Il fut une époque où le Mac n'existait pas. Oui. C'est vraiment arrivé. C'était il y a un peu plus de trente ans. Alors, pour tuer le temps jusqu'à ce que Steve Jobs réalise son miracle il a fallu s'occuper avec autre chose. Par chance, il y avait de quoi faire. C'était une époque ex-tra-or-di-naire, un joyeux bazar de machines de toutes les formes, de toutes les couleurs et, fin du fin, toutes incompatibles entre elles.
Car sans cette vraie anarchie, la révolution de l'informatique personnelle eût été moins belle. À l'époque, tout était lent, fragile, mal emballé. Tous les magazines, absolument tous, étaient sur papier. En résumé, tout était assez grossier, mais qu'est-ce qu'on s'amusait !
Tout le monde était plus ou moins développeur, soit parce qu'on créait ses propres programmes, soit parce qu'on recopiait à la main ceux des autres en les bidouillant au passage. On ne lançait pas une application, on la « chargeait », comme on charge une voiture pour les vacances, avec toute la connotation associée.
On ne disait pas "ordi" mais « ordinateur individuel », ce fut même le nom d'une grande revue. Les ordres de grandeur étaient des milliards de fois plus petits qu'aujourd'hui. Avoir 64 Ko de RAM dans son ordinateur c'était beaucoup, vraiment beaucoup. Aujourd'hui, un document Word vierge pèse 20 Ko. Autrefois, on serrait le code en mémoire ou sur cassettes comme les briques dans Tetris. Les fréquences s'exprimaient déjà sur plusieurs chiffres, mais en MHz et en commençant par zéro virgule quelque chose. Avant aussi, c'était plus simple, on ne cherchait pas à savoir si son ordinateur allait fonctionner sur un écran 4K en 30 ou 60 Hz, on le branchait sur la télévision du salon avec la Péritel. Point.
Et puis votre ordinateur ne vous souriait pas au démarrage. Quelle idée !
Donc, avant, c'était mieux. Ou plutôt c'était différent. Très différent.
Les presque 100 témoignages laissés dans notre forum, sur cette informatique d'il y a 30 ans, renvoient le plus souvent à des souvenirs d'enfance chez nos lecteurs. Il y avait ceux qui tourmentaient leurs parents ou qui travaillaient l'été pour se payer une mobylette et ceux qui préféraient avoir ce truc beaucoup plus cool qu'était le micro-ordinateur. L'école aussi a donné ce goût du clavier (voire du stylo optique…), même si les matériels choisis faisaient pâle figure comparés à ceux dont on rêvait à la lecture des magazines.
Lis un peu ça, la génération Snapchat : « En 1973, lors d'un stage étudiant, j'ai eu la chance de travailler sur ce qu'on n'appelait pas encore une station de travail : la HP9830A » raconte umrk, « Je développais un programme utilisé pour la mécanique des sols. Je me souviens encore de mon émerveillement en découvrant qu'avec le Basic de cette machine, il suffisait d'écrire MAT B = INV (MAT A) pour inverser une matrice ! »
« Cette machine avait une avance incroyable sur son temps. Il ne lui manquait qu'un écran (les sorties se faisaient sur une imprimante intégrée, placée au-dessus). Difficile de comprendre comment, avec une telle avance, HP, qui était à l'époque une société riche et prospère, s'est laissée doubler par les chevelus qui ont sorti en 1976 (QUATRE ANS APRÈS !!!) l'engin mal dégrossi ci-dessous, hein ? »
Lorsqu'on évoque l'informatique de cette époque, celle qui commença à se démocratiser au tout début des années 1980, on pense à cette pléthore d'ordinateurs. Entrez dans une Fnac aujourd'hui, allez au rayon PC et comptez les machines. C'était pareil il y a 30 ans, sauf qu'aucune n'aurait pu utiliser les programmes de sa voisine. Autant d'ordinateurs que de particularismes. Il y avait bien un Basic ou un CP/M comme esperanto, mais chaque ordinateur était un écosystème fermé, comme on dit aujourd'hui.
Chez plusieurs d'entre vous, tout a commencé avec des calculatrices scientifiques (HP encore), sur lesquelles les premiers programmes étaient rédigés. Quand ce n'était pas carrément une montre (déjà !). L'un de nos lecteurs, Elriton, rapporte cette anecdote « En septembre 1984, le Mac était présenté au salon du Sicob, au CNIT à la Défense. Il m'a volé la vedette ! J'y présentais la Seiko UC-2000 ». Une montre à cristaux liquide que l'on branchait sur un dock comprenant un clavier et une imprimante thermique pour réaliser quelques opérations et petits programmes. Pour faire simple : une sorte de Galaxy Gear.
