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Pippin, le symbole d'une Apple qui n'existe plus

Florian Innocente

Tuesday 01 May 2018 à 10:30 • 29

Matériel

En 1997 Apple et Bandai mettaient un terme à la brève aventure de la Pippin. Une console de jeu dont la genèse illustre, d'une certaine façon, la manière dont Apple a diamétralement évolué dans sa façon de piloter la conception et la vente d'un produit.

Là où l'Apple des années 1990 déléguait volontiers à Bandai le soin de commercialiser ce produit qu'elle avait pourtant elle-même développé, celle des années 2000 n'a de cesse de vouloir tout contrôler de A à Z, et surtout ne laisser à personne d'autres le soin d'utiliser ses plateformes. La Pippin a connu, en accéléré, le même chemin que les clones de Mac : décollage en fanfare et crash pendant le vol.

via imgur

Le journaliste Richard Moss a publié chez Ars Technica un extrait de son récent ouvrage The Secret History of Mac Gaming (19,99 € sur l'iBooks Store) dans lequel il aborde le cas de la Pippin, lancée au Japon par Bandai en mars 1996 sous le nom Pippin Atmark, puis en septembre aux États-Unis comme Pippin @World et toujours sans le logo d'Apple, pour enfin être mise au rebut dès l'année suivante.

Il faut rappeler le contexte de l'époque : Apple a réussi sa transition vers le PowerPC mais Windows 95 l'a sérieusement amochée, sa stratégie pour un tout nouveau système d'exploitation commence à prendre l'eau, le Newton ne cartonne toujours pas et, début 1996, elle change de patron. L'Allemand Michael Spindler cède sa place à Gil Amelio (qui prendra aussi la porte après l'avoir réouverte à Steve Jobs). Apple a eu son lot de périodes compliquées, celle-ci en est une assurément.

Richard Moss raconte que l'un des responsables du développement de l'activité Mac, Eric Sirkin, avait eu vent de l'intérêt du japonais Bandai pour une console de jeu construite autour de l'ordinateur d'Apple. Le principe de confier à un tiers un équivalent au Macintosh n'est pas farfelu à ce moment-là, puisque les clones ont été déjà approuvés. Sirkin est sceptique sur leur pertinence mais l'idée d'une console de salon lui plaît davantage. Voyant que ses collègues de la division Personal Interactive Electronics ne se remuent pas, il prend langue avec Bandai, énorme marque de jouets (le Tamagotchi) et papa de personnages tels que les Power Rangers ou Dragon Ball.

Bandai, poursuit Moss, voit dans la popularité croissante du CD-ROM une opportunité pour étendre l'exploitation de son univers de personnages. Makoto Yamashina, fils du fondateur du groupe, admire Apple et caresse l'idée d'un système multimédia capable d'utiliser la logithèque déjà existante chez Apple, afin de ne pas aller au-devant des clients avec les mains vides.

Sirkin doit toutefois expliquer à ses interlocuteurs qu'Apple n'entend pas fabriquer elle-même le produit, ni y apposer sa marque, ni même le vendre. Elle ne s'occupera que de la conception matérielle et logicielle, en échange d'une licence et de royalties pour chaque unité de Pippin et de logiciel vendus.

Rapidement, constate Eric Sirkin, la direction d'Apple exige que la future Pippin ne soit pas un exact clone de Mac. Il faut éviter que des clients ne s'offrent à bon prix un Macintosh pleinement fonctionnel. La console ne doit pas être transformable en un ordinateur personnel, malgré la présence d'un PowerPC identique à celui des Mac d'entrée de gamme et d'un Mac OS adapté.

Impossible aussi de prendre le CD d'un jeu pour Mac et le lancer sur la Pippin sans autre forme de procès. Apple craint la copie et elle s'attache à ce que les titres de la Pippin soient non seulement bien protégés mais dérivés de ceux du Mac, obligeant à des adaptations plus ou moins importantes de la part des éditeurs. « Il fallait s'assurer que les développeurs de Myst fassent une version spéciale de leurs CD », explique Richard Sprague, qui servit d'intermédiaire avec Bandai et travaillait à évangéliser des éditeurs japonais. « Il y avait plein de choses comme ça, destinées à faire en sorte que personne ne confonde la Pippin avec un Macintosh ».

Plus loin, Sprague cite le cas d'une réunion entre un haut cadre d'Apple, responsable des activités multimédias, et le patron de Bandai, où le premier n'hésite pas à emberlificoter le second qui lui reproche de ne pas avoir mis assez de monde sur ce projet, comme promis.

Sirkin évoque des soubresauts dans l'équipe d'Apple, où quatre développeurs se mirent en grève devant l'impossibilité de tenir les délais dans les conditions de travail qui étaient les leurs. Ils furent licenciés et remplacés par d'autres, prêts à accumuler les heures sup'.

Bob Bell, éditeur du jeu The Journeyman Project: Pegasus Prime qui fut parmi les rares à arriver sur la Pippin, se souvient de la forte implication des gens de Bandai qui n'avait d'équivalent que le faible intérêt témoigné par les huiles d'Apple. Même le patron de Bandai, de visite au QG d'Apple à Cupertino, pouvait être snobé par son homologue.

