Revenons quarante ans en arrière : le Minitel est le summum de la technologie, une fierté française, quand une petite machine qui lui ressemble un peu est lancée en grande pompe avec une publicité signée Ridley Scott. Il s’agit du Macintosh, qui ne porte pas encore le nom « 128K », mais ne va pas tarder à révolutionner le monde de l’informatique. Revenons sur cette époque que les moins de 50 ans n’ont pas connue, mais que vous pouvez aujourd’hui découvrir… et ainsi souffrir comme vos prédécesseurs ont souffert.
Dans un premier article, nous vous avons parlé du System 1.1, qui est (presque) la première version du système d’exploitation des Macintosh, et qui — sur certains points — est finalement assez proche de macOS Sonoma. Pour cet article, nous n’allons pas vous présenter les différentes itérations des (nombreux) systèmes d’Apple, mais revenir sur différentes particularités des versions classiques de Mac OS qui ont (heureusement) disparu. Parce que la nostalgie pour les anciens systèmes peut faire oublier quelques défauts, comme une stabilité (très) perfectible…
Dans la suite, nous emploierons parfois uniquement « Mac OS » pour évoquer les systèmes d’exploitation dits « classiques ». Ce n’est pas totalement exact étant donné que ce nom n’est apparu qu’avec Mac OS 7.6 en 1997, mais l’appellation était déjà courante chez les utilisateurs, même si Apple parlait de « System ».
Un problème d’émulation
Le meilleur moyen de découvrir les arcanes des anciens « System » et autres Mac OS consiste à passer par un véritable Mac. Nous l’avons évoqué dans l’article sur l’émulation du premier Macintosh, les émulateurs de Mac sont en effet assez limités : Mini vMac se restreint au System 6 au mieux, Basilisk II aux Macintosh à base de 68000 et donc à Mac OS 8.1 au maximum, et SheepShaver n’émule que les Power Macintosh, avec des contraintes sur le système d’exploitation (du System 7.5.x à Mac OS 9.0.4). Il y en a d’autres, comme QEMU ou PearPC, mais dans l’ensemble, un problème apparait rapidement : aucun émulateur ne prend en charge tous les systèmes, et ils sont (surtout) remplis de « hacks » pour certaines fonctions. Typiquement, vous ne pourrez par exemple pas simuler proprement un Power Macintosh 6100 et avec System 7.1.2 qui affiche Welcome to Power Macintosh.
Dans l’ensemble, les émulateurs sont donc efficaces pour lancer une application sur un ordinateur moderne, mais ne permettent pas réellement de comprendre comment fonctionnaient les anciens Mac, tant ils sont remplis de modifications, bidouilles et restrictions sur les Macintosh simulés. Dans la pratique, un émulateur posera probablement beaucoup moins de soucis qu’un véritable Mac sur de nombreux points, en partie justement parce qu’il se limite à quelques Macintosh précis et bien documentés : sans cartes d’extension, ROM buggées et autres RAM instables, vous aurez évidemment beaucoup moins de problèmes. Les captures qui suivent viennent d’ailleurs essentiellement de vrais Macintosh.
Un drôle de multitâche
Pour commencer, la gestion du multitâche sur les anciens systèmes peut vraiment sembler étonnante aux personnes biberonnées aux processeurs dotés de dizaines de cœurs et aux UNIX. En effet, les trois premières versions du système d’Apple étaient fondamentalement monotâches. Si vous lanciez MacPaint, il fallait quitter MacWrite : en dehors des « accessoires de bureau », vous ne pouviez exécuter qu’une application à la fois. Si vous vouliez faire du rangement sur une disquette avec le Finder, il fallait donc aussi quitter l’application en cours, par exemple. Notons que cette limitation venait autant du logiciel que du matériel : les 128 ko de RAM du premier Macintosh n’auraient pas permis un multitâche fluide1.
Avec le System 4, Apple a lancé le MultiFinder, une solution assez basique pour prendre en charge le multitâche. Dérivée du Switcher d’Andy Hertzfeld, un nom connu chez les amateurs de Macintosh, le MultiFinder implémente du multitâche coopératif dans les systèmes d’Apple, et il évoluera (un peu) avec les versions suivantes, jusqu’à l’ultime Mac OS 9.2.2. Cette solution est réellement un pis-aller : le multitâche coopératif nécessite — comme son nom l’indique — que les applications coopèrent avec le programme qui va les gérer, l’ordonnanceur (ou scheduler en anglais). C’est une très mauvaise idée, car les applications peuvent faire n’importe quoi… et ceux qui ont expérimenté les anciens Mac OS savent que c’est souvent le cas.