En 2018, l'herbe est-elle plus verte chez les PC portables que chez ceux d'Apple ? La question mérite d'être posée pour plusieurs raisons. D'abord parce qu'il est toujours intéressant de jeter un œil sur ce qui se fait en face, de comparer où en sont les adoptions et les abandons de technologies.
Ensuite parce que dans le marché du smartphone on a pu assister à une convergence rapide entre des produits concurrents. Dernier exemple en date : si Face ID n'a pas été égalé, en quelques mois seulement l'encoche dans l'écran n'était plus un signe distinctif de l'iPhone X. On a vu aussi Samsung utiliser de grands écrans pendant des années puis Apple s'y est mise et elle creuse le sillon. La prise jack a disparu de plusieurs mobiles tandis que les systèmes à deux caméras sont devenus monnaie courante. Sur le matériel comme sur le logiciel, les smartphones iOS et Android se marquent constamment à la culotte.
À l'inverse, dans les PC portables, les fabricants paraissent moins prompts à coller aux basques d'Apple, tandis que celle-ci ne leur rend jamais hommage en reprenant certaines de leurs idées. Le MacBook Air est toujours imité mais c'est le seul véritable cas. Plus rares sont les machines PC qui évoquent d'emblée une influence du MacBook Pro Retina.
Pour résumer à grands traits, on pourrait dire que tous les smartphones se ressemblent mais que les PC portables et les MacBook font toujours bande à part.
Un PC qui rappelle le Mac
Partons de l'idée qu'un client fidèle à Apple depuis de nombreuses années veuille remplacer son MacBook Pro par un PC équivalent. À quelles propositions va-t-il être confronté ? Est-il aisé de trouver une nouvelle chaussure à son pied, différente mais quand même familière et confortable ?
Il ne s'agit pas de faire un guide d'achat, mais plutôt de voir où les deux grandes plate-formes de cet univers de l'informatique traditionnelle se croisent et en quoi elles continuent de s'opposer.
Il y a plusieurs manières de faire son shopping, j'ai retenu la plus basique : aller dans une Fnac (celle de l'énorme centre commercial de la Part-Dieu à Lyon) et déambuler parmi l'offre exposée. Le choix sera plus riche sur les boutiques en ligne — Dell par exemple, qui fait de bonnes machines, n'est pas référencé. Mais avec plusieurs dizaines de PC portables en situation — des plus petits aux grosses machines de joueurs — on a un bon panorama de ce qui se fait et ça donne l'occasion de dégrossir le problème.
Il y avait 53 PC en présentation, dont la gamme de Microsoft. Une absence remarquée, celle des Chromebooks. Google a bien un stand mais pour ses objets connectés. On peut distinguer trois grandes familles : à une extrémité, les gros portables pour gamers (de 1 300 à 1 500 €) et les petits notebooks qui ne coûtent presque rien (de 200 à 300 €) à l'autre extrémité. Au milieu, un mélange de machines de 13" à 15" avec des prix de 500 €, 900 €, un peu plus de 1 000 € ou 1 500 à 1 600 €, plus rarement.
Des écrans comme avant
Se balader dans un rayon PC c'est à certains égards remonter le temps. Ce n'est pas forcément une critique, il y a des clients d'Apple qui aimeraient bien retrouver l'abondante connectique qu'avaient les MacBook Pro d'il y a 3 ou 4 ans.
Avant d'aborder les prises il y a le cas des écrans. Cela fait 6 ans que l'on n'a plus vu de portable 17" chez Apple. Ces grandes machines ont été balayées en 2012 par la génération Retina qui a permis de caser une importante définition d'image dans un format physique contenu (15" d'abord puis 13" et 12").
Dans le monde PC, le 17" est une diagonale reine pour les portables de gamers. 10 machines de cette espèce étaient montrées (il existe aussi des 15" et 13"). Ce sont ces portables qui étaient parmi les plus "chers" de ceux disponibles (de 1 300 à 1 400 €). Il n'y a pas que les joueurs invétérés qui vont vers ces stations portables, leurs grosses performances intéressent ceux qui travaillent dans l'image.
L'autre surprise c'est la prépondérance des écrans restés sur une définition de 1080p, jusque sur des écrans 17". Au point que c'est un critère bien mis en avant. A contrario, sur Mac ce sont les dalles Retina qui sont devenues banales et le vieux MacBook Air demeure l'unique exception. Pour reprendre la comparaison avec le monde du smartphone, cela fait longtemps que le ratio entre la diagonale et la définition est allé dans un sens similaire à ce que l'on a sur les écrans des Mac.
Ces 1080p sur PC paraissent désuets mais c'est mieux pour exploiter la formidable logithèque sur PC (pas vraiment le domaine d'excellence du Mac) où c'est la fluidité qui prime et donc le taux de rafraîchissement et le taux de réponse. La carte graphique s'accommode plus facilement de cette "petite" définition, quant aux clients ils ne semblent pas en être affectés.