Chez d'autres, l'ordinateur était un peu comme une vitrine de Noël en hiver « J’ai eu une révélation lorsque j’ai vu pour la première fois un ordinateur chez un ami de mon père, c’était un TRS-80. Je devais avoir 5 ou 6 ans et nous étions dans les années 1977/78 » se souvient ampuma « Dès ce jour-là, même si j’étais très, très jeune, je voulais un ordinateur ! Je me souviens encore parfaitement de cette machine et des signes affichés sur l’écran. Je ne savais pas encore lire ».
De fil en aiguille, de Sinclair ZX 80 en Vic 20 de Commodore, le goût pour l'ordinateur a planté ses racines « Des heures et des heures à taper des listings pour, parfois, avoir comme seule réponse ‘Syntax error’ ! Je m’en suis arraché des cheveux. Les cassettes qui mettaient un temps infini pour enregistrer ou lire des programmes que je faisais à la maison en douce au lieu de mes devoirs »
Lorsqu'est arrivée la nouvelle de la sortie de ce Macintosh, père et fils sont allés le voir en vrai dans une boutique… pour en ressortir les bras vides tant le prix était disproportionné « pour les loisirs du fiston ». À 41 ans, l'an dernier, ampuma a rattrapé le temps perdu « J’ai enfin un Mac à la maison et je suis allé le chercher en Apple Store à 200 kilomètres de la maison, rien que pour le plaisir. En me rappelant le jour où nous sommes allés, mon père et moi, voir le premier Macintosh, c’était il y a trente ans de ça, déjà ».
À défaut de grives Apple on mangeait des merles, les Commodore Amiga et Atari ST. Des ordinateurs moins chers que le Mac, mais avec souris et interface graphique en couleurs « N'ayant pas les moyens de m'offrir un Mac, j'étais lycéen, je me suis tourné vers l'Atari ST, le Mac du pauvre (surnommé aussi Jackintosh, en référence au nom du patron d'Atari et génial instigateur du ST, Jack Tramiel) » écrit tempest « d'abord un 520 ST-F (modèle avec l'alim séparé) puis un 520 ST et enfin le Graal, un 1040 ST ! Une bombe alors en compétition avec l'Amiga et son OS de malade. Que de samedis passés à s'échanger des disquettes de démos ! Le truc paraît absurde aujourd'hui, mais à l'époque c'était un must de se balancer des boules chromées ou rouges et blanches sur fond de carrelage noir pour voir les perfs de nos ordis ! » L'auteur de cet article précise qu'il était dans le camp Amiga et, franchement, qu'est-ce qu'on mettait aux pauvres gars sur Atari avec nos Deluxe Paint, Defender of the Crown ou Sculpt 3D.
Est-ce que l'informatique était vraiment mieux avant ? Avant qu'elle ne se réduise à une bagarre entre les Mac et les PC, à laquelle succède aujourd'hui celle entre iOS et Android et demain entre les montres connectées ? À certains égards oui, comme à chaque fois qu'arrive quelque chose de fondamentalement nouveau. Où il faut tout apprendre, où tout est possible, où tout reste à faire. Bien sûr, la nostalgie est douée pour lisser les souvenirs, parce qu'utiliser un ordinateur dans les années 80 ça pouvait être sacrément coton.
Aujourd'hui, c'est une vertu pour un ordinateur de travailler en silence. Mais il y a trente ans on prenait le pouls de sa machine en l'écoutant faire, comme un musicien accorde son instrument. ympondaven s'en souvient : « Mon Amstrad CPC 464 à cassettes ! Le doux bruit du chargement des programmes. Je pouvais savoir quand ça chargeait des programmes ou des données rien qu'au son sur certains programmes. Avec les Mac on n'a jamais pu… ».
L'arrivée du Minitel et bien plus tard des premiers modems a permis de perpétuer quelque temps encore cette pratique auditive, où l'on devinait si la connexion allait accrocher ou pas, tout cela rien qu'en écoutant le crachotement qui sortait du boîtier. Une inflexion dans le grésillement ? M.... ! Connexion perdue. Aujourd'hui, on guette si son icône AirPort, témoin silencieux, reste bien noire ou vire au gris. Avec la disparition çà et là des disques durs, c'est d'ailleurs une autre partie de l'univers sonore de l'informatique qui s'efface progressivement.