Le lancement approchant, la direction d'Apple finit par se mettre au diapason de l'optimisme de son partenaire et crut bien faire en séparant les équipes marketing et ingénierie qui finalisaient le lancement du produit. Une décision « complètement idiote et à l'opposé de ce qu'il fallait faire », grogne Sirkin.

La Pippin fut vendue avec un modem mais il fallut que Bandai, dont les développeurs étaient emballés par Netscape, insiste pour qu'Apple y consente et prévoie un navigateur web. Une fonction qui permettait de différencier cette console de celles lancées par leurs concurrents, dont rien moins que la première PlayStation. Résumée par Sprague, la réponse d'Apple à Bandai sur le sujet était qu'il n'y avait pas d'argent à se faire avec internet : « Non, vous ne pouvez pas mettre internet sur ce truc parce que c'est un lecteur multimédia et cet internet, ça ne marchera pas. Faites-nous confiance. N'allez pas perdre du temps et vous casser la tête avec quelque chose qui se connecte à internet ».

Plus généralement, alors qu'Apple essayait d'amener les développeurs à travailler pour la Pippin et leur faire adapter des jeux existants, les questions sur son positionnement se firent pressantes. « Qu'est-ce que cette console de jeux va faire de mieux que n'importe quelle autre ? », demanda un éditeur lors d'une conférence développeurs en Californie réunissant des Américains et des Japonais. « Est-ce que ça va être un appareil pour internet ? Un appareil de communication ? Ca va être une super console de jeu ? ».

Une rafale d'interrogations à laquelle Sirkin n'avait pas de réponses à offrir : « C'était plus cher [600 $ à son lancement, ndlr] qu'une console et pas aussi puissant qu'un PC. Du coup, comment vous faites pour expliquer ça au marché ? Comment vous positionnez le produit ? »

Ce flou, ainsi que les efforts nécessaires pour adapter des jeux prévus à l'origine pour un clavier, une souris et des ressources logicielles et matérielles moins contraignantes (pas de disque dur sur la Pippin), n'aidèrent pas à constituer un catalogue de premier choix, ou ne serait-ce qu'un peu consistant. Trois jeux Mac furent portés, accompagnés par quelques dizaines de titres éducatifs ou de loisir.

crédit MacGeek

La fin de l'histoire est connue : des ventes insignifiantes en regard des objectifs (quelques dizaines de milliers au mieux pour 500 000 espérées la première année). Une distribution en Europe annoncée mais avortée et un abandon pur et simple un an plus tard. Quand bien même Apple avait laissé Bandai gérer la commercialisation et la distribution, elle reste étroitement associée à ce fiasco dans l'esprit collectif.

20 ans plus tard, on mesure à quel point, en changeant de dirigeants, Apple a changé dans sa manière de travailler. Aujourd'hui la Pomme concentre tant et plus ses développements logiciels mais aussi matériels. Il est devenu rigoureusement impossible de l'imaginer réaliser un produit, basé sur l'une de ses principales plateformes, pour le compte d'un tiers qui se chargerait de le vendre sous une autre marque. Ce qui pouvait se défendre à l'époque de la Pippin et des clones n'a plus aucun sens maintenant.

C'est peut-être aussi par ces échecs qu'Apple est devenue ce qu'elle est : toujours plus obstinée à prendre en main son destin en s'occupant de ses produits du début jusqu'à la fin, quitte à éjecter quelques partenaires qui ne la suivent pas d'assez près (lire : La longue liste à puces d'Apple et Fournir Apple c'est comme signer « un pacte avec le diable »).

Le jeu, au même titre que la photo, est devenu un élément clef de la popularité de l'iPhone, au point d'avoir gagné sa section dédiée sur l'App Store. Il aura fallu attendre qu'Apple fasse un téléphone pour qu'enfin ses clients disposent d'une énorme logithèque, qui l'eut cru !

La réussite est moins patente à la maison. 20 ans après la Pippin et en dépit d'une Apple TV qui se veut plus joueuse depuis trois ans, le salon reste comme hermétique à ces efforts vers le ludique.

Comme hier avec la Pippin, l'Apple TV peut jouer mais elle n'est pas une console de jeu au sens strict du terme. Elle est capable mais pas forcément très adaptée avec sa fausse manette de jeu. Sur le terrain de la console pure et dure, elle est incapable de rivaliser avec ce que font Sony et Microsoft. Elle n'essaie d'ailleurs pas — Apple se garde de trop mettre en avant l'aspect jeu de son boîtier —, mais elle ne se donne peut-être pas non plus les moyens de faire mieux (lire L'Apple TV ne joue toujours pas).

La Pippin n'a laissé de trace que par son échec. D'une certaine manière, l'Apple TV actuelle en est une lointaine cousine, qui certes a bien mieux réussi grâce à d'autres de ses capacités, mais qui a hérité de quelques-unes de ses faiblesses.

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