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« Prévisibles » : les chapitres 3.1 et 3.2 en ligne

La redaction

mardi 18 août 2015 à 20:00 • 7

MacGeneration

Suite et avant-dernière partie de Prévisibles, la nouvelle de l’été écrite par Edgar Hedycer et publiée en intégralité sur MacGeneration. Les chapitres précédents sont disponibles ici :

Si vous voulez lire la nouvelle d’une traite et dans un format optimisé pour tous les terminaux, elle est en vente dans l’iBooks Store et dans le Kindle Store.


3.1

En sortant, je regarde autour de moi. Un panneau publicitaire attire mon attention. Je lis rapidement ce dont il est question. Entre deux mots, l’écran clignote, et affiche « Phase 3 ». Avant même que je n’aie eu le temps de sursauter, l’image initiale revient. Je dois rêver. Je m’oblige à avancer, bientôt je serai invisible.

Seul, au milieu de la rue. Sans savoir où je vais, même si je connais le quartier. Je me sens vide. Les 120 g de mon portable, absents de ma poche, pèsent des millions de neurones excités. L’addiction trouve enfin le réseau de l’évidence. Rien de nouveau évidemment, on le répète tellement souvent, mais en prendre personnellement conscience relève d’une autre dimension.

Si seulement le réel et le virtuel étaient deux mondes vraiment différents. Pourquoi toujours les séparer quand la situation s’y prête, et les présenter comme pure continuité au premier désagrément contraire ? Nous sommes sûrement ainsi de nature, à tout tourner dans un sens et dans l’autre, suivant nos besoins. Comment peut-on parler d’objectivité dans ce cas ? Quelle est la légitimité de ce mot, hormis sa capacité formidable à faire taire ?

Si nous sommes aussi changeants, comment un ordinateur peut-il bien nous prédire ? Notre prise de position est-elle si prévisible, en fonction des événements, corrélation des rencontres, équivalence de notre humeur ? Ça me fait peur, très peur. Si je n’ai plus cette touche de surprise, alors un simple processus peut me réduire en esclavage. Me demander n’importe quoi sous peine d’anéantir ma vie.

Non, ce ne sont que des scénarios de science-fiction, aucun ordinateur n’est assez puissant pour cela. La preuve, on lit trop souvent qu’il faudrait un montage de la taille d’une ville pour reproduire 1 % de nos capacités cérébrales… Alors, pourquoi m’inquiéter pour rien ? Je suis un homme, il me suffit d’user de ma liberté pour en prendre pleinement confiance !

Je regarde autour de moi. Voilà plus de 45 minutes que je marche. Une grande place, un beau jardin, quelques cafés onéreux. L’endroit semble particulièrement sympathique et je ne le connaissais même pas. Une célèbre chaine de boissons chaudes américaines occupe également le lieu. Les conditions sont idéales !

Mais je m’arrête au moment de passer la porte. N’est-ce pas un peu trop prévisible ? Il est au courant de mes habitudes, et sait que j’adore manger là-bas. Sans compter les ordinateurs et téléphones qui sont les deuxièmes consommateurs, et parfois plus nombreux que les hommes… Non, mauvaise idée, allons dans ce café, ils y servent également des cheesecakes ! Je rentre et on m’indique une table où je peux m’assoir, par chance près de la baie vitrée. J’avance, le regard ailleurs... Un signe de la main accompagné d’un « Hey » dont je reconnaitrais la voix entre toutes me bondit au cœur.

— Mathilde ? Mais que fais-tu là ?

— Ah tu continues à te moquer de moi en plus ? rit-elle nerveusement.

Je hoche la tête incrédule. Me revoilà perdu au milieu du désert de l’imprévisible. C’est lui qui est surprenant. Plus moi.

— Tu me donnes rendez-vous et tu fais semblant de ne pas t’en souvenir ? Mais c’est quoi ton problème ?

Je m’assois sans lui répondre.

— Et c’est quoi ces fringues ? Je ne t’ai jamais vu avec !

— Juste… Calme-toi deux minutes s’il te plait… Qui t’a dit que je viendrais ici ? S’il te plait, ne me prends pas pour un fou…

— Mais qui cela peut-il être ? Toi, Mickaël, tu m’as envoyé un SMS il y a de cela deux heures pour me donner rendez-vous à cet endroit précis ! Tu en veux la preuve ?

— Tu ne vas pas apprécier, mais oui, j’aimerais bien.

Ma voix transpire la résignation.

