La connectique informatique est en plein bouleversement. Quelques mois après les balbutiements de l'USB-C et de l'USB 3.1, Intel a dévoilé le Thunderbolt 3... qui utilise le connecteur USB-C et englobe l'USB 3.1. C'est déjà confus ? Ce n'est que le début. On fait le point sur ces technologies amenées à devenir les prochains standards.
Le connecteur USB Type-C (USB-C)
Réversible, tout petit, qui fait « clic » quand on le branche. Non, on ne parle pas du connecteur Lightning de l'iPhone et de l'iPad, mais de l'USB Type-C. Les points communs entre les deux ne sont pas fortuits, Apple a largement influé sur la création du nouveau connecteur USB.
D’une épaisseur de 2,6 mm et d’une longueur de 8,4 mm, l'USB Type-C (qu'on abrège en USB-C) a été pensé pour remplacer les autres types de connecteurs USB qui ont fait leur temps.
L'USB Type-A, celui que l'on retrouve sur le MacBook Air et de manière générale sur tous les ordinateurs (d'où le fait qu'on le désigne parfois comme l'USB « standard »), est relativement imposant à l'heure où les portables sont de plus en plus fins. L'USB micro-B (ou « micro-USB »), celui qui équipe tous les smartphones à l'exception des iPhone, est petit mais peu pratique et fragile. On ne sait jamais dans quel sens brancher le câble. Bref, l'USB-C est la solution à tous ces problèmes.
Une solution d'autant plus intéressante que ce nouveau connecteur peut en faire bien plus que ses prédécesseurs. Comme on l'a déjà expliqué dans un précédent article, il supporte la norme USB Power Delivery 2.0 (il peut délivrer une puissance maximale de 100 W, de quoi alimenter n'importe quel portable), l'USB Alternate Mode (il peut faire passer un signal DisplayPort 1.2) et l'USB 3.1, qui augmente considérablement les débits par rapport à l'USB 2.0.
Cette prise en charge de l'USB 3.1, aussi bienvenue soit-elle, entraîne une certaine confusion. Parce que l'USB-C et l'USB 3.1 sont arrivés en même temps, cela peut conduire à penser que les deux sont indissociables, or ce n'est pas le cas. L'USB-C n'est pas forcément synonyme d'USB 3.1.
L'exemple le plus parlant est certainement le câble USB-C vendu par Apple (35 €). Il utilise un connecteur USB-C à chaque extrémité, mais ne prend en charge que la norme USB 2.0. Lors d'un transfert, on ne pourra donc pas dépasser les 480 Mbit/s. Le fabricant d'accessoires Anker va, lui, sortir un câble USB-C vers USB-A limité à l'USB 2.0. À l'avenir, l'USB 3.1 devrait toutefois s'imposer. Enfin, reste à savoir lequel...
Le protocole USB 3.1 (Gen 1 et Gen 2)
En effet, il n'y a pas un USB 3.1, mais deux. Il y a l'USB 3.1 Gen 1 et l'USB 3.1 Gen 2. Le premier autorise un débit maximum de 5 Gbit/s, tandis que le second double le débit pour atteindre jusqu'à 10 Gbit/s. En fait, l'organisme en charge de la standardisation de l'USB a décidé que l'USB 3.1 Gen 1 était le nouveau nom de l'USB 3.0.
C'est plus compliqué que la mention « port USB 2.0 » qu'on employait il n'y a encore pas si longtemps pour décrire la connectique d'un Mac et qui ne laissait place à (quasiment) aucun doute sur les performances et le type de connecteur, mais il va falloir s'y faire.
Sans compter qu'il y a une autre subtilité ; l'USB 3.1 (Gen 1 comme Gen 2) fonctionne aussi avec le connecteur USB-A. Il est donc tout à fait possible qu'un transfert de données réalisé avec le connecteur USB-A soit plus rapide qu'avec du nouveau matériel USB-C, parce que le premier prendrait en charge l'USB 3.1 Gen 2 et pas le second. Il faudra donc scruter avec attention la fiche technique des produits avant de passer à la caisse, sous peine de se retrouver bridé.
