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« Prévisibles » : le chapitre 3.0 en ligne

La redaction

lundi 17 août 2015 à 20:00 • 26

MacGeneration

Voici le troisième chapitre de Prévisibles, la nouvelle de l’été écrite par Edgar Hedycer et publiée en intégralité sur MacGeneration. Les chapitres précédents sont disponibles ici :

Si vous voulez lire la nouvelle d’une traite et dans un format optimisé pour tous les terminaux, elle est en vente dans l’iBooks Store et dans le Kindle Store.


3.0

Pourquoi ai-je été la cible de hackers ? Quel intérêt ? Je ne vois personne d’autre capable de faire un tel coup. Des pirates, très doués, qui ont pour objectif de démolir ma vie. Je ne peux pas régler ça par SMS. Déjà, parce que je n’ai plus de téléphone… Les actes catégoriques se regrettent tellement vite. Je ne peux plus me fier à quoi que ce soit : il faut d’abord que je me débarrasse d’eux pour ensuite reprendre une activité normale.

Cette théâtralisation m’est bénéfique dans ces moments-là. Cela fait une heure que je marche dans la rue, et j’ai réussi à retrouver de l’avant et chasser les idées noires. Elles referont surface très vite, je le sais. Pour le moment, je suis prêt au combat.

Qui aller voir ? Thomas, un très bon ami qui habite près d’ici ? Non, à cette heure il ne doit pas être chez lui, et je n’ai aucune chance de deviner où il se trouve. Je pourrais retrouver Vincent, pour au moins chercher qui me veut cette fin dramatique. Mais j’ai envie de réparer un peu le mal déjà. Non, me rendre chez Mathilde serait du pur suicide, elle ne m’ouvrirait même pas. Tentons Alice, mon ex, devenue une amie occasionnelle !

Arrivé, je sonne. Elle déverrouille l’interphone sans même demander mon identité. Devant sa porte, elle m’invite à entrer :

— Coucou !

— Salut ! Désolé de te déranger je…

— Ne t’en fais pas, rentre ! Qu’est-ce qui ne va pas mon petit Mickaël ?

— Ça n’a pas l’air de te surprendre plus que ça de me voir…

— Ben d’un autre côté, tu m’as prévenu par SMS.

— Moi !? Quand ça ?

— Ben il y a 30 minutes environ !

— C’est complètement impossible !

— Au lieu de raconter des bêtises, enlève tes chaussures et viens te réchauffer, tu es trempé !

Je m’exécute, le cerveau assommé. Toute pensée est aspirée par la noirceur infinie du pessimisme qui m’envahit.

— Pardon d’insister, mais je peux jeter un œil au message ?

— Celui que tu m’as envoyé ? Oui…

Elle me tend son téléphone et je lis, ahuri, un texto provenant de mon numéro, lui indiquant que j’arrive bientôt chez elle. Je m’y reconnaitrais.

— J’espère que tu ne viens pas pour m’annoncer que tu as un Alzheimer précoce.

— Très drôle. Justement, c’est pour ça que je voulais te voir, je me suis fait hacker toute ma vie, je n’ai plus aucun contrôle ! Ce SMS, je ne l’ai jamais envoyé. Comment ce… truc a-t-il pu savoir que je me dirigeais vers toi ?

— Ouh là, alors tu vas reprendre tout depuis le début, parce que moi je n’ai jamais rien pigé à tes folies d’ordinateur !

On s’assoit. Je raconte, sans organiser la moindre de mes idées :

— Il n’y a rien à expliquer… Des conversations sensibles que j’ai eues ont commencé à fuiter il y a trois jours déjà, et maintenant mes appareils se rebellent et prennent le contrôle… Ils envoient des SMS, les changent même, piratent mon compte en banque… C’est n’importe quoi !

— Donc tu es en train de me dire que j’ai reçu un SMS qui n’était pas vraiment de toi, mais de ton portable lui-même ?

— Oui bravo ! je lui lance sur un ton ironique.

— Calme-toi, je ne suis pas obligé de te recueillir Calimero !

— Mais je ne suis pas Calimero ! J’ai la terre entière liguée contre moi ! C’est compliqué à comprendre ?

Je m’énerve. Beaucoup trop. Et vite. Elle me fixe très profondément. Elle ne bouge pas. Je finis par lâcher le regard. Heureusement, elle sait comment m’apaiser, de gré ou de force…

— Tu veux un chocolat chaud ?

— Ce n’est pas une mauvaise idée, il parait que le chocolat est un antidépresseur…

— Eh bah va te le faire, rien n’a changé dans la cuisine ! Passe-moi ton portable en attendant !

— Je n’en ai plus… Je l’ai brisé contre un mur…

— Toujours aussi zen à ce que je vois, sourit-elle.

Comment rester un tant soit peu détendu ? Je n’ai plus de vie. On m’a tout volé. Je reviens dans le salon avec ma tasse brûlante. Je n’ai plus envie de parler, et elle ne sait plus quoi dire. Parfois, la simple présence de quelqu’un nous apaise, sans rien d’autre. Elle me passe la main dans les cheveux.

— Et Mathilde ? Pourquoi n’es-tu pas avec elle ?

Je suis extrêmement lâche. M’inviter chez elle, alors qu’elle a encore des sentiments… J’avais calculé que ce serait la seule à ne jamais pouvoir me laisser dehors, quelle que soit ma situation. Déculpabilisons : dans ces moments, on a besoin de personnes qui nous désirent. Restons dans son jeu.

— Je me suis fâché avec elle, justement à cause de tout ça. — Pas très cool de sa part, dis donc !