Sauf à mettre deux machines Retina et non Retina côte à côte, sauf à pouvoir convaincre sur l'avantage des changements de définition sur les écrans Retina, il est difficile de vendre la nécessité de cette qualité (qui est en plus synonyme de surcoût). Pas de demande, donc pas d'offre… et inversement (lire Pourquoi est-ce que l’on trouve toujours autant d’écrans 1080p ? ainsi que les commentaires contrastés des lecteurs). Parmi ces 50 PC il n'y avait guère que le stand de Microsoft qui marquait sa différence avec ses écrans tactiles PixelSense (2 256 x 1 504 ou 3 000 x 2 000 pixels).
En parlant de tactile, c'est un débat récurrent dans le monde Mac : "qu'Apple fasse donc comme sur PC et qu'elle équipe ses portables Mac en dalles tactiles !" Apparement, la solution n'est pas de changer de plateforme : sur cette cinquantaine de PC il n'y en avait que 8 à dalles tactiles. Force est de croire que la majorité des clients PC se passe fort bien d'un Windows que l'on peut toucher du doigt.
Une connectique sans concessions
Vous avez dé-tes-té le passage aux MacBook et aux MacBook Pro munis seulement de connecteurs USB-C ou de prises Thunderbolt ? Avec leur cortège d'adaptateurs ou de périphériques à renouveler ? Bienvenue sur PC où la foire du connecteur bat son plein.
La prise USB-A est (quasiment) partout présente, assurant une compatibilité sans intermédiaires encombrants. À l'inverse du Mac, le Thunderbolt était complètement absent (Dell par contre s'en sert). L'USB-C ne s'est pas encore imposé mais 31 machines quand même en avaient. Une maigre poignée de celles-ci (un peu chez HP, un peu chez Microsoft) ne proposait d'ailleurs que lui, comme sur un MacBook, mais ce sont des exceptions.
L'Ethernet, qui a besoin d'un adaptateur sur Mac, s'efface doucement. Il était tout de même présent sur les 10 PC de gamers (normal, il faut que la connexion réseau soit au top) et sur 17 autres portables.
35 modèles utilisaient un lecteur de carte SD (une espèce largement disparue chez nous), 40 machines avaient encore du HDMI mais seulement 2 une sortie VGA. Quant au lecteur/graveur de CD, lui aussi fait de la résistance mais elle est très affaiblie : 4 PC seulement en étaient équipés.
HD et SSD sont sur le même bateau
Sur les portables Mac c'est SSD ou rien pour le stockage. Dit autrement, si l'on veut avoir une bonne capacité (512 Go au moins) et ne pas dépendre trop du nuage, il faut prévoir un budget élevé. Même sur un 15" d'entrée de gamme vendu 2 800 € Apple démarre à seulement 256 Go ! On se console quelque peu en observant que ces SSD sont super rapides et qu'en fiabilité, sur le long terme, ils valent autre chose qu'un disque dur.
Les 10 PC de gamers et 5 PC classiques avaient un combo SSD + disque dur au moyen du système Optane d'Intel. La capacité SSD allait de 128 à 256 Go et le disque dur avait 1 To. Ailleurs, c'était souvent des machines avec seulement un disque dur de 1 To. Pour les petits portables de 200 à 400 €, leur capacité de stockage était de 32, 64 et 128 Go… comme le MacBook Air vendu 1 100 € avec 128 Go aussi !
Designs et finitions
Les goûts et les couleurs… on connaît le refrain. Ce qui est sans appel c'est l'écart entre les machines tout aluminium et très soignées d'Apple et cette ribambelle de portables en polycarbonate (parfois très "plastoc" mais on n'attend pas mieux d'une machine à 200 €).
Ces portables sonnent souvent creux, il n'y a pas cette densité que l'on sent en prenant en main un MacBook Pro. Ou ces écrans qui entrainent avec eux le châssis lorsqu'on les ouvre d'une seule main. Ce sont des détails qu'il est impossible de "vendre" à un client lambda, mais ils illustrent les différences de soins et de temps consacrés à la conception d'un produit et expliquent en partie les différences de prix.
Microsoft et un ou deux portables HP se distinguaient dans l'offre. Le premier est au plus près de ce dont on a l'habitude de trouver sur un Mac, tout en jouant sur un autre registre avec son Surface Book en tissu alcantara ou l'écran détachable de son Surface Book à l'étrange charnière.
On peut parler de ces trackpads minuscules perdus sur les immenses repose poignets de certains 17", comme une île au milieu de l'océan. Des trackpads qui fonctionnent comme ceux des portables d'Apple d'il y a quelques années : la surface clique de moins en moins vers le haut du pavé.