— Salut, ma chérie, je suis désolé de mon attitude de ces derniers jours… Accepterais-tu de me voir au café Melo Drama, 10 place Picasso ? On pourrait discuter calmement ?

— Coucou, oui si tu veux, ce serait pour quelle heure ?

— Disons 16 h ?

— Ça marche, à tout à l’heure.

Ces SMS avaient été écrits depuis mon numéro de téléphone. Aux alentours de 14 h, alors que je n’avais même pas encore décidé de voir Alice. Tout, absolument tout, avait été anticipé. La machine à avancer le temps ne pourrait pas faire plus clair, et on avait jusqu’à usurpé mon identité, de certitude.

Non seulement on avait prédit mon « imprévisible » marche, mais également l’idée d’Alice à laquelle je n’aurais jamais pensé. Pour la première fois depuis le début de mon existence je ne savais plus à quoi réfléchir. Quel intérêt ? Pourquoi se concentrer alors qu’un robot a déjà prévu ce que je devrai faire ? Il me suffit de suivre ses ordres, j’économiserai du temps et de la volonté… Il n’y a plus rien d’autre que du vide. Total. Impénétrable. Le noir complet. En quatre jours on m’avait enterré vivant.

— Ce n’est pas moi qui ai pu écrire cela, j’ai démoli mon téléphone il y a près de trois heures…

— Démoli ?

— Oui je l’ai jeté contre le mur. Il est purement inutilisable. Tout s’est retourné contre moi. Tous les gens que je connais, mon compte en banque, toi-même. Tu pensais sincèrement que je t’envoyais des messages d’insulte ? Ils ont été modifiés à mon insu, contre mon plein gré. Je me fais manipuler par une force, qui a commencé par des révélations compromettantes, puis a décidé de changer ma vie, et enfin…

Le mot ne sort pas tellement il est difficile à admettre.

— De l’anticiper ? dit-elle presque compréhensive.

— Ouais… Ce SMS a été envoyé à 14 h 04. Je suis ici, car je voulais déjouer leur plan, je suis parti de chez Alice — laisse-moi t’expliquer avant de t’énerver, je t’en prie ! — avec pour but de marcher sans destination prévue. Je n’ai rien sur moi, juste 10 € pour payer éventuellement un café. Quand tu l’as reçu, je n’étais pas encore chez elle, et on n’avait même pas le début de cette idée. Elle aussi a été prévenue de mon arrivée par un SMS, je n’avais déjà plus mon portable. Je suis désolé, je ne sais plus quoi faire…

Elle me regarde, presque apeurée.

— Si tu veux une ultime preuve, elle ne devrait pas tarder, je pense qu’il lui annoncera que je suis ici. Je suis d’ailleurs étonné qu’elle n’ait pas été mise au courant plus tôt. Elle aurait pu l’être au moment même où j’ai franchi sa porte…

— Et que vas-tu faire maintenant ?

Elle me pose cette question, simplement, comme une évidence. Comme s’il y avait une réponse !

— Mais je n’en sais absolument rien ! Qu’est-ce que je peux faire, je ne vois pas du tout contre qui me battre !

— Ouais c’est surtout que tu ne veux pas… Si cette « force » a réellement détruit ta vie, pardon de m’étonner de ton affolante passivité !

— Mais ce n’est pas si facile que ça ! Qu’est ce que tu crois ?

— Rien n’est facile Mickaël.

Je ne peux que reconnaître.

— Tu n’as pas des idées de qui pourrait me détester à ce point ?

— Avant de chercher qui te hait, demande-toi qui a les moyens d’une telle vengeance…

— Personne. Je ne suis pas un hacker international, mais c’est un acharnement très précis et impressionnant. Un ordinateur qui prédit le futur ? Ce n’est même pas envisageable !

— Tu ne peux compter sur personne ?

— Ah bah là… Il a réussi à me brouiller avec tout le monde. Famille, amis, collègues, toi… Je n’ai plus de stage, plus d’argent, plus de communication, j’ai peur de rentrer seul chez moi… Par où veux-tu que je commence ?

— Je ne suis pas experte en sécurité informatique, mais il doit bien y avoir une société qui a collecté suffisamment d’informations sur toi pour savoir tout ceci… Il faut la force d’une multinationale, surtout que ça ne m’étonnerait pas qu’ils utilisent des satellites pour faciliter ton repérage.

— Par laquelle commencer ? Mon portable est un Samsung sur Android, mon ordinateur un Dell sur Windows, je suis sur Facebook, j’ai une adresse Gmail, un compte Flickr sur Yahoo, un compte iTunes chez Apple, ma musique sur Spotify… C’est immense, je ne vais pas frapper à chaque porte pour leur demander naturellement s’ils m’ont volé toutes mes données et les utilisent contre moi afin de me mener au suicide !

