Alors qu’elle avait fêté le trentième anniversaire du Macintosh en grande pompe, Apple semble trop occupée par la promotion du casque Vision Pro pour marquer le quarantième. Qu’à cela ne tienne, une poignée de lieutenants de Tim Cook est chargée d’assurer le service minimum dans la revue américaine Wired et le magazine japonais Pen. « L’expérience du Mac est déjà sur le Vision Pro », dit Alan Dye, le vice-président d’Apple responsable de la conception des interfaces, mais « tous les salariés d’Apple aiment énormément le Mac » assure John Ternus, sa contrepartie en charge de l’ingénierie matérielle.
Une tension qui en dit long : Apple ne peut pas renier le Mac, mais veut ancrer l’informatique personnelle dans l’espace avec le casque Vision Pro, censé ouvrir une nouvelle ère. « Il est difficile d’imaginer une Apple sans Mac », dit Greg Joswiak, vice-président responsable du marketing mondial, « nous avons le Mac dans le sang, c’est un produit qui nous définit. » Steve Jobs disait la même chose de l’iPod, et l’on sait comment cela s’est terminé.
« Le Mac a été capable d’absorber et d’intégrer les innovations de l’industrie », ajoute Craig Federighi, le vice-président en charge de l’ingénierie logicielle, « le Mac a exploité le potentiel de chaque grande vague technologique, de l’informatique graphique à l’internet en passant par la création d’outils pour le mobile, pour en faire des outils créatifs intuitifs pour le reste d’entre nous. Avec des vagues aussi disruptives que l’informatique spatiale et l’IA, le Mac se renouvèlera encore et encore. »
« Le Mac du futur pourrait-il avoir une apparence complètement différente ? », demande le journaliste Steven Levy, qui avait été mis dans le secret de la confidence par Steve Jobs lui-même quelques semaines avant la fameuse présentation du 24 janvier 1984. « Une révolution peut toujours se produire », répond Molly Anderson, qui dirige le studio de design avec Ben Shaffer et Richard Howarth, mais « lorsque nous lançons un nouveau projet, nous ne partons pas des contraintes posées par la popularité de nos produits existants. Nous essayons toujours de concevoir le meilleur outil pour une tâche donnée. »
« Le chemin de l’enfer technologique est pavé de gens qui font des choses parce qu’ils le peuvent et non parce qu’ils le doivent », conclut Joswiak. Reste que le Mac semble à un tournant, aucun appareil n’ayant jamais autant mordu sur ses platebandes que le casque Vision Pro. « Il apporte l’expérience du Mac dans votre espace », opine Dye, « avec la liberté de placer vos fenêtres où vous le souhaitez. » Le futur se situe peut-être quelque part entre ces deux produits : le casque est présenté comme une extension du Mac, mais il ne fait aucun doute qu’il prendra son indépendance pour former un « écran infini ».
La métaphore du bureau prendra alors tout son sens, parce qu’elle s’incarnera… sur votre bureau. Ce qui ne veut pas dire que le Mac disparaitra : « de nombreuses personnes possèdent plusieurs appareils Apple », se réjouit Tom Boger, vice-président responsable de la promotion du Mac, « elles ne font pas la distinction entre le travail sur l’iPhone, le travail sur l’iPad et le travail sur le Mac. » La clé, cela ravira Tim Cook qui n’aime rien plus que les services assurant un revenu récurrent, est dans le nuage :
Nous faisons coopérer harmonieusement les appareils avec iCloud. Lorsque je rentre après avoir travaillé sur mon iPhone, je suis trop fatigué pour m’installer à mon bureau et travailler sur le grand écran de mon Mac, mais je peux me détendre sur mon canapé avec mon iPad, aller et venir librement d’un appareil à l’autre.
Le casque Vision Pro n’offrira qu’une façon supplémentaire d’accéder aux mêmes données, avec bien sûr ses capacités exclusives, mais aussi ses faiblesses spécifiques. « Quoi qu’il en soit, depuis le premier Mac annoncé il y a quarante ans jusqu’au dernier modèle que nous proposons aujourd’hui, le Mac est un ordinateur qui continue d’être aimé par les gens », conclut Boger. « Ce point n’a pas changé. »