À propos du design des PC de gamers on dira que ce sont des machines à l'identité affirmée… Par leurs volumes et épaisseurs qui semblent d'un autre âge (mais il faut bien refroidir le moteur et la carte graphique), par le rétroéclairage coloré du clavier (quand ce ne sont pas les touches individuellement que l'on peut éclairer : « 80 quadrillions de combinaisons d'éclairage avec un nombre incalculable d'effets et de modes » promet Dell pour ses toutes dernières fusées portables) ou par leurs formes biseautés et anguleuses, ces portables sont à nul autre pareil. Il ne peut pas y avoir plus différent d'un MacBook Pro, toutes générations confondues. Aller vers un PC de gamer c'est comme rejoindre une faction dissidente des portables Mac et PC traditionnels.
Ces volumes larges et épais sont tout aussi courants dans les autres PC croisés dans ces rayons. On peut reprocher à Jonathan Ive de trop viser la minceur, on regrette que ses pairs du monde PC n'en fassent pas un peu plus de leur côté.
Là encore la comparaison avec le monde du smartphone surprend. Il y a des gros téléphones pas très gracieux dans le monde Android mais aussi beaucoup de modèles largement au niveau de l'iPhone, la barre est haute chez de nombreux acteurs du mobile. La sélection offerte par la Fnac n'est certes pas représentative de tout ce qui existe chez les fabricants de PC, il est juste étonnant de voir à quel point les machines sans grâce particulière sont encore nombreuses, à tous les niveaux de prix.
Un bon casse-tête
En cherchant à trouver une ou deux machines qui se rapprochent le plus de ce que je peux connaître chez Apple, il y avait les produits Microsoft et de petits Pavillon ou Envy chez HP. Des PC au prix d'un MacBook Air 13"pour les HP ou d'un MacBook Pro 13" pour les Surface.
En termes de budget il n'y a donc pas de révolution. On peut trouver des PC à des prix inconnus chez Apple mais on descend fortement en gamme (d'où l'intérêt d'étendre ses recherches à des marques comme Dell ou d'autres modèles au-delà de la sélection d'un grand magasin).
Ces portables HP et Microsoft sont d'apparence très corrects si ce n'est qu'il leur manquait ici ou là le petit quelque chose qui vous fait dire que vous n'aurez aucun regret à abandonner les MacBook Pro (lire Surface Laptop : un test top moumoute).
C'est toute la difficulté de l'exercice et la frustration qui en découle. Cette abondance de choix a quelque chose d'une illusion. Lorsqu'on écarte les extrêmes on tombe vite sur deux douzaines de machines dont une fraction seulement est au niveau de ce que l'on peut attendre lorsqu'on a connu le Mac depuis 10 ou 20 ans.
La vendeuse du rayon à qui je demandais de m'orienter vers des machines pouvant correspondre à ce que je cherchais m'indiqua les même PC que j'avais repérés. Preuve que le choix n'était pas si ouvert, dans ce cas de figure du moins, où le budget n'est pas LE critère premier.
Elle m'expliquait qu'en général les clients PC qu'elle conseillait cherchaient un portable qui allie des performances avec un bon prix (pendant cette visite, plusieurs étudiants et parents ont tourné autour de l'îlot des petits portables à 400 € ou alors de gros 17" dans la même gamme de prix).
À ce compte là, on peut comprendre que les points de la définition de l'écran, de la présence ou non de ports Thunderbolt ou d'un trackpad aussi sophistiqué que ceux d'Apple leur passe largement au-dessus de la tête. Ces critères n'entrent pas dans leur équation, d'où peut-être cette évolution globalement atone où de rares modèles viennent rompre la monotonie.
Il y a de bons PC portables mais en dépit d'un catalogue conséquent il n'est pas si simple de trouver un cousin germain des MacBook Pro. Les machines d'Apple ne conviendront pas à tout le monde — sans même aborder la question de leur prix — mais elles sont assez homogènes. Il n'y a pas de profonds déséquilibres dans leur qualité et leurs prestations (dommage qu'une histoire comme celle des claviers soit venue amocher ce tableau).
En définitive, cette recherche d'un successeur à un MacBook Pro s'est soldée par un semi-échec. Je pensais trouver assez facilement un PC de bon niveau, certains s'en approchaient, mais pas au point de dire : "voilà, c'est ça !" La recherche pouvait continuer. Dans l'univers du smartphone il aurait été certainement beaucoup plus simple de trouver aussi bien que les iPhone du moment…
Si vous avez récemment opté pour un PC portable après avoir bien connu la gamme d'Apple, n'hésitez pas à expliquer en commentaires vers quel modèle vous vous êtes orienté et quels étaient vos critères de choix.