À la faveur de l'IFA, un grand salon européen, Intel a donné quelques détails sur sa nouvelle architecture pour les PC portables, Lunar Lake.
La société mise beaucoup sur cette gamme, qui reprend certaines idées vues chez Apple. La première, la plus évidente, est l'intégration de la mémoire directement sur le système sur puce. Il ne s'agit pas d'une mémoire vive unifiée comme chez Apple, mais l'intégration simplifie la structure des cartes mères. Ce choix permet aussi à Intel d'employer de la mémoire rapide (LPDDR5X-8533) sur un bus 128 bits — comme les puces M1 à M4 — et de proposer un prix intéressant au fabricant. En effet, c'est Intel qui livre la RAM directement, avec 16 ou 32 Go selon les références. Ce choix a évidemment un défaut devenu classique avec la mémoire LPDDR : il est impossible de mettre à jour la quantité de mémoire vive.
Intel abandonne les barrettes de RAM avec Lunar Lake (mais installe 16 Go au minimum)
La nouvelle gamme est basée sur un nouveau cœur rapide (Lion Cove) et un nouveau cœur basse consommation (Skymont). Le cœur rapide abandonne l'Hyper-Threading, une technologie qui était présente dans les puces Intel depuis une grosse vingtaine d'années et permettait d'exécuter deux threads sur un seul cœur en profitant des unités inutilisées. Intel justifie ce choix en expliquant que les gains de l'Hyper-Threading (de l'ordre de 15 à 30 % environ) ne contrebalancent pas la consommation nécessaire. Plus largement, la nouvelle gamme vise une consommation faible avec d'excellentes performances, et Intel cible explicitement les puces ARM.
Le TDP est annoncé à 8 W pour les puces les plus économes et monte à 30 W pour le modèle le plus puissant. La valeur maximale, elle, reste toujours un peu élevée : 37 W, ce qui nécessite une explication. Dans les puces Intel, la première valeur de TDP est la consommation maximale en usage normal, contrôlée par un composant interne. En charge, un composant noté à 17 W ne consommera donc pas plus de 17 W (et souvent moins) sauf dans des cas particuliers. Dans les PC portables, la seconde limite (37 W ici, parfois plus de 100 W dans les gammes précédentes) s'active pendant un temps défini (une minute par exemple) sur batterie quand vous effectuez une tâche lourde. Sur les PC de bureau, la limite de temps est plus élevée et parfois infinie.
La gamme comprend neuf références, qui ont toutes le même nombre de cœurs : quatre cœurs performants et quatre cœurs basse consommation. La différenciation se fait sur la fréquence — le Core Ultra 9 288V monte à 5,1 GHz quand le Core Ultra 5 226V se limite à 4,5 GHz —, sur la mémoire cache de niveau 3 (8 Mo sur les Core Ultra 5, 12 Mo sur les autres), la quantité de mémoire (16 Go ou 32 Go) et le TDP. Mais aussi sur deux autres points : le NPU et le GPU.
Premièrement, toutes les puces intègrent un NPU avec une puissance de 40 TOPS (contre au mieux 36 chez Apple) sur les Core Ultra 5 et 47 ou 48 TOPS sur les Core Ultra 7 et Ultra 9. Le GPU, lui, reprend l'architecture des cartes graphiques Intel Xe, avec 7 (Core Ultra 5) ou 8 (Core Ultra 7 et Ultra 9) unités. Intel en profite évidemment pour tacler son « nouveau » concurrent, Qualcomm. En effet, si les Snapdragon X sont performants sur la partie CPU, le GPU Adreno souffre de la comparaison avec les autres GPU intégrés du marché.
Des tests fournis par Intel
Pour le moment, les seuls résultats fournis viennent d'Intel et sont donc à prendre avec des pincettes. La société clame que sa puce est 1,2 x plus efficace par watts que le Snapdragon X Elite, et 2,29 x plus efficaces sur ce point que sa génération précédente (Meteor Lake). À châssis identique, l'autonomie atteindrait 20,1 heures sur un test classique (UL Procyon) et 10,7 heures sur un appel avec Microsoft Teams, contre 18,4 et 12,7 heures sur une puce Snapdragon X. Intel s'attaque par ailleurs essentiellement à Qualcomm, qui a fait bouger les lignes dans le domaine (au moins sur le papier).
Comme souvent, la réalité est probablement un peu moins belle et Intel a évidemment soigneusement choisi ses tests, mais l'ensemble des nouveautés impliquent que Lunar Lake devrait tout de même être une des meilleures puces de sa catégorie. Le principal problème reste par contre la cible : il s'agit d'une gamme assez limitée sur le nombre de cœurs, qui vise essentiellement les ultraportables et le milieu de gamme (au mieux). Les amateurs de jeux vidéo, par exemple, se tourneront probablement vers d'autres architectures parfois plus anciennes et moins optimisées sur la consommation, mais plus performantes.
Intel dans la tourmente
Lunar Lake est important pour Intel car la société va mal, très mal. Pour tenter de redresser la barre, différentes options sont d'ailleurs apparues récemment, et une des pistes souvent mises en avant est la revente d'Altera, rachetée en 2015. Les produits de cette société spécialisée dans les FPGA n'ont jamais vraiment été intégrés dans les puces d'Intel, et Altera avait d'ailleurs été plus ou moins séparé d'Intel en mars de cette année pour une éventuelle vente qui semble se confirmer. L'autre option envisagée, plus radicale, serait l'abandon des activités de gravure.
Pendant très longtemps, Intel a gardé une avance importante sur ses concurrents dans ce domaine et c'était un des moteurs des processeurs de la marque. Mais depuis 2015 environ, la gravure patine chez Intel et TSMC a largement pris la première place dans ce domaine. Si cette division devenait indépendante, un problème se poserait tout de même pour Intel : elle devrait faire graver ses processeurs en externe, ce qui a un coût (que ce soit par TSMC, Samsung, ou cette éventuelle nouvelle entité). Et l'entité en question aurait deux soucis, au moins au début : la technologie de gravure n'est pas réellement au niveau de celle de TSMC et les outils sont pensés essentiellement pour les puces Intel selon les spécialistes, ce qui nécessite des ajustements majeurs dans la façon de travailler pour pouvoir graver des composants provenants d'autres fabricants.