Plus amusante encore, cette pratique radiophonique, ancêtre du téléchargement par Internet « en ce temps-là, j'écoutais la BBC », raconte veric8669 qui possédait un ordinateur britannique « car il y avait une émission qui émettait le son audio de programmes pour l'Acorn et hop, la K7 dans le lecteur, et le code était importé dans la bécane et ça fonctionnait ! »
Cette informatique était une école de la patience. Une notion disparue aujourd'hui alors qu'on fixe des yeux le Dock dès qu'un logiciel de plusieurs centaines de méga-octets y rebondit plus de 3 ou 4 secondes. Pour alimenter son ordinateur en nouveaux programmes, l'une des solutions les plus simples était encore de les taper soi-même. Pas taper le nom du fichier dans un client BitTorrent, non, taper tout le code du logiciel. Et franchement, on trouvait ça sympa (enfin, au début). On payait même pour le faire. Aujourd'hui, on a le fond des poches qui pique quand il faut sortir 89 centimes pour une bonne app sur iPhone. Hier, on était heureux de dépenser l'équivalent de plusieurs euros par semaine pour taper à la main des kilomètres de code.
Pour les moins doués, ceux qui ne comprenaient rien au Basic ou à l'assembleur, la Bible s'appelait Hebdogiciel (ou "HHHHHebdogiciel" chez ceux qui l'on vraiment lu). Mélange de Canard enchaîné et de Charlie Hebdo, un journal qui hachait menu et dézinguait à coup de textes poilants les constructeurs et éditeurs (interview de quelques anciens et du fondateur). Un ton déconnant au possible et dont Canard PC est peut-être le lointain héritier.
Cet hebdo publiait des pages entières de listings informatiques pour les différentes machines du marché. Il fallait les recopier sans faire une seule erreur pour augmenter à moindres frais sa collection de logiciels. Plus tard, il y aura les magazines avec CD inclus et il y en aura pour s'en plaindre… Voyez ces colonnes entières de code - parfois répartis sur deux numéros, car trop long. Un travail de moine copiste, fait à l'aveugle, car il n'y avait aucune capture d'écran dans l'article pour juger de l'intérêt de l'effort. Seulement une description forcément toujours alléchante. De ces lignes de chiffres et de commandes absconses naissaient des amas remuants de quelques pixels. Mais c'était très, très cool !
« Je me rappelle avoir tapé des listings d'Hebdogiciel et de SVM pendant des heures pour m'apercevoir qu'ils ne fonctionnaient qu'avec l'extension 16 Ko (mon ZX81 n'avait qu'un seul kilo-octet de base) » raconte Hialmar « Du coup, je me chopais un "Memory Full" ou un truc du genre. Un copain de mon père m'avait ensuite offert l'extension 16 Ko, mais elle était d'occase et boguait dès qu'elle chauffait, du coup il fallait souvent sauver sur les K7. Ensuite, j'ai eu un Oric Atmos en 1984. La joie c'était la lecture des sauvegardes sur K7 qui marchait environ une fois sur deux. Il fallait sauver plusieurs fois en mode rapide et en mode lent et prier pour qu'une des deux sauvegardes soit lisible. » "Sauver", l'expression prenait tout son sens. Pas de Time Machine ou de Dropbox, juste les doigts croisés et de la chance.
Un autre bon exemple de ce qu'on pouvait lire au milieu des années 80, avec ce numéro de juin 1986. Il annonçait, sur six colonnes à la Une, un tout nouvel Amstrad. Une marque anglaise archipopulaire en France (1 million d'unités vendues), dont le PDG, Alan Sugar (alias « Tonton Sucre ») était la tête de Turc d'Hebdogiciel. Le journal et son dessinateur Carali le travestissaient en Mickey, avec oreilles et culotte à bretelles. Cet « Amstrad 512 Ko » avait un nouveau lecteur de disquettes d'un format enfin standard, une prise MIDI et une interface graphique. En somme elle se mettait au niveau des canons du moment.
Un scoop énorme… mais un beau pipeau. Une farce de la rédaction du journal, bidonnée à l'idée de faire enrager le fabricant et sa filiale pendant toute la semaine de présence en kiosques du magazine, en montrant un Amstrad enfin modernisé. Aujourd'hui, un fake a une durée de vie de 10 minutes sur internet.
Alors que de nos jours on enrage lorsqu'on reçoit un iPhone défiguré par une rayure de l'épaisseur d'un cheveu, les ordinateurs d'alors ne coûtaient pas moins chers, mais la qualité de fabrication les ferait passer pour des prototypes « Mes parents m'ont offert un ZX81. » se souvient FatB, « La machine avait 1 Ko de RAM, mais j'avais acheté l'extension 16 Ko. La prise était assez lâche, il ne fallait donc pas trop remuer le ZX, sous peine de tout planter ». Sachant que le ZX avait probablement l'un des pires claviers jamais conçus, écraser la membrane des touches sans trop remuer la bête relevait du miracle.
