Le poids des solutions Apple est toujours très présent dans le monde de la vidéo professionnelle, malgré l’arrivée de nouveaux acteurs dans le domaine matériel aussi bien que logiciel. AJA, par exemple, a fait une annonce qui laisse la part belle à de nombreuses technologies (interface, codecs…) provenant de Cupertino.
Suivant les traces de son concurrent de toujours Blackmagic Design, AJA Video Systems entre à son tour sur le marché des fabricants de caméras vidéo. Lors du NAB 2014, la société américaine, surtout connue pour ses produits audio/vidéo (acquisition, synchro, conversion, montage, cartes d’entrée/sortie …), a annoncé s’engager dans un nouveau secteur : la fabrication d’une caméra haut de gamme, l’AJA CION (8 995$/env. 6 516€). Elle sera mise en vente au cours de l’été.
CION - The New Production Camera from AJA from AJA Marketing on Vimeo.
Codec ProRes à tous les étages
La CION tourne en 1080p, 2K jusqu’en 4K (Ultra HD 3840 × 2160 pixels et Full 4K 4096 × 2160 pixels). Un certain nombre de caméras (la GY-HM150 de JCV, les caméras Blackmagic…) proposent déjà d’enregistrer leurs images avec le codec ProRes 422 10 bits d’Apple jusqu’à 60 images par seconde ou la version haut de gamme 4444 12 bits. La version 444 du codec de compression d’Apple offre une meilleure fidélité des couleurs et une palette de teintes plus large que la version 422 (RGB ou YCbCr) et une gestion de la transparence (canal alpha).
La compression ProRes est performante (PDF, compression intra-frame plutôt qu’interframe, VBR… ). Elle permet d’occuper moins d’espace de stockage et d’être plus facile à monter que l’utilisation de formats vidéo RAW non compressés (CinemaDNG, ArriRAW, R3D…).
AJA a été un des pionniers à proposer des solutions basées sur le codec ProRes 4444 qu’Apple a introduit en 2009. La progression du codec d’Apple chez les fabricants de caméras professionnelles est importante et constante. Même les constructeurs japonais, qui historiquement ont toujours préférés imposer aux utilisateurs leurs codecs propriétaires audio ou vidéo, et malheureusement pas toujours très performants (AVCHD, ATRAC, comme Sony ou Panasonic, ont présenté récemment des caméras compatibles avec le codec vidéo d’Apple.
Spécifications haut de gamme et "Apple friendly"
La CION plaira aux amateurs des solutions Apple : outre le recours au codec ProRes, c’est la première caméra à être dotée d’un port Thunderbolt, permettant un transfert rapide des rushs en AJA Raw jusqu’à du 4K, à 30 fps. Elle enregistre ses images sous forme de fichiers Apple Prores 4444 (jusqu’à 30 fps), de fichiers ProRes 422 (à 60 fps), de fichiers AJA Raw jusqu’à 120 fps (grâce à une sortie 3G-SDI et un enregistreur externe) et à 30 fps via la sortie Thunderbolt et également un enregistreur externe.
La CION est équipée d’un capteur CMOS APS-C, soit une taille proche du Super-35. Il est doté d’un Global Shutter électronique, qui a pour principal effet d’éliminer les distorsions spatiales ou les effets de Rolling Shutter que l’on trouve chez de nombreuses caméras vidéo ou Reflex concurrents. Elle dispose d’une plage dynamique large de 12 diaphs.
AJA a placé dans sa caméra un filtre d’antialiasing optique (Optical Low Pass Filter) et un filtre IR Cut qui laisse passer la lumière tout en bloquant certaines longueurs d’onde dans les infrarouges. Ils permettent de réduire les effets parasites, comme le moiré et les problèmes de contraste, les signaux indésirables de l’échantillonnage et les contaminations IR communes à beaucoup de capteurs numériques pour avoir des couleurs appropriées.
AJA a ajouté à sa caméra la possibilité d’ajuster précisément la distance séparant le capteur de l’objectif afin d’obtenir une qualité d’image parfaite (Back Focus Adjustement). Pour ses « cailloux », la CION est équipée d’une monture PL (ou Arri PL), utilisée notamment par les caméras Arri et RED. AJA ne compte pas proposer d’autres montures, laissant le soin à des sociétés tierces de proposer des solutions alternatives (monture Canon Eos…).