— On lui a copié des conversations qu’on a eues ensemble, d’autres que j’ai envoyées à une de ses « ennemies », et elle s’est vexée. J’ai tenté de recoller les morceaux, mais je pense que mon SMS s’est modifié, je n’imagine pas d’autre raison à son énervement brutal.

— Je vois… Mais le plus étrange c’est quand même ce message que j’ai reçu non ?

— En quoi ? Mon téléphone ne devait pas être complètement mort. Après mon coup de fil les hackers en ont déduit que j’étais sorti et ils ont dû distribuer un texto commun à mon répertoire d’amis « proches ». Je ne vais pas me laisser impressionner ainsi !

La table vibre. Le smartphone d’Alice. Mon nom s’affiche. Juste en dessous, quelques mots : « Tu as oublié la cannelle ». Mes yeux tombent sur l’innocent breuvage que je me suis confectionné. Impossible. D’énormes gouttes de sueur me glacent jusqu’au plus profond de mes nerfs. Alice se tourne vers moi, interdite.

— Comment ? Il n’y a pas de caméra dans la cuisine.

Elle ne se rend pas compte que la présence d’un studio de cinéma m’aurait rassuré. J’aimerais que son micro soit piraté, que l’appartement entier contienne des caméras miniatures sophistiquées, que mon téléphone transmette toutes mes informations. Non, ils ont fait beaucoup plus fort : prévoir un événement de ma vie, sans autres renseignements que mes habitudes. Avaient-ils aussi prévu ma venue chez Alice ?

— Qu’est ce que ça veut dire Mickaël ?

— Je ne sais absolument pas… J’ai l’impression qu’ils contrôlent mon existence…

— Mais qui ?

Aucun mot ne sort. Je n’ai pas la moindre idée de ce que je pourrais comprendre.

— Tu crois qu’ils ont prévu de demander une rançon ?

— Si c’est le cas, ce serait idiot, ils ont vidé mon compte en banque…

— Je suis vraiment désolée… Comment pourrais-je t’aider ?

Quinze heures. J’ose lui demander la permission de rester chez elle cette après-midi et ce soir, effrayé à la simple pensée de me retrouver seul et complètement vulnérable. Elle me prend la main et me sourit. C’est tout ce dont j’ai besoin.

Elle semble réfléchir, elle n’y croit pas aussi facilement. Elle m’explique calmement que le hasard fait souvent trop bien les choses, et que son ordinateur, téléphone et autre peuvent très bien transmettre des indications à distance. Mais je veux des preuves.

— On a qu’à voir s’ils sont capables de prédire vraiment l’imprévisible…

— Comment ça ?

— S’ils ont piraté toutes tes informations, avec une analyse fine ils peuvent anticiper de nombreux événements. Nos vies sont assez routinières pour la majorité des actes, voire complètement planifiées, entre nos tâches, nos obligations, nos rendez-vous…

— C’est sûr. Tout est quelque part sur nos téléphones… Le calendrier, la liste des rappels, la position et les déplacements réguliers, les relations, les dépenses… Tu imagines, un algorithme rassemblant toutes ces données est peut-être capable de prévoir à peu près tout !

— Oui, mais justement. Il reste de l’imprévisible.

Elle se lève, éteint son ordinateur et son portable, les emmène tous les deux dans sa chambre. Après les avoir mis sous son matelas, elle revient avec une pile de vêtements et commence à recouvrir chacun de ses appareils électroniques : interphone, thermostat dernier cri, chaine hi-fi, jusqu’aux télécommandes. Elle débranche la télévision et se rassoit enfin près de moi. Chuchotant, Alice m’explique :

— On va faire une expérience. Ils ne peuvent pas savoir ce qu’il se passe. Enfile le vieux pull que tu avais laissé chez moi, rabats la capuche et je te donne mon écharpe. Comme ça moins de chance qu’ils te reconnaissent via les caméras de surveillance dans la rue, ou même les satellites. Puis tu marches. Vers la destination de ton choix, mais tu t’y diriges à pied surtout, pas de transports ! Un endroit complètement « inattendu » où tu peux te poser.

— OK, mais une fois que j’y serai, que se passera-t-il ? D’accord, je serai hors de leurs radars. Dès que j’apparaitrai à nouveau, ça recommencera, je ne vais pas m’exiler au fin fond de la Sibérie !

— Non ! L’important est de voir s’ils peuvent prédire l’inconnu !

— Mais personne ne peut anticiper l’imprévisible et encore moins un algorithme !

— Eh bien… Peut-être qu’eux, si !

— Attends, j’adore la science-fiction, tu me connais, mais ça n’existe pas ça ! À l’extrême limite ils me reconnaissent sur les caméras de surveillance ou via le smartphone des autres et peuvent indiquer où je suis…

— Eh bien, ce sera déjà ça ! S’ils arrivent à te localiser, ça prouvera qu’ils ont le bras très long ! Et puis, si je suis prévenue avant que tu ne t’arrêtes on le saura, et ça mettra au clair le début de l’histoire : avaient-ils prévu que tu viennes chez moi  ?

— Pourquoi te préviendraient-ils ?

— Ils savent que tu es avec moi. Jouons avec eux. Je demanderai au numéro qui m’a envoyé le SMS de la cannelle où tu es. Et vu les derniers événements, peu de chance qu’ils te laissent tranquille. Quoiqu’il arrive, tu reviens ici pour 18 heures. Ils devinent que tu n’es en relation qu’avec moi. Ils cherchent à te faire peur. Ils ne manqueront pas une occasion !

— Faisons ça alors. Je n’ai pas de meilleure idée.

— File alors, allez hop, dehors !


La suite sera publiée demain sur MacGeneration. Si vous voulez lire l’intégralité de la nouvelle dès maintenant et dans un format optimisé pour tous les terminaux, elle est en vente dans l’iBooks Store et dans le Kindle Store.

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