Vous l'avez peut-être vu, Apple ne livre que 8 Go de RAM1 avec le nouveau MacBook Pro 14 pouces équipé d'une puce M3 et avec l'iMac M3. Un responsable de la marque a même donné une explication étonnante pour essayer de justifier la pingrerie de la marque (il est en effet difficile de justifier cette quantité de RAM en 2023). Selon lui « 8 Go chez Apple correspondent à 16 Go dans un autre système2 ». Un mantra parfois répété par certains depuis l'arrivée des Mac Apple Silicon, mais le fait de le répéter n'en fait pas une vérité.
Avant de parler de cette affirmation, il faut parler de la RAM. Nous avions consacré un long sujet à la question de la légitimité de rester sur 8 Go de RAM il y a environ un an, et les conclusions restent les mêmes : ce n'est pas une bonne idée. Au-delà du fait que vous ne pourrez pas augmenter la capacité de la mémoire vive (ce qui n'est pas très pérenne), il est très facile d'atteindre la limite dans une séance de surf classique en 2023, et les sites Internet et autres applications ne vont pas arrêter de demander de plus en plus de mémoire parce que quelqu'un chez Apple pense qu'une quantité de RAM digne de 2012 est la norme.
Mac Apple Silicon : est-ce que 8 Go de RAM suffisent ?
Plus largement, nous l'avions expliqué, la gestion de la mémoire unifiée par Apple tend par ailleurs à être contre-productive avec une quantité si faible : si vous passez par un écran externe (ou même avec la dalle en 4 480 x 2 520 d'un iMac), vous allez probablement utiliser plus de mémoire vive qu'avec une carte graphique intégrée Intel qui partage la mémoire vive en deux zones. 8 Go peuvent vaguement suffire en 2023 si vous n'aimez pas ouvrir beaucoup d'onglets dans un navigateur et que vous fermez toutes les applications après chaque usage, mais si votre usage se limite à ça, vous n'êtes probablement pas la cible pour un MacBook Pro (ou même un iMac). De notre expérience, passer à 16 Go amène vraiment du souffle à un Mac, spécialement si vous comptez le garder pendant quelques années ou si vous comptez brancher un moniteur externe.
Non, 8 Go « Apple » ne correspondent pas à 16 Go dans un autre système
Maintenant, parlons de l'affirmation de Bob Borchers (un responsable d'Apple) à un créateur chinois. Premièrement, rappelons une chose : si nous prenons comme base un MacBook Pro vendu 2 000 €, les PC dans la même gamme de prix intègrent tous 16 Go de RAM (et souvent 32 Go) couplés à une carte graphique dédiée dotée de 6 à 8 Go de RAM. C'est un point à prendre en compte : sur les 8 Go de RAM d'un MacBook Pro, vous allez probablement perdre 1 à 2 Go de RAM uniquement pour la carte graphique, et parfois plus si vous branchez un écran haute définition (4K ou 5K).
Deuxièmement, macOS n'emploie pas la mémoire plus efficacement que Windows, et mettre en avant la mémoire compressée qui est disponible sur les Mac Intel (par exemple) est fallacieux. Plus largement, le code ARM n'est pas particulièrement plus dense que le code x86 en pratique, et les données prennent la même quantité de mémoire, quel que soit le système. Si vous chargez une page web, un onglet ouvert sur un site quelconque ne va pas prendre moins de mémoire vive sur un Mac avec Safari ou Chrome que dans un PC sous Windows avec Chrome. Il peut y avoir quelques différences au niveau des applications, mais une image RAW issue d'un appareil photo ne prendra pas moins de place en mémoire vive sur un Mac que sur un PC.
Troisièmement, le choix d'Apple de placer la mémoire au plus près du système sur puce n'offre pas un avantage direct sur l'utilisation de la mémoire. Apple — avec le M3 — emploie de la LPDDR5 sur un bus 128 bits et le fait de placer les puces au niveau du système sur puce simplifie l'agencement de la carte mère… et c'est tout. Les PC modernes peuvent utiliser la même mémoire sur le même bus, et le choix d'Apple n'implique pas de meilleures performances. Et même dans le cas des puces M3 Pro ou Max (qui ont une bande passante mémoire plus élevée), l'avantage sur les performances n'a que peu d'impact sur l'utilisation de la mémoire.
Enfin, la mémoire unifiée n'est pas nécessairement un avantage, et est même plutôt un problème quand la capacité totale est faible. Si vous avez une partie graphique qui a de gros besoins (un moniteur haute définition, une application qui stocke beaucoup de données liées à la vidéo, un jeu, etc.), vous allez vous retrouver avec moins d'espace pour les données. Dans ce domaine, les PC (et les anciens Mac Intel) ont paradoxalement l'avantage avec de la mémoire compartimentée : le GPU ne peut réserver qu'une quantité précise de mémoire, souvent 1,5 Go chez Intel. Et nous l'avons vu plus haut, une bonne partie des PC vendus dans la même gamme de prix qu'un MacBook Pro dispose d'une carte graphique équipée de sa propre mémoire vidéo.
Dans la pratique, quelle que soit la manière de regarder les choses, « 8 Go chez Apple » ne peuvent pas correspondre à « 16 Go dans un autre système ». Et nous pourrions même dire que 8 Go chez Apple ne correspondent pas à 8 Go dans un autre système… surtout en prenant en compte qu'il faut généralement descendre aux alentours de 500 € pour trouver un PC avec moins de 16 Go de RAM3.
Et pour terminer, au-delà du discours marketing d'Apple qui sert juste — rappelons-le — à justifier les marges de la marque, répétons-le : si vous voulez un Mac pérenne, passez à la caisse et dirigez-vous vers un modèle équipé d'au moins 16 Go de RAM.