Autre caractéristique ayant frappé les visiteurs du stand AJA au NAB : les CION paraissent d’excellente facture, avec un soin apporté au boitier de magnésium, une qualité de finition soignée et une conception du châssis de la caméra astucieuse. Certes, il s’agit d’exemplaires de préproduction et leur nombre était assez réduit.
Il reste donc à vérifier qu’AJA tient bien la gageure et que les modèles qui seront commercialisés bénéficient du même soin, mais l’expérience du fabricant américain dans le domaine de la production industrielle d’accessoires professionnels de qualité rassure.
Le boitier de la CION comporte ainsi une série de rosettes similaires à celles d’Arri, permettant d’y fixer des accessoires, rods… etc. À la différence de nombreux appareils récents sortis ces dernières années pour prendre des images aux designs « exotiques » (des Reflex aux caméras Blackmagic en passant par les caméras plus compactes, mais nécessitant un rig pour fonctionner - EOS Cxx, Sony FS700, RED Scarlet ou Epic…), la CION reprend le design classique d’une caméra d’épaule. Les interfaces sont logiquement situées sur le boitier de la caméra, et d’un usage pratique.
De multiples interfaces professionnelles
Pour ses interfaces et connecteurs, AJA a fait le choix de l’ouverture avec une série d’interfaces professionnelles. Elles ont fait leurs preuves et n’obligent pas à rester dépendant d’un constructeur unique et à payer ses accessoires à prix d’or pour cause d'absence de concurrence.
La CION comporte des sorties HDMI, HD-SDI, et P-TAP (appelé aussi D-Tap ou interface du type Anton Bauer). Elles permettent d’utiliser, ou d’alimenter, un viseur ou un écran. Toujours au chapitre des sorties, la caméra d’AJA comporte un large choix d’interface : 4 interfaces 3G-SDI, 2 interfaces 3G-SDI et 2 HDMI pour des écrans de contrôle avec surimposition des informations de la caméra.
On y trouve également une sortie USB alimentée, une sortie XLR 4 pin avec une alim Phantom, une sortie casque avec un bouton de réglage du volume et une sortie HDMI 4K (ou Ultra HD, ou même converti en 2K/HD par un convertisseur hardware) avec un timecode longitudinal (LTC).
En entrée, la CION comporte 2 prises analogues XLR mic/Line/48 V. Deux entrées LANC (Logic Application Control Bus System), l’interface développée par Sony, permettent de contrôler la caméra à partir d’un accessoire placé sur la poignée d’un trépied, par exemple.
Enfin, en plus du port Thunderbolt, une interface Ethernet est également présente. Elle permettra de prendre le contrôle de la caméra à distance, de changer les réglages à partir d’un simple navigateur internet, et de voir des previews en temps réel des images prises par la caméra.
De l'audace, mais quelques regrets
Au chapitre des regrets, il y a celui qu’AJA n'a pas encore fait de choix définitif pour le capteur de la CION. La définition et le type de celui-ci le sont. Mais AJA est en train de faire les dernières comparaisons entre différents capteurs. Le fabricant n’a donc pas encore donné d’informations sur le comportement du capteur qui équipera la CION en basse lumière.
Autre regret, l’absence de filtres ND. De même, les enregistrements HFR ne s’effectuent qu’en recourant à un enregistreur externe. Même limitation pour l’AJA Raw : ce format de fichier ne sera accessible qu’aux CION recourant à un enregistreur externe. La capture n’est que linaire : AJA n’a pas prévu d’enregistrement LOG, du moins pour le moment.
Si le prix de la CION est relativement bon marché par rapport à tout ce qu’elle offre, il ne faut pas oublier que les optiques PL peuvent se révéler très coûteuses, et alourdir considérablement le coût d’une solution de tournage CION.
Enfin, l’enregistrement des images s’effectue malheureusement sur des disques SSD propriétaires, les Pack Drives d’AJA. Ils existent en 2 versions : le Pack256 Go à 695$/env. 502,60€ ou le Pack512 Go à 1 295$/env. 936,70 €. Si les AJA Pack ont la réputation d’être solides et prêts à une utilisation « tout-terrain », ils coûtent plus cher que la plupart des disques SSD.
