Tout a commencé lorsque j’ai ressorti le vieux Serie 5 de Samsung du fond d’un placard de la rédaction. C’est le premier ordinateur portable fonctionnant sur Chrome OS, le premier Chromebook donc. Et malgré ses cinq ans d’âge, il fonctionne encore assez bien, même s’il accuse le poids des années et souffre de nombreuses lenteurs. Tester à nouveau cette machine m’a donné envie de réessayer ces ordinateurs qui séduisent surtout par leur tarif, mais aussi par leur philosophie centrée sur le nuage.
Cet automne, les Chromebook seront même encore plus intéressants quand ils seront compatibles avec les apps Android. Mais que valent-ils sans ? Pour en avoir le cœur net, nous avons commandé un modèle récent, le Toshiba CB30-B–104 (sic), mieux connu sous le nom de Chromebook 2. C’est un modèle assez classique aujourd’hui, construit autour d’un écran 13 pouces et d’un processeur Intel Celeron. Il dispose aussi de 2 ou 4 Go de RAM et d’un espace de stockage de 16 Go, le tout dans une coque en plastique gris passe-partout.
Ce Chromebook est vendu autour de 300 €, ce qui en fait un modèle de milieu de gamme. À l’heure actuelle, les premiers prix commencent à peine au-dessus de 150 € (c’est le prix de cet Asus 11 pouces par exemple) et les appareils les plus luxueux s’approchent du tarif d’un MacBook Air. En France, le Pixel de Google n’est pas en vente, mais Dell commercialise un Chromebook haut de gamme à 700 €.
À 300 €, on a un petit peu mieux que la moyenne et la particularité du modèle que nous avons choisi, c’est son écran. Là où la majorité des Chromebook reste à la HD simple (en général 1 366 x 768 pixels pour les 11 et 13 pouces), Toshiba a choisi un écran Full HD de 1 920 x 1 080 pixels. Mieux, la dalle est IPS, ce qui est un gage de qualité, notamment pour les angles de vision, alors que l’entrée de gamme est souvent cantonnée au TN. Si vous avez déjà comparé un MacBook Air et un MacBook Pro, vous savez que la différence est énorme…
Sans aller jusqu’à parler d’écran Retina − Apple conserve une longueur d’avance dans ce domaine −, Toshiba propose une dalle de très bonne qualité, surtout pour un ordinateur vendu à 300 € seulement. La densité de pixels est suffisante pour qu’on ne les distingue pas en usage courant, et avec une telle définition, on peut travailler confortablement sur deux fenêtres à la fois, ce qui est agréable.
Malheureusement, on ne peut pas vendre un ordinateur à ce prix sans faire quelques concessions et le Toshiba n’en manque pas. On sent que le constructeur a tout mis dans la dalle et qu’il ne restait plus grand-chose sur le budget pour tout le reste. Et le reste est donc, assez logiquement, médiocre.
J’utilise des Mac portables depuis si longtemps que j’avais oublié à quel point les ordinateurs « d’en face » pouvaient être de mauvaise qualité. Tout en plastique texturé sur l’extérieur, ce modèle est un bon rappel. Loin de l’assemblage (presque) parfait d’Apple, tout ici est monté à peu près, il y a de grosses vis apparentes et on sent bien qu’il ne faudrait pas beaucoup forcer pour casser quelque chose.
Il est impossible de produire un appareil à un tel prix sans faire de compromis, c’est évident, mais l’entreprise n’a pas fait que des choix heureux. Les plastiques utilisés sont tous déplaisants sous les doigts, surtout sur la coque extérieure avec cet effet relief ni fait, ni à faire. À l’intérieur, ce n’est pas beaucoup mieux : quand on a fait le tour des étiquettes Intel et des divers logos, on découvre un clavier correct et un trackpad moyen.
J’ai réussi à écrire l’article précédent et celui-ci sur le clavier du Chromebook, donc c’est possible, mais on n’oublie jamais que l’on a affaire à une machine pas chère. Côté positif, le design du clavier très proche de celui d’Apple avec les touches séparées a fait ses preuves et on retrouve vite ses repères. Sans compter que l’on a toujours des petites flèches plutôt que les versions agrandies de la pomme qui sont beaucoup plus difficiles à distinguer.
