et il n'y avait pas eu de polémique. Aujourd'hui s’il y a une polémique c'est à cause de l'évolution du dollar par rapport à l'euro qui fait apparaître une différence vraiment significative si on fait votre calcul.

Notre position, elle est que, quand on commercialise un produit en Europe et que le dollar baisse par rapport à l'euro, tous nos coûts de commercialisation augmentent de la même façon. Même chose lorsque l'on paie en Europe les locaux et les salaires. Ça, c'est le premier élément. Il y a un jeu de vases communicants que le comparatif ne prend pas en compte.

Mais comment font les autres alors qui ont une moyenne de 30 à 40 % me direz-vous ? Mon attitude, c'est : attention à ne pas comparer des outils qui sont des utilitaires comme Microsoft Office et des outils qui sont vraiment des outils de production pour lesquels la définition du prix est très différente. Lorsqu'un professionnel de la création utilise nos logiciels, le coût de logiciel qui est un investissement, est amorti et totalement remboursé après quelques travaux. Ce n'est pas le cas d'un Microsoft Office.

On est sur des produits logiciels qui sont destinés aux professionnels, qui s'adressent des besoins particulièrement pointus et qui sont utilisés pour des travaux qui sont refacturés à des clients. Ce qui compte selon nous, c'est de savoir si la valeur ajoutée du logiciel permet à nos utilisateurs de s'y retrouver. D'après nous, lorsque l'on détermine le prix, on se pose la question si notre prix est cher ou pas cher sur le marché. Si on compare notre prix par rapport à nos concurrents, je pense que nous sommes très agressifs. Quark propose XPress à 1999 € Xpress 6.5 en version passeport. Pour 1399 €, nous proposons Indesign CS2, Photoshop CS2 et Illustrator CS2 le tout dans Creative Suite Standard.

- Cette polémique des prix vient surtout du monde Mac. Sans doute, parce que la communauté des utilisateurs s'est longtemps plainte du fait qu'Apple ne répercute pas dans sa grille tarifaire le fait que l'euro monte.

- Vous avez tout à fait raison. Je pense qu'on a pâti du fait qu'Apple a adopté une politique sur pas mal de produits qui se base sur 1 $ = 1 €. Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'Apple dans le monde de l'édition a un statut particulier. Le logiciel pour Apple étant un moyen de vendre du hard. Il faut bien comprendre que la position d'Apple et celle d'un éditeur qui ne vit que du logiciel et qui a à supporter un taux de piratage de 45 %. La situation est très très différente.

- Justement si le piratage était moins important, pourrait-on voir la suite CS par exemple moins cher ?

- Il faudrait un changement profond des mentalités en Europe par rapport au piratage.

- Et baisser le prix ne serait pas un acte incitatif ?

- Aujourd'hui, on sait qu'il n'y a pas de lien entre le prix et le fait que les gens piratent. C'est une chose qui est démontrée par toutes les études qui ont été faites. Ça a été démontré dans la musique qui pourtant ne vaut pas très cher. C'est la même chose chez les logiciels antivirus qui ne sont pas très chers, et qui font partie des logiciels les plus piratés. Pareil pour les jeux. Ce n'est pas parce qu'un logiciel vaut 10 000 francs qu'il est piraté, c'est parce qu'il est piratable. Aujourd'hui si vous baissez de 30 % votre prix, cela aura bien sûr un impact sur votre nombre de ventes, mais ça n'aura pas d'impact sur les gens qui piratent, vous ne pouvez pas faire moins cher que pirater.

- Certains ont l'impression que le prix du hardware baisse plus rapidement que celui du logiciel. Qu'en pensez-vous ?

- Précédemment, nous vendions les logiciels à l'unité avec Photoshop et Indesign à plus de 1000 € chacun. Aujourd'hui, le gros de nos ventes est fait au travers de la suite. Vous avez les trois produits pour 1490 € et les six produits pour 1790 €. Pour le client, le prix a radicalement baissé avec le concept de suite que l'on introduit il y a deux ans.

- Si vous aviez une fonctionnalité ou un logiciel de la suite à mettre en avant qui rien qu'à lui vaut le coup de faire la mise à jour ?

- Je trouve le nouveau Photoshop bluffant, pas pour une raison, mais pour cinquante raisons. En particulier par le fait qu'il prend en compte tous les aspects de la photo numérique. Ça peut paraître idiot ce que je raconte, parce qu'on peut penser que Photoshop a toujours été fait pour ça, mais ce n'est pas vrai. À la base, il a été conçu pour le monde de la publication, de l'édition, de la création, pas pour le monde de la photographie. Tout ce monde-là, il est pénétré par le phénomène de la photographie qui est passée au numérique. Ça implique des changements radicaux dans les problématiques de format, de flux de production, de quantités d'images à gérer. Sur tous ces éléments-là, et également l'arrivée de Bridge, Photoshop a fait un pas de géant.

- Quel avantage pour l'utilisateur, selon vous, à utiliser InDesign au lieu de XPress, qui semble-t-il, fait de gros progrès ces derniers temps ?