— Eh bien ne fais rien ! Comment qualifierais-tu ce qu’ils ont fait ?

— …

— Je suis sérieuse, donne-moi un adjectif.

— Impossible ?

— Donc toi, tu crois que tu t’en débarrasseras ainsi, alors que ce qu’ils ont fait est clairement « impossible » ? Juste en attendant que la tempête passe ?

3.2

Je sors, l’adresse du siège social de Google France en main. Mathilde peine à me pardonner et a surtout décrété que ses partiels approchant représentent un objectif plus important que m’accompagner dans une quête désespérée. Je reste intrigué par l’absence d’Alice. Puisqu’il savait où j’étais, pourquoi ne pas l’avoir mise au courant ? D’un autre côté, on ne lui a pas demandé de la prévenir. Je continue de m’enfoncer dans un plan ridicule et absurde alors que de l’autre côté de chaque écran on peut me manipuler.

J’ai envie d’arrêter les passants dans la rue, de les avertir de ce qu’il peut se produire, de leur expliquer comment leurs informations personnelles vont être détournées. Mais que donner comme justifications hormis des généralités flouées de détresse ? Et pouvons-nous réellement vivre différemment ? Quitter Facebook ? Ne plus utiliser les services de Google ? Plus d’ordinateur connecté à internet ? Uniquement le téléphone fixe ? Des idéalistes déclareront que oui, c’est parfaitement possible, mais cela ne se fait pas sans beaucoup de concessions. Surtout quand on a la vingtaine.

Je relève les yeux de mon trou noir pensif pour croiser le regard de mon chef. Impossible de le contourner. Comme tous les autres, il doit me détester. Pourtant, c’est bien un sourire qui se détache clairement. La poignée de main est inévitable.

— Mickaël ! Comment vas-tu ?

— Bonjour Monsieur. À vrai dire j’ai connu des jours meilleurs… Et vous ?

— Il faut se remettre en selle rapidement alors ! Je compte sur vous pour persévérer sur votre lancée !

Ne comprenant pas je fais mine d’acquiescer.

— Je vais à un rendez-vous mon petit Mickaël, continue-t-il, on se voit vite ! Encore bravo pour votre superbe présentation, j’ai hâte de la montrer !

— Pardon ? Quelle présentation ?

— Ne faites pas l’idiot, celle que j’ai reçue ce matin !

— Je n’ai absolument rien envoyé, Monsieur…

— Je vous confondrais avec quelqu’un d’autre alors ? se demande-t-il abasourdi.

Il sort son téléphone de sa poche, glisse dans ses mails et le regard étonné me retourne l’écran :

— C’est ce que je dis, vous m’avez rendu cette présentation ce matin ! Bon, arrêtez de jouer l’enfant, vous avez même répondu à mes félicitations. On se voit demain au boulot, et changez vos plaisanteries d’ici là, d’accord ? On oublie les petits soucis des jours d’avant… On fait tous des erreurs !

Il lâche enfin ma main, et s’en va après un clin d’œil complice. Ma conscience bloquée ne parvient pas à le saluer. Marre des questions. Tout ça finit par m’énerver. S’il a essayé de me faire exploser, c’est réussi. Je reprends mon destin en main.

— Mickaël !

Apparemment, ce n’est pas la bonne heure pour les pensées héroïques… Alice arrive en courant.

— On avait dit que tu te posais quelque part !

— C’est ce que j’ai fait, il y avait Mathilde qui m’y attendait…

— Mathilde ?

— Qui elle-même avait été prévenue avant qu’on élabore notre plan.

Alice reste sans voix.

— Je me rends au siège social de Google. Quoiqu’il arrive, je veux des explications. J’exige de comprendre. Ce n’est pas possible. S’ils n’en ont pas, j’irai chez d’autres demain matin.

— Je t’accompagne alors !

Dans ses mots se cache de la peur. Je le sens. Mais elle ne m’abandonne pas. Je me rends compte que j’ai fait souffrir cette fille alors qu’elle m’aime toujours plus que mon amour actuel. Suis-je beaucoup mieux que cet ordinateur qui m’arrache chaque synapse ?


La fin sera publiée demain sur MacGeneration. Si vous voulez lire l’intégralité de la nouvelle dès maintenant et dans un format optimisé pour tous les terminaux, elle est en vente dans l’iBooks Store et dans le Kindle Store.

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