À l’origine de ce constat, un communiqué de presse envoyé par NEC pour une nouvelle gamme de moniteurs, dont certains équipés en USB-C. Comme c’est une caractéristique encore relativement rare, nous pensions traiter l’information sur le site, avant de réaliser que ces écrans flambant neufs et équipés de la dernière norme en matière de connectique n’étaient pas 4K. Les modèles d’entrée de gamme, sans USB-C, sont même limités au 1080p, alors que ce sont des écrans de 27 pouces.
NEC vise les entreprises avec cette gamme, pas le grand public, mais est-ce pour autant une excuse ? Comment peut-on vendre en 2018 un écran de 27 pouces plus de 300 € avec une dalle 1080p ? Le modèle avec USB-C bénéficie d’une meilleure définition, du 1440p, mais il est affiché à plus de 1500 € sur le site du constructeur. Et à ce tarif, ne pouvait-on vraiment pas glisser une dalle 4K ?
Le 1440p, soit 2 560 x 1 440 pixels, c’est la définition de tous les écrans 27 pouces depuis des années, chez Apple depuis au moins 9 ans et le premier iMac 27 pouces. Et cela fait même 14 ans si on considère le Cinema Display 30 pouces, un monstre qui affichait une définition record à l’époque de 2 560 x 1 600 pixels, soit du 1440p avec légèrement plus de pixels en hauteur. Une définition qui, en passant, a pratiquement disparu du paysage aujourd'hui, même si Dell continue de commercialiser un modèle de 30 pouces similaire.
Le marché des écrans semble bloqué depuis une dizaine d’années, avec toujours les mêmes définitions proposées en règle générale. On trouve pléthore d’écrans 4K, c’est vrai, parfois même à des prix qui défient toute concurrence, à l’image de ce 28 pouces 4K de Samsung vendu moins de 290 €. Mais cette définition n’est pas devenue un standard et elle ne semble jamais vouloir le devenir, même sur les grands écrans. On peut ainsi facilement trouver des écrans de 32 pouces en 1080p, comme ce modèle de LG affiché à 236 €. Ce n’est pas cher, mais pour un usage bureautique courant, c’est dommage d’avoir une telle surface de travail physique et de ne pas vraiment pouvoir l’exploiter.
Difficile de caser plusieurs fenêtres sur du 1080p, alors qu’un écran de plus de 27 pouces est parfait pour cet usage. Mais le problème, c’est que ces considérations n’intéressent pas le marché, qui semble uniquement concentré sur une utilisation précise des moniteurs : les jeux. Même si les joueurs représentent certainement une minorité sur le marché des ordinateurs, c’est pour eux que les constructeurs semblent tous travailler. Les innovations, car il y en a toujours, ne sont pas du côté de la définition, mais de la fréquence des dalles.
Aujourd’hui, le mieux pour jouer n’est pas un moniteur 4K, mais un écran qui dépasse les 60 fps traditionnels pour proposer une vitesse de rafraîchissement supérieure. 100 Hz, 144 Hz, voire 180 Hz et même 240 Hz : on trouve des dizaines d’écrans qui font mieux, parce que le résultat est plus impressionnant en jeu. Et en général, ils sont bloqués au 1080p, les modèles plus haut de gamme peuvent atteindre le 1440p. Bon nombre de joueurs préfèrent en rester à la petite définition, pour éviter de changer de carte graphique.
Si le marché est autant déformé par les besoins des joueurs, c’est peut-être parce que cette catégorie est la seule qui achète encore des écrans d’ordinateurs. Le grand public a depuis longtemps tourné le dos aux ordinateurs fixes au profit des portables qui sont souvent utilisés seuls. Quant à la plus grosse masse des utilisateurs, ils sont dans un cadre professionnel où la définition de l’écran n’est pas souvent un critère. Déjà que la taille des moniteurs achetés en entreprise est parfois encore ridicule, alors allez essayer d’expliquer l’avantage de la 4K par rapport au 1080p.
Ce constat explique pourquoi NEC commercialise ces écrans destinés, justement au monde professionnel. Et pourquoi la majorité des modèles vendus sur internet sont destinés en priorité aux joueurs. Mais il n’empêche que cela fait une dizaine d’années maintenant que la définition n’a pas bougé et l’arrivée de la 4K ne semble rien y faire.
