Apple et les jeux, c'est… compliqué. Pour une personne qui ne se documente sur Apple qu'à travers des keynotes (pourquoi pas), il est possible de croire qu'il existe de nombreux jeux sur Mac et qu'il s'agit d'un marché foisonnant. Mais en réalité, Apple ne se lance jamais vraiment dans le domaine, il s'agit essentiellement d'effets d'annonce, sans réelles retombées.
Nous pourrions remonter aux années 80, quand le premier jeu officiellement sur CD-ROM l'était sur Mac (The Manhole). Dans les années 90, les Mac n'étaient pas des machines de joueurs, mais de nombreux titres sortaient tout de même sur la plateforme, parce que les Mac étaient à l'époque (dans la première moitié de la décennie) souvent plus efficaces que les PC dans le domaine graphique et sonore. Doom, Prince of Persia, les différents titres de Lucas Arts et des dizaines d'autres ont fait la joie des joueurs pommés. Même une série aussi connue que Halo a commencé sa vie sur Mac, sous le nom Marathon.
Mais peu à peu, le Mac a pris du retard. Les cartes graphiques accélératrices sont arrivées dans les PC — les premières 3dfx existaient pour les Mac — et le jeu PC a gagné en ampleur. Le point d'inflexion est probablement l’apparition de Windows 95 et celle de DirectX : l'API a simplifié la vie des développeurs, qui ont pu commencer à se détacher un peu du matériel dans les PC et faciliter la création de titres en 3D. Au même moment, Apple a tenté l'aventure d'une console avec Bandai, mais le résultat — la Pippin Atmark — a été un désastre avec environ 42 000 exemplaires vendus dans le monde et une sortie très limitée hors du Japon.
Apple Gaming #5 : la Pippin, incursion ratée dans le monde des consoles
Nous n'allons pas parler de tous les keynotes de Steve Jobs, qui gardait souvent quelques minutes pour exposer des jeux, mais nous pouvons citer trois moments importants. Premièrement, car c'est un peu surréaliste d'imaginer cette annonce plus de 20 ans plus tard, Nvidia lançait sa carte GeForce 3 en exclusivité sur les Mac lors d'un événement Apple (Macworld Expo Tokyo 2001). Et John Carmack était aussi présent pour montrer Doom 3, d'ailleurs. En 2023, Apple a tellement fermé son matériel que concevoir l'idée d'une GeForce dans un Mac est un rêve, il faut remonter à Quake 4 (2005, mais 2006 sur Mac) pour un FPS d'id Software sur une machine pommée1.
Un autre point d'inflexion dans le domaine a probablement été l'annonce d'Electronic Arts en 2007 : la société avait promis la sortie de plusieurs jeux sur Mac. Il ne s'agissait pas de portages à proprement parler, mais de la mise en place d'une solution très proche du Game Porting Toolkit d'Apple : Cider. C'était un fork propriétaire de Wine qui permettait de lancer des jeux Windows sous Mac OS X, avec des performances assez moyennes. Et comme en 2023, certains bidouillaient le programme pour tenter de démarrer d'autres jeux. Avec un intitulé un peu prémonitoire, nos confrères d'Ars Technica titraient « The end of Mac gaming », en supposant que ce type de solution allait rendre les portages natifs obsolètes. Dans les faits, Cider a fait l'effet d'un pétard mouillé : le nombre de jeux est toujours resté assez faible.
En 2010, un nouvel espoir est apparu pour les joueurs qui préfèrent les pommes : Valve a annoncé le portage de Steam, avec en prime de nombreux jeux de la société. Là encore, certains escomptaient de grandes choses pour les Mac, sans une véritable concrétisation. Certes, l'arrivée de Steam a fait exploser le nombre de jeux sur Mac et même actuellement, de multiples titres existent sur la plateforme. Mais les « AAA » restent tout de même assez rares et vous verrez bien plus facilement des œuvres de moindre envergure (ce qui n'empêche pas qu'il puisse s'agir de bons jeux), proposés sur Mac grâce à Unity.
Nous n'allons pas revenir sur toutes les annonces récentes, mais la plus surprenante probablement celle de la WWDC de 2017 : des responsables d'Epic venaient présenter des jeux en réalité virtuelle sur Mac. Pourquoi surprenant ? Parce que les nombreux casques du marché se sont toujours tenus assez loin de la plateforme d'Apple, essentiellement pour des raisons de performances. SteamVR avait d'ailleurs été proposé en bêta sur les Mac à cette époque, avant d'être abandonné en 2020.