Le ZX81, cette machine anglaise de Sir Clive Sinclair, inventeur d'ordinateurs et de voitures électriques, était presque aussi légère qu'un tapis de souris, elle a souvent été citée chez nos lecteurs. C'était un ordinateur simpliste, mais peu cher pour débuter. Pascal 77 avait amélioré le sien en utilisant avec un autre clavier « J'avais récupéré quelques vieux claviers de terminaux IBM, des claviers à ILS, ceux dont le contact des touches se réalisait en faisant descendre un aimant torique autour d'une petite ampoule de verre contenant le contact. Le champ magnétique obligeait les plots dans l'ampoule à se coller lorsqu'on appuyait sur la touche ». Utilisateurs des claviers rétroéclairés de MacBook Air, n'oubliez jamais que vos aînés ont traversé l'Enfer pour que vous alliez au Paradis de la frappe.
Une pratique très courue aussi à l'époque était de doubler ses capacités de stockage - et de faire des économies au passage - en perforant soigneusement ses disquettes. « J'ai un souvenir de disquettes 5" 1/4 sur un vieux PC sans disque dur » explique lewax « On pouvait acheter à l'époque un petit outil genre perforatrice qui faisait la découpe sur la tranche pour utiliser la disquette des 2 côtés. Je me souviens aussi du scotch à mettre sur ce même trou pour la protéger en écriture. » Essayez donc maintenant, avec une paire de ciseaux, de doubler la capacité de vos SSD si fantastiques…
La normalisation autour de trois grands univers - Windows, OS X et Linux - tranche avec ces années où chaque ordinateur, chaque marque était un univers à part entière. Il n'y avait pas 2 ou 3 chapelles Mac, PC et Linux, il y en avait 10, 15, 30 ! Qui s'élevaient et s'effondraient au rythme rapide des lancements et disparitions de nouveaux matériels. On achetait des ordinateurs venus des États-Unis, d'Angleterre ou même conçus en France (le petit Alice 32 tout rouge, l'Exelvision, le Thomson T07 avec son stylet optique, etc).
Un foisonnement qui projetait l'utilisateur dans des abîmes de perplexité lorsqu'il fallait choisir entre les Sinclair, les Amstrad, les Atari, les Commodore, les Texas Instruments l'Apple II, le Goupil, l'Enterprise, l'Archimedes, l'Hector, l'Adam, le Squale, les Apricot… pour n'en citer que quelques-uns. Certaines marques s'en sortaient mieux que d'autres, mais il était tentant de vouloir aller vers telle ou telle nouvelle machine parce qu'elle avait ce petit truc en plus, un langage de programmation plus puissant, un lecteur de disquettes plutôt que des cassettes…
« Quelle époque, il faut quand même bien l’avouer. Il sortait des machines tous les jours, toutes plus improbables les unes que les autres avec évidement une incompatibilité totale entre elles, même sur des modèles de marque identique. C’est impensable aujourd’hui. » écrit ampuma. Pour les plus aventureux, chaque changement de matériel représentait un nouveau départ, une logithèque à reconstituer de zéro. Sauf à jouer la prudence et acheter la même machine que son voisin, surtout s'il s'était assuré un approvisionnement en logiciels copiés, reçus de la main à la main ou sous enveloppe par la poste. Et si ce n'était qu'une question de compatibilité… les marques naissaient et mourraient à grande vitesse, il valait mieux ne pas trop attendre pour revendre si l'on avait fait un choix sortant un peu des rares sentiers battus.