Le Thunderbolt 3, qui englobe l'USB-C, l'USB 3.1 et d'autres protocoles
Par-dessus tout ça, arrive le Thunderbolt 3. Mais il convient déjà de rappeler ce qu'est le Thunderbolt à la base. Créé par Intel et Apple, il s'agit d'une connectique multiprotocole très performante et qui permet de chaîner les périphériques.
Sa première génération, inaugurée en 2011 avec le MacBook Pro 15", autorise un débit maximum de 10 Gbit/s pour le transfert de données (protocole PCI Express) et la gestion d'un écran 2 560 x 1 600 à 60 Hz (protocole DisplayPort 1.1). Deux ans plus tard, le Thunderbolt 2 multiplie par deux le débit de transfert des données et s'ouvre aux écrans 4K grâce à la prise en charge du DisplayPort 1.2. Ces deux générations utilisent un connecteur Mini DisplayPort.
Le Thunderbolt 3, qui vient d'être annoncé et qui pointera le bout de son connecteur à la fin de l'année, permet d'en faire plus, et pas qu'un peu. Son débit maximal est porté à 40 Gbit/s. Grâce à cette bande passante doublée, il permet de gérer deux écrans 4K à 60 Hz ou un écran 5K multi-panneaux avec un seul câble (toujours avec le DisplayPort 1.2). Les moniteurs 5K composés d'un seul panneau ne seront pas compatibles en revanche, la faute à l'absence de prise en charge de DisplayPort 1.3. Mais un écran comme le UP2715K de Dell, qui est composé de deux panneaux 2560 x 1440 pixels mis côte à côte, devrait être géré a priori.
Tout cela est déjà fort appréciable, mais la plus grosse nouveauté du Thunderbolt 3, c'est sans aucun doute son utilisation du connecteur USB-C accompagnée de la prise en charge de l'USB 3.1 (Gen 1 et 2). Autrement dit, quand on branchera un périphérique USB-C/3.1 sur le port Thunderbolt 3, ça fonctionnera.
La possibilité de délivrer une puissance maximale de 100 W est elle aussi supportée. On pourra donc recharger un Mac portable avec son port Thunderbolt 3.
Avec des adaptateurs, on pourra même se servir du HDMI 2.0 (écran 4K à 60 Hz) et de l'Ethernet 10 Gbit/s. Au bout du compte, le Thunderbolt 3 est la connectique universelle qu'on attend depuis tant d'années.
Les subtilités du Thunderbolt 3
Alors que les deux premières générations de Thunderbolt nécessitent des câbles actifs, qui contiennent un contrôleur et d'autres puces, le Thunderbolt 3 fonctionne avec des câbles passifs, moins sophistiqués et donc moins chers... mais limitant le débit à 20 Gbit/s.
Il y aura en fait deux types de câbles Thunderbolt 3 différents :
- les câbles actifs, prenant en charge le Thunderbolt jusqu'à 40 Gbit/s et l'USB 3.1
- les câbles passifs, moins chers, supportant le Thunderbolt jusqu'à 20 Gbit/s, l'USB 3.1 et le DisplayPort 1.2
Il faut aussi mentionner les câbles optiques, prévus dans un deuxième temps, qui se distingueront par leur longueur (jusqu'à 60 mètres, contre 2 mètres pour les autres).
Pour qu'un ordinateur puisse prendre en charge le Thunderbolt 3, il aura besoin du contrôleur Alpine Ridge. Étant donné la période de sortie — fin de l'année — concomitante du Thunderbolt 3 avec la prochaine génération de processeurs Intel, la question de son intégration exclusive à Skylake s'est posée. Intel a finalement indiqué qu'Alpine Ridge était une puce autonome. Les fabricants auront donc la possibilité d'ajouter la compatibilité Thunderbolt 3 sans changer le processeur Broadwell (la génération actuelle).
Concernant l'alimentation, les 100 W s'appliquent uniquement pour la charge. Sinon, pour les appareils alimentés par bus, c'est du 15 W. Cela signifie qu'on ne pourra pas alimenter une grosse carte graphique externe ou certains systèmes RAID « lourds » avec simplement un câble Thunderbolt 3.
