Ces derniers temps, Intel — par la voix de son CEO Pat Gelsinger — tente visiblement de se rassurer (et aussi probablement de rassurer ses clients). Après avoir indiqué récemment que les puces ARM étaient insignifiantes dans le monde des ordinateurs, il explique que les dernières évolutions d'Intel dans le domaine de la gravure permettent de reprendre la main face à ses concurrents (TSMC et Samsung dans ce domaine), en citant Qualcomm et Apple évidemment. Mais les propos rapportés par Nikkei Asia masquent une chose, en réalité : il n'y a plus de bataille avec Apple.
Nous pourrions ironiser sur les « cinq nouveaux processus de gravure en quatre ans », mais le simple fait qu'Intel ait proposé du 14 nm pendant six à sept ans et que la société soit obligée de travestir les noms de ses technologies pour des raisons marketing montre le problème. Le souci n'est pas que l'Intel 7 soit du 10 nm équivalent à du 7 nm chez la concurrence, mais que le 7 nm ne soit plus vraiment employé chez TSMC ou Samsung pour des puces haut de gamme.
Mais le réel problème, dans un sens, est de croire qu'il y a encore une bataille avec Apple. Car dans les faits, elle n'existe pas. Premièrement, parce qu'Apple a gagné sur de nombreux points. D'abord, Intel ne garde même plus réellement la tête sur les performances brutes : actuellement, une puce M3 Max offre les mêmes performances que le meilleur des Core i9 (un Core i9 13900KS ou un Core i9 14900KF, équivalents) avec environ 2 GHz de moins au compteur et huit cœurs de moins. Ensuite, la seule raison pour laquelle les Core i9 tiennent la comparaison vient de la débauche énergétique d'Intel : avec 6 GHz au compteur et une consommation réelle de 253 W, Intel pousse sa meilleure puce à ses limites. En face, un MacBook Pro équipé de la puce M3 Max consomme environ 100 W... pour la machine complète. Et la comparaison est charitable pour Intel : les performances des Core i3 et autres Core i5 sont bien plus faibles que celles des Core i9 dans tous les domaines, alors qu'une puce M3 est équivalente à une puce M3 Max sur les tâches qui n'emploient qu'un seul cœur.
Mais la seconde raison est beaucoup plus pragmatique, en réalité : il n'y a pas de bataille car — comme Pat Gelsinger le dit — « Apple c'est Apple (…) ils contrôlent l'écosystème ». Il est intéressant d'un point de vue théorique de comparer les performances des puces Apple et des puces Intel, mais dans les faits, les clients d'Apple n'ont plus réellement le choix. Les utilisateurs captifs ne peuvent qu'acheter des Mac équipés de puces Apple… ou totalement changer de crémerie1. Le fait que les systèmes sur puces M3 concurrencent bien le monde PC est intéressant, encore une fois, mais il n'y a pas de bataille directe : il n'y a plus de Mac équipés de puces Intel modernes. Dans le même ordre d'idée, le fait qu'Apple dépasse Intel n'est pas directement un problème pour le fondeur : un utilisateur de PC convaincu n'a pas le choix entre un Core i9 et une puce M3 Max. Il a le choix entre son PC… ou switcher2 sur Mac.
Le patron d'Intel trouve les puces ARM insignifiantes dans le monde PC
Quand Pat Gelsinger trouve les puces ARM insignifiantes, il a raison dans un sens : la concurrence directe est faible. Et l'adversaire direct d'Intel dans ce domaine n'est pas Apple, mais Qualcomm : il est beaucoup plus envisageable qu'une personne abandonne son PC sous Windows pour un PC sous Windows avec une puce Qualcomm Snapdragon X Elite que pour un Mac.
Pour terminer, il faut rappeler une chose : le fait qu'Apple dépasse Intel pour le moment est une chose, mais il est tout à fait possible que cet état de fait change. Apple peut subir un revers lors du développement d'une nouvelle architecture ou avoir un problème avec le processus de gravure tout comme Intel peut remonter la pente, ce qui n'est pas juste une idée en l'air. Après quelques années de stagnation (entre 2015 et 2021), la société a par exemple réussi à proposer des puces efficaces, même si les soucis de consommation restent bien présents. Et — surtout — les deux sociétés peuvent se faire dépasser par la concurrence : l'arrivée des nouvelles puces Oryon de Qualcomm le montre bien. Mais encore une fois, le risque est plus grand pour Intel qu'Apple : des PC Windows ARM performants ne vont pas nécessairement convaincre des utilisateurs d'abandonner macOS pour Windows.