« Un des souvenirs les plus pittoresques de cette époque se passait pour moi à la FNAC de Toulouse » raconte tempest « Je vivais à la campagne et venir à Toulouse chez un copain qui était lui aussi passionné était pour moi un évènement. Ses parents nous amenaient à la FNAC et là, nous passions la journée autour des stands du rayon informatique d'alors (MSX, PC en tout genre, Thomson, Atari, Amiga, Sinclair, Oric, Alice et j'en passe…). Les poches pleines de disquettes 3,5" double faces double densité, nous pirations des logiciels sur les machines en démonstrations durant des heures !!!! Avec le recul, ça me paraît hallucinant… Mais les vendeurs de la FNAC passaient de temps en temps nous disperser, un peu comme les mecs qui s'installent pour lire des BD au rayon livres… »
« La nostalgie embellit les souvenirs, mais je garde un chouette souvenir de cette époque. » écrit FatB « On ne pouvait pas faire grand-chose d'autre que jouer ou programmer, donc mes copains et moi nous y étions tous mis. Hachette avait des magasins spécialisés dans la vente de ces micros, ça s'appelait Hachette Informatique. Les vendeurs étaient sympas, on passait notre temps dans le magasin à programmer sur des Commodore 64 ou des ZX Spectrum. On discutait aussi avec les clients, on devait s'y connaître mieux que les vendeurs ! À la FNAC aussi, les machines étaient en libre service et les gars nous laissaient les programmer. Une autre époque. »
Les boutiques étaient des lieux d'échanges pas toujours très honnêtes. Mais on se retrouvait aussi entre soi, dans les Clubs, qui n'ont d'ailleurs pas tous disparu. « J'ai découvert la micro fin 1979, dans un club Microtel à Chalon-sur-Saône quand mon père a senti qu'il se passait quelque chose d'intéressant dans ce domaine » écrit melaure « Les clubs Microtel étaient nombreux en France (jusqu'à 250 et 50 000 adhérents) et fondés par des gens de France Télécom qui voulaient promouvoir la découverte de la micro-informatique. Ils ont beaucoup aidé les différents club, et à Chalon ils nous ont offert beaucoup de matériel, ainsi que des lignes téléphoniques. Aux débuts des années 80, ces clubs étaient très fréquentés, car peu de gens avaient des micro-ordinateurs à domicile. »
Et pour cause, l'informatique était une passion onéreuse, surtout si l'on visait le fin du fin « J'ai fait une petite recherche sur le site de l'INSEE, et à l'époque le SMIC net était à 3650 francs, donc un Mac coûtait 8 mois de SMIC, ce qui de nos jours représenterait environ 9000€. À titre de comparaison, le très populaire Amstrad CPC 464 coûtait 2990 francs avec son moniteur monochrome vert et 4490 francs avec un moniteur à 27 couleurs » DVP.
Une passion dévorante dans tous les sens du terme avec, déjà, ses fanboys : Oric contre Spectrum, Amstrad contre C64, Amiga contre Atari ST et tout le monde ou presque contre Apple, elle-même ferraillant contre IBM. Il y a bien eu une initiative venue du Japon et soutenue par Microsoft avec son Basic, qui a tenté de mettre de l'ordre dans cette Tour de Babel, en créant un standard, le MSX (Machines with Software eXchangeability).
« Les machines sont belles, mais chères (les Japonais ont des standards de qualité) » se souvient Switcher « Je jette mon dévolu sur un Canon V20 (qui fonctionne toujours) et mettrai presque deux ans pour l'obtenir, en 1986. Ça tombe bien, mon père ne jure que par Canon en photographie, le sérieux du constructeur rassure. Autour de moi, personne ne me raille : car personne ne connaît le "standard" du futur (lol !) et tout le monde s'échange des cassettes pour Amstrad… Un raz-de-marée qui fait des utilisateurs d'autres machines des mutants (fiers de leurs chapelles et qui s'écharpent entre eux aussi). »
Le standard MSX échoua à s'imposer hors de ses frontières « La presse MSX râlait sur les Japonais, peu pressés de vendre leurs machines ailleurs qu'au Japon (où c'est un carton) et trop cher pour les bourses européennes (les jeux sont sur cassettes, mais les meilleurs sont sur cartouches et hors de prix), sur le peu d'empressement des développeurs à adapter les "hits" (ou mal) et le peu de pub en général, en plus de la mésentente entre les constructeurs. Trois éléments (prix / développeurs / marketing) dans lesquels Amstrad - encore eux - était le Roi des années 80. C'est ce qui tuera ce "standard" qui finalement ne l'a jamais été… » Un autre standard, toujours emmené par Microsoft, a pu réaliser la promesse du MSX. Mais là c'était le début d'une autre informatique encore. La fin de la récré allait être bientôt sifflée.
Ce trentième anniversaire du Mac tombe cependant à un moment singulier. Une période où les Gartner et IDC, trimestre après trimestre, tiennent la chronique du recul de l'ordinateur personnel tel que le Mac a aidé à le définir. Le PC recule, les smartphones et les tablettes progressent à ses dépens… Bien malin qui peut prédire si l'on assiste réellement à une bascule comme on l'a connue il y a trente ans. Lorsque les ordinateurs personnels ont renversé les grands dinosaures qui les ont précédés, avant d'être balayés ensuite par les PC et Mac.
Ceux qui ont connu cette époque pourront lire quantité d'autres témoignages, souvent très détaillés, sur ces fiers ordinateurs.