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L’inconstance des éditeurs : des applications à durée de vie limitée

Christophe Laporte

Tuesday 08 December 2015 à 09:33 • 76

Logiciels

L’inconstance, c’est le grand mal qui frappe nombre d’éditeurs de logiciels ou de services. On ne connait pas (encore ?) les détails de l’histoire, mais la mort annoncée de Mailbox est un gigantesque gâchis.

Il fallait faire la queue pour pouvoir utiliser Mailbox
Il fallait faire la queue pour pouvoir utiliser Mailbox

Lorsqu'elle a été lancée, cette application iOS avait repensé de fond en comble le concept de mail en y intégrant des idées issues des gestionnaires de tâches. Le succès avait été foudroyant. Autant que le montant de l'acquisition par Dropbox : entre 50 et 100 millions de dollars ! Le tout alors que l'application avait été lancée depuis seulement 36 jours.

L’argent comme seul leitmotiv ?

Que les personnes ayant de bonnes idées et qui les réalisent gagnent beaucoup d’argent, c’est tant mieux ! Le problème actuellement, c’est que ces grandes idées finissent assez rapidement à la poubelle. En ce qui concerne le Mail, on l’a vu avec Mailbox, mais l’histoire ne fait que se répéter. Pour les utilisateurs Mac, cette histoire a un goût de déjà vu avec Sparrow. Au passage, la réaction d’un des cofondateurs de Sparrow suite à l’annonce de l’arrêt de Mailbox est pleine d’aigreur.

Faut-il y voir un signe de jalousie, car Mailbox a connu beaucoup plus de succès que son prédécesseur et a été vendu nettement plus cher ? Ou s’agit-il seulement d’un constat de dépit ? Après tout, il est déjà passé par là et il sait comment les grands groupes dépossèdent les créations originales rachetées à prix d’or, sans investir derrière pour assurer un avenir à ces applications innovantes.

Quoi qu'il en soit, pour l'utilisateur final, c'est retour comme toujours à la case départ. On peut se consoler en se rappelant que les bonnes idées de Mailbox et de Sparrow ont été reprises dans Outlook pour iOS, Airmail et même Mail d'Apple.

Un des meilleurs clients Mail sur iOS : Microsoft Outlook

Avec le logiciel, des sociétés comme Apple ou Microsoft voulaient changer le monde. L'approche peut paraitre romantique et cela n'a pas empêché ces deux sociétés de réaliser des centaines de milliards de dollars de bénéfices, mais il y avait l'idée de marquer les gens et son époque. De nos jours, cette vision de « changer le monde » parait beaucoup plus secondaire : combien de start-ups se sont créées dans la Silicon Valley dans le seul espoir d’une acquisition par plus gros que soi ? Il y a, et c’est heureux, encore des exceptions. On peut aimer ou détester Mark Zuckerberg, mais combien de jeunes entrepreneurs n'auraient pas déjà cédé Facebook ? Et il en va de même pour Twitter, Snapchat (pourtant courtisé de toutes parts), ou encore Dropbox.

Brent Simmons, développeur pour Omni et en solo, a eu le mot juste hier après l’annonce assassine de Dropbox : « Les applications qui se font racheter ne durent pas longtemps. Les applications qui ne se font pas racheter ne durent pas longtemps non plus. Les exceptions sont rares ». Le milieu des apps mobiles est une jungle où les plus gros dévorent les plus petits, parfois pour des raisons aussi triviales qu’éliminer un concurrent potentiellement dangereux.

La mort programmée de Mailbox est donc l'occasion de se rappeler que les logiciels ne sont pas éternels. Ceci est vrai aussi bien chez les petits éditeurs que les gros. On rappellera qu'Apple a récemment abandonné Aperture et iPhoto, qui tous deux étaient au cœur de sa stratégie logicielle il y a encore quelques années. Autre exemple à l'opposé : Realmac qui semble changer de stratégie comme de chemise en témoigne l'abandon récent d'Ember et Typed.

Quelle est la durée de vie moyenne d’un logiciel ?

Les logiciels ont des durées de vie de plus en plus réduites. C'est un fait. D'un certain point de vue, les App Store, qui ont permis de faire beaucoup baisser les prix, ont inventé la notion d'application jetable. Les logiciels vendus dans ces boutiques sont tellement bon marché qu’il est économiquement très difficile, voire suicidaire, de justifier le coût d’un suivi sur le long terme.

Le modèle économique de l’App Store est ainsi fait qu’il valorise peu le soutien au long cours : pour gagner sa vie, un développeur aura plutôt tout intérêt à multiplier les applications pour en vendre le plus possible. À moins d’imaginer en amont des micro-paiements voire un système d’abonnement, un modèle qui a le vent en poupe mais qui n’est guère apprécié par les utilisateurs. Quant aux mises à jour payantes, Apple ne veut pas en entendre parler malgré les innombrables appels des développeurs.

Les applications s’éteignent sans doute beaucoup plus vite qu’auparavant. Allez voir votre liste d'achats d'applications payantes sur le Mac App Store et l'App Store, et regardez celles que vous utilisez encore.

Mail est l'une des plus vieilles applications livrées avec OS X
Mail est l'une des plus vieilles applications livrées avec OS X

Je me suis livré à un autre exercice, que je vous invite à effectuer. Quelle est l’application la plus vieille sur votre ordinateur ? Mettez bien évidemment de côté les logiciels livrés avec le Système.

En ce qui me concerne, l’application la plus « ancienne » est Antidote, le célèbre logiciel de correction grammaticale et d’aide à la rédaction, qui a commencé sa carrière en 1996. Le podium est complété par TextMate et SuperDuper! qui ont vu le jour tous les deux en 2004. À quelques exceptions près, toutes les autres apps installées sur mon Mac ont moins de dix ans, et souvent même moins de cinq ans.

Il y a les logiciels morts trop jeunes (Mailbox, Sparrow) et ceux pour qui l’âge n’a pas de prises (enfin presque). On pense à Photoshop, Illustrator, Word ou Excel. Des franchises qui sont en quelque sorte les exceptions qui confirment la règle.

La longévité : un critère trop souvent ignoré ?

Parmi les vieux logiciels sur Mac qui continuent d’être développés, on ajoutera à cette liste BBEdit, Nisus Writer, RagTime (que l’on a redécouvert grâce au dernier résumé de la semaine), Stuffit Deluxe (qui a longtemps été un incontournable sur Mac) ou encore DragThing.

L’idée n’est pas de ressortir à tout prix les anciennes gloires, mais peut-être de prendre conscience lors de l’adoption d’un logiciel de sa longévité. Lorsqu’une application s’appuie sur des standards comme un client Mail, un abandon n’est pas très gênant. Dans d’autres cas, comme celui d’Ember, cela peut vite devenir embêtant. Vous voilà pris au piège avec vos données stockées dans l’application.

Ember est un gestionnaire d'images qui avait un certain succès chez les créatifs
Ember est un gestionnaire d'images qui avait un certain succès chez les créatifs

Il y a une alternative : ce sont les logiciels libres. Mais, ce n’est pas non plus la sécurité absolue. Il faut que la communauté qui l'appuie soit suffisamment forte et dynamique et qu’elle poursuive le même but. Les scissions sont fréquentes. Bref, faire les bons choix en matière de logiciel n’est pas chose aisée !

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