Les touches sont en revanche moins agréables, surtout parce qu’elles sont recouvertes d’un plastique qui n’est pas lisse, mais légèrement granuleux. Un choix qui fait assez cheap. J’ai fini par m’habituer et par faire avec, même si la différence reste sensible à chaque fois que je reviens à mon Mac (un MacBook Pro 15" Retina). En revanche, le trackpad est mauvais et on ne s’y fait pas. Lui aussi est légèrement granuleux, il manque de précision et les clics sont durs et entraînent souvent des erreurs. Sur ce point, Apple a une belle longueur d’avance. C’est certainement le prix à payer pour avoir un tel tarif affiché à l’arrivée…
On peut encore évoquer rapidement les enceintes qui suffiront à peine pour une courte vidéo YouTube : le logo Skullcandy est vraiment là pour faire joli… heureusement qu’il y a une sortie jack. Ou bien le Bluetooth qui a toujours mal fonctionné pendant mes essais, entraînant des déconnexions intempestives pour tout ce que je connectais. Est-ce la faute de Toshiba ou bien du clavier sans fil d’Apple ? Toujours est-il que j’ai vite abandonné au profit du clavier intégré qui lui, au moins, fonctionne bien.
Du côté des performances, ce Chromebook est dans une situation inconfortable. D’un côté, Chrome OS est si frugal que même un processeur aussi rachitique que le Celeron N2840 utilisé ici suffit largement (comparaison un peu gratuite, mais ses performances brutes dépassent celles du tout premier MacBook Air, celui sorti en 2008, et les iPhone font mieux depuis trois ans).
Le problème avec ce modèle, c’est plutôt la puce graphique intégrée qui ne suffit pas à proposer une expérience fluide avec la résolution de base. Si vous avez connu les premiers Mac Retina, vous comprendrez ce que je veux dire : tout fonctionne, mais quand on fait défiler une page web un peu lourde (celle de Facebook est toujours un bon benchmark), ce n’est pas fluide, il y a quelques ralentissements légers.
Au quotidien, ce n’est pas vraiment un problème toutefois, et la qualité de l’écran compense largement. Mais on comprend mieux pourquoi certains modèles haut de gamme sont mieux équipés de ce côté : même quand on n’a que Chrome sur sa machine, il faut un petit peu de puissance sous le coude pour le web de 2016. Au passage, les 4 Go de mémoire vive sur notre Chromebook ne sont pas de trop et les modèles à 2 Go risquent de souffrir, eux aussi, de quelques légers ralentissements.
Comme sur les premiers Mac Retina, c’est quelque chose que l’on peut régler assez facilement en baissant la définition de l’écran. Chrome OS propose quelques réglages et en passant juste au cran inférieur (1 536 x 864 pixels) on retrouve la fluidité espérée… au prix d'un léger flou de l'image. J’ai préféré alors rester à la définition par défaut qui permet d’exploiter au mieux les 13 pouces de l’écran, mais ce palier en dessous est un bon compromis. Et c’est toujours mieux que la définition de base de la majorité des autres modèles.
Ce n’est pas parce qu’un ordinateur n’est pas cher qu’il est dépourvu de sorties. Sur ce Chromebook, on a six connecteurs différents, trois fois plus que sur un MacBook autrement plus cher. Outre celui dédié à la recharge, il y a deux ports USB, une sortie jack et même une sortie HDMI et un lecteur de carte SD. Économies obligent, il n’y a qu’un USB 3, mais celui qui est limité à l’USB 2 peut faire au moins office de port de recharge. Le lecteur SD est pratique pour décharger rapidement un appareil photo, ou même pour augmenter le stockage interne, puisque la carte rentre totalement et peut rester en place en permanence.
La sortie HDMI m’a surpris, je ne pensais pas du tout que l’on pouvait relier un Chromebook à un écran. Mais cela fonctionne très bien, y compris au-delà de la définition interne de l’ordinateur. Tout n’est pas encore parfait, les écrans allongés au format 21/9 ne sont pas vraiment pris en charge par exemple, mais avec un écran plus classique, cela peut faire l’affaire.
Et puis c’est parfait pour lire un film, ce que le Chromebook de Toshiba sait à peu près faire, via l’application VLC disponible sur Chrome OS. À peu près, parce que la liste de formats compatibles et lus de manière fluide semble très courte. Je n’ai même pas réussi à lire correctement un fichier MKV de qualité moyenne et ce n’est pas de la faute du matériel a priori, mais du logiciel.
On reviendra dans un prochain article consacré à Chrome OS sur ses points forts (il y en a) et ses défauts. Pour le moment, le manque d’applications natives reste un problème. J’espère que les applications venues d’Android seront la réponse, mais ça, ce sera plutôt pour l’automne…