- Il gagne en productivité notamment grâce à la qualité de l'intégration entre les différents logiciels de la suite, grâce à la simplicité du passage d'une application à une autre. Par exemple, la représentation colorimétrique est la même sur Photoshop, Acrobat et InDesign. Ça représente une économie de temps non négligeable. Ensuite d'un point de vue purement fonctionnalité aussi bien typographique que capacité gestion de la transparence, même si Quark a progressé dans sa dernière mouture, ils n'ont pas la même finesse de gestion que l'on a dans InDesign. La façon dont on gère la transparence, les polices OpenType ne sont pas les mêmes. Sur énormément d'éléments, InDesign conserve une technologie d'avance. Mais c'est normal, d'un côté vous avez un logiciel qui a évolué pendant quinze ans et de l'autre un logiciel neuf qui a été conçu avec tous ces éléments à l'origine.

- Adobe a récemment racheté Macromedia. Qu'avez-vous à nous dire à ce sujet ?

- On est dans un univers du logiciel où il est de plus en plus onéreux de répondre à la demande des clients. Ils veulent des logiciels de plus en plus fiables, qui supportent au mieux les plates-formes systèmes qui évoluent sans cesse sans parler du 64 bits et de ces choses-là... Enfin, on arrive à un stade de maturité qui fait que pour innover, il faut investir énormément en recherche et développement.

C'est le premier élément qui explique en partie la consolidation qui arrive aujourd'hui sur le marché. Il arrive à maturité il est normal qu'il y ait une consolidation. Lorsqu'on regarde le marché, Macromedia et Adobe, il y a une vraie complémentarité dans la mesure où on a la même vision, on développe tous les deux des solutions qui aident les gens à mieux communiquer. Malgré des redondances, on a quand même beaucoup de complémentarités, on a tous deux des formats qui sont devenus des standards (PDF, Flash), on a tous deux des logiciels dans leurs domaines qui sont considérés comme excellents avec une certaine complémentarité, Macromedia est plutôt leader dans l'environnement mobile, Internet et nous dans l'environnement de l'image, de l'édition.

Vu qu'il est de plus en plus onéreux d'innover et de faire des logiciels qui répondent aux attentes des clients, nous avons décidé de nous rapprocher. On discute de ce rapprochement depuis plusieurs années. Mais nous avions auparavant d'autres chats à fouetter, nous devions pénétrer l'entreprise avec nos solutions et eux ils devaient se remettre de l'explosion de la bulle Internet. Aujourd'hui, nous avons réussi à faire notre chemin, eux ont passé le cap difficile. Le moment était venu de nous rapprocher.

- On parle d'une fusion PDF/ Flash, qu'en est-il ?

- Il est encore trop tôt d'affirmer quoi que ce soit, les ingénieurs en sont encore au stade des discussions, rien n'est défini. Par contre, il est vrai qu'on a deux lecteurs qui sont universels, deux formats qui font des choses assez similaires et complémentaires. Dans notre vision, il serait logique d'avoir un player universel à terme, un format qui soit l'évolution naturelle de ces deux technologies. Maintenant, est-ce quelque chose de faisable à court, moyen ou long terme ? C'est aux ingénieurs de voir.

- Que vont devenir les produits redondants ? Il se dit que certains pourraient être vendus à cause de la position dominante sur certains marchés d'Adobe. Qu'en est-il ?

- Il y a pléthore de produits sur le marché. Prenez le marché des outils de développement Internet, on parle beaucoup de Golive et Dreamweaver, mais il y en a beaucoup d'autres. Entre la revente qui est une possibilité, on peut également imaginer une convergence permettant de reprendre le meilleur des deux mondes. Mais bon, tout cela n'a pas été défini encore. Les redondances sont très limitées par rapport à l'ensemble.

- Quelles sont vos relations avec Apple ?

- Ce n'est pas notre rôle de s'exprimer sur ce qu'on pense d'un partenaire. Apple est un de nos meilleurs partenaires dans le domaine de la création. Beaucoup d'employés ont travaillé auparavant chez Apple et vice et versa. Ce que je peux dire, c'est qu'Apple a réussi à garder une cote d'amour très forte auprès de notre coeur de cibles, les créatifs, même chez les jeunes générations, les agences de communication...

- Comment va évoluer le métier du créatif dans les années à venir selon vous ?

- Il y a quelques années, on avait des gens très spécialisés (maquettistes, graphistes, web designer...). Ce que l'on voit aujourd'hui dans les écoles d'art graphiques aux États-Unis, c'est qu'on a à faire à des gens orientés publication plurimédia avec des compétences multiples. La prochaine génération de graphistes va révolutionner l'approche parce qu'elle aura été formée dès l'origine à concevoir une idée et à l'imaginer sur différents types de média. La grande tendance que l'on voit, c'est l'explosion des médias et des supports. L'agence qui ne travaille que sur le print perd énormément d'opportunités dès aujourd'hui, encore plus demain. Notre métier chez d'Adobe, c'est d'anticiper ces tendances.
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