Carlos Tavares répondait à la fin du mois d’avril aux questions de BFM Business et le dirigeant de Stellantis s’était notamment exprimé sur les prix de ses voitures. L’homme à la tête du groupe automobile qui gère de nombreuses marques en France et dans le monde (Peugeot, Citroën, DS, Fiat, Chrysler, Opel…) était en particulier interrogé sur une réponse à venir de son entreprise face à Tesla. Ce dernier a nettement baissé ses tarifs à deux reprises depuis le début de l’année, au point de retrouver les niveaux exceptionnels de 2021.
Tesla casse à nouveaux ses prix (et bientôt le marché ?)
Les prix baissent encore chez Tesla et la Model 3 se retrouve au niveau de 2021
Face à ces baisses de prix de son concurrent américain, le patron français a eu une réponse pour le moins étonnante : « Stellantis n'a pas besoin de répondre à Tesla parce que le prix de nos véhicules est bien inférieur à celui de Tesla. Donc pour nous ce n'est pas une question pressante ». Étonnante, c’est le moins que l’on puisse dire, car elle est tout simplement fausse, sauf à comparer des oranges avec des bananes.
Certes, une e208 de base est affichée à 34 800 €, soit environ 7 200 € de moins qu’une Model 3 de base. Mais on compare alors deux voitures qui n’ont rien à voir : la première est une compacte équipée d’une petite batterie de 50 kWh qui ne lui permet pas d’atteindre les 400 km d’autonomie WLTP, quand la deuxième est une grosse berline qui dépasse les 500 km. Ne parlons même pas des équipements, puisque face à la voiture de Tesla qui est quasiment sans aucune option et toute équipée, celle de Peugeot se contente du strict minimum à ce prix-là. En poussant le curseur de l’absurdité jusqu’au bout, pourquoi ne pas comparer Tesla avec l’Ami de Citroën, qui dispose bien elle aussi de quatre roues et une batterie et qui débute sous la barre des 8 000 €.
La réalité, c’est que les voitures du groupe Stellantis sont toutes mal placées face à la nouvelle grille tarifaire de Tesla. Les comparaisons sont toujours compliquées avec la Model 3, une berline basse et allongée qui est un format peu populaire en Europe, mais l’annonce du prix des premières e-308 de Peugeot donne un tout autre éclairage encore aux propos de Carlos Tavares. Le configurateur en ligne du constructeur affiche ainsi un prix de base de 47 040 € en achat comptant, 5 050 € de plus que la Model 3. Mais pour ne rien arranger, la voiture dépasse les 47 000 €, ce qui l’empêche de prétendre au bonus écologique : pour le client final, la différence dépasse les 10 000 € !
Il faut vraiment aimer la marque au lion pour choisir de dépenser 10 000 € de plus que la berline américaine. La voiture conçue par Peugeot a de nombreux arguments à faire valoir, à commencer par son réseau de distribution dense sur tout le territoire, la production mulhousienne, les boutons pour les allergiques au tout tactile ou encore son hayon objectivement plus pratique que la malle de la Model 3. Mais c’est aussi une voiture électrique conçue sur une base de thermique, le groupe Stellantis ne disposant toujours pas de plateforme dédiée. Ce choix simplifie la production et améliore la rentabilité des véhicules, mais il se fait au détriment de la fiche technique.
Ainsi, la batterie intégrée à la dernière Peugeot électrique est en très léger progrès avec une capacité totale de 54 kWh, quatre de plus que l’ancienne batterie qui équipait notamment la e-208. Le moteur évolue aussi, c’est une nouvelle génération un petit peu plus puissante et qui est censée être plus efficiente, un défaut du moteur Stellantis surtout à vitesses élevées. Il faudra attendre les tests en conditions réelles pour savoir ce qu’il en est concrètement, mais la mesure théorique selon le standard WLTP sembler indiquer qu’on est sur la bonne voie avec 411 km affichés. Cela reste toujours cent de moins que l’américaine, qui intègre de son côté une batterie de 60 kWh.
Il faut quand même souligner que le modèle actuel vendu par Peugeot est une édition spéciale de lancement toute équipée. La gamme sera complétée à terme avec des e-308 à des prix plus raisonnables. Stellantis envoie malgré tout un drôle de message en commercialisant une voiture à un prix aussi élevé, surtout en la proposant à 40 € au-dessus du bonus écologique, ce qui prive le véhicule des 5 000 € de bonus écologique. Est-ce le dernier signe de la mauvaise volonté de Carlos Tavares en matière d’électrification ? Le PDG n’a jamais caché son scepticisme quant au choix de l’Union européenne de programmer la fin du thermique ou celui des voitures électriques à batterie en guise de solution de remplacement.
Si Peugeot ne voulait pas vendre d’e-308, la marque n’aurait pas pu mieux faire que de choisir un prix aussi élitiste pour son segment. Mais c’est peut-être la clé de l’explication : est-ce que le groupe a les capacités industrielles nécessaires pour vendre plus de voitures électriques que les volumes actuels ? Au fond, Stellantis suit peut-être la même stratégie que Tesla, qui n’avait pas hésité à augmenter ses tarifs l’an dernier quand son carnet de commandes se remplissait plus vite que le rythme de production de ses usines.
Tesla a rempli son carnet de commandes et souhaite vendre moins de Model 3 pour le moment
Au-delà des comparaisons avec le constructeur américain, Stellantis va devoir rapidement revoir sa copie s’il ne veut pas se laisser dépasser par les nouveaux arrivants, notamment chinois. Face à la e-308, MG est bien placé avec sa MG4 qui est sur le même segment et qui débute à 29 290 € dans sa version de base. Même en comparant avec la version toute équipée et qui dispose de la grosse batterie, le bilan est rude pour Peugeot : pour 35 990 € hors bonus, le constructeur chinois propose un véhicule tout équipé qui offre une autonomie théorique supérieure (435 km).
Le groupe Stellantis a choisi de monter en gamme et Peugeot vise désormais le marché du premium, mais on parle d’une différence de plus de 16 000 € pour le client entre la seule e-308 mise en vente et une MG4 haut de gamme. Si les constructeurs chinois souffrent encore d’un déficit d’image et d’un réseau moins important1, cet avantage ne va pas durer éternellement…
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Ce qui n’est pas tout à fait vrai pour MG, qui dispose d’un réseau de concessionnaires bien installé en France, héritage de la marque britannique rachetée par le Chinois SAIC Motor. ↩︎