C’est d’autant plus frustrant que la définition de l’écran est l’une des caractéristiques les plus visibles sur un ordinateur. On disait plus tôt que la fréquence de rafraichissement était plus importante pour jouer, mais c’est un paramètre qui reste mystérieux pour la majorité des utilisateurs. Alors qu’un écran Retina, où les pixels ne sont plus visibles à l’œil nu, c’est un concept nettement plus facile à « vendre », puisque cela se voit. Nettement plus que le passage de la DDR3 à la DDR4, ou bien d’un SSD SATA à un modèle NVMe, par exemple.
La 4K n’est même pas la panacée
Pour ne rien arranger à l’affaire, la 4K n’est même pas la définition parfaite que tout le monde devrait adopter. Certes, la 8K arrive à grand pas, mais cela reste de l’ordre du rêve, ou en tout cas ce n’est pas pour aujourd'hui. En attendant, il y a mieux que la 4K pour les grands écrans. Ce n’est pas pour rien qu’Apple a opté pour de la 5K dans ses iMac 27 pouces et dans l’écran conçu par LG avec son approbation et qui fait office de moniteur Apple faute de mieux.
La 4K est parfaite pour succéder au 1080p, c’est quatre fois plus de pixels (deux fois plus à la verticale, deux fois plus à l’horizontale) et on peut ainsi bénéficier d’un affichage Retina @2x. Sous macOS, c’est le cas par défaut d’ailleurs, le système combine quatre pixels physiques en un seul pixel logique et affiche la même quantité d’informations, mais avec une bien meilleure définition. Le rendu est plus net, les pixels ne sont plus visibles.
À partir de 27 pouces toutefois, la 4K commence à montrer ses limites puisqu’en partant de l’idée de quatre pixels pour un, on se cantonne au même affichage utile que le 1080p. Concrètement, la dalle dispose bien de 2 160 pixels de haut, mais le système n’en affiche que 1 080, comme si vous aviez un écran Full HD. Pour bénéficier de 1 440 pixels de haut en Retina, il faudrait 2 880 pixels physiques en hauteur, soit la définition d’un écran 5K.
Pour simplifier les choses, si la 4K est le mode Retina du 1080p, la 5K est le mode Retina du 1440p. Pour bien faire, il faudrait privilégier cette définition au-dessus de 27 pouces, alors que la 4K peut suffire pour les écrans plus petits. Hélas, le marché a choisi et les écrans 5K restent extrêmement minoritaires. Il faut dire qu’ils sont aussi compliqués à gérer aujourd'hui, ils nécessitent souvent deux câbles : bref, il y a de bonnes raisons actuellement d’en rester à 4K.
D’autant plus que macOS gère très bien ces nouvelles définitions, comme nous l’expliquions dans cet article dédié à la 4K. Le système d’Apple peut afficher un moniteur 4K dans sa définition physique de base (3 840 x 2 160 pixels), ou bien en vrai Retina (1 920 x 1 080 pixels), mais plusieurs crans intermédiaires sont proposés. Dans le lot, on a un mode qui simule le 1440p que l’on avait auparavant sur ces tailles d’écran. Ça n’est pas aussi net que le mode @2x, mais c’est nettement moins flou qu’un écran traditionnel, donc c’est un compromis qui peut être acceptable.
Pour finir, restons avec les Mac, mais évoquons les portables d’Apple. Si le constructeur a été le premier à passer dans le monde du Retina, avec le MacBook Pro 15 pouces présenté en 2012, il n’a jamais évolué depuis. Toute la gamme propose aujourd'hui du « faux » Retina, une définition physique insuffisante pour proposer une définition logique @2x, où chaque pixel affiché à l’écran est créé par quatre pixels sur la dalle. C’est un compromis qui était parfaitement logique il y a six ans, mais à l’heure où bon nombre de constructeurs concurrents proposent des portables dotés d’un écran 4K, on aimerait voir des évolutions sur ce point.
Une dalle 4K sur les MacBook Pro 13 ou 15 pouces serait idéale pour offrir un affichage par défaut parfaitement net, comme sur les iMac Retina. On imagine qu’Apple attend de pouvoir le faire avec suffisamment d’autonomie, c’est probablement le point qui bloque encore aujourd'hui.