Quid du Thunderbolt 3 dans les Mac ?
Que va faire Apple du Thunderbolt 3 ? Interrogé par Ars Technica, un porte-parole a — sans surprise — botté en touche : « Nous ne parlons pas des éventuelles choses à venir. »
Dès lors, on ne peut qu'émettre des suppositions sur ce qui nous attend dans les mois à venir. Ça n'aura échappé à personne que deux produits qui font un usage intensif du Thunderbolt n'ont pas été mis à jour depuis un long moment.
Le premier, c'est le Thunderbolt Display. Il a été lancé en 2011 et n'a pas évolué depuis (mis à part son prix qui a augmenté de 150 € en mars). Résultat, il est dépassé techniquement : définition de seulement 2 560 x 1 440 pixels, Thunderbolt de 1re génération et ports USB 2.0.
Le Thunderbolt 3 ouvre des perspectives très intéressantes pour la prochaine version (s'il y en a une). On imagine évidemment un écran 4K, voire 5K (5 120 x 2 880), comme celui de l'iMac Retina. L'aspect hub serait mis au goût du jour avec des ports USB-C/3.1.
Le Mac Pro n'a, lui, pas été renouvelé depuis fin 2013, alors que des processeurs et cartes graphiques plus récents sont disponibles depuis des mois. Apple attend peut-être le Thunderbolt 3 pour le mettre à jour. Le Thunderbolt occupe en effet une place centrale dans le Mac Pro qui mise tout dessus pour étendre ses capacités. Le passage à la troisième génération est dès lors une évolution escomptée et logique.
Logique, ça le serait également dans les MacBook Pro. C'est cette machine qui a inauguré le Thunderbolt de première génération en 2011 puis le Thunderbolt 2 en 2013. Des ports Thunderbolt 3 remplaceraient avantageusement la plupart des ports actuels.
Cependant, contrairement au MacBook, il ne faut sûrement pas s'attendre à une cure d'amincissement radicale grâce au connecteur USB-C. Avec son processeur Core i5 ou i7 (et une carte graphique dédiée pour le modèle le plus cher), le MacBook Pro a absolument besoin d'un ventilateur, ce qui limite une éventuelle réduction de son épaisseur.
Le MacBook, lui, a déjà fait une partie du chemin, puisqu'il intègre un port USB-C. Mais dans sa version actuelle, il ne pourra pas profiter du Thunderbolt 3. Il ne prend en charge que l'USB 3.1 (Gen 1) et n'a pas le fameux contrôleur Alpin Ridge nécessaire au Thunderbolt 3.
Il est important de comprendre que si le Thunderbolt 3 intègre l'USB 3.1, l'inverse n'est pas vrai. Un périphérique USB 3.1 branché sur un port Thunderbolt 3 fonctionnera. Un périphérique Thunderbolt 3 branché sur un port USB 3.1 ne fonctionnera pas. Les produits et le connecteur Thunderbolt seront reconnaissables à leur logo représentant un éclair.
L'absence de Thunderbolt 3 sur le MacBook de première génération est-elle pour autant un coup dur ? Pas forcément. Bien sûr, on ne se plaindrait pas d'avoir des fonctions en plus si elles étaient là. « Qui peut le plus, peut le moins », comme on dit.
Mais dans le cas du MacBook, le Thunderbolt 3 n'est pas une technologie nécessairement pertinente. Le MacBook Pro 15" avec carte graphique dédiée peine déjà à gérer un écran 5K (il est connecté avec deux câbles Thunderbolt 2). Ce n'est pas avec sa carte graphique intégrée que le MacBook ferait l'affaire.
La rétrocompatibilité avec les deux premières générations de Thunderbolt (avec un adaptateur) est intéressante, mais là encore, le MacBook n'est pas la machine la plus adaptée pour tirer parti des périphériques Thunderbolt qui sont pour la plupart des produits professionnels.
D'ailleurs, Intel présente toujours le Thunderbolt 3 comme une connectique pensée pour la « productivité » (on pourrait aussi traduire « productivity » par « performance »). L'USB va rester la solution la plus répandue pour le grand public, le marché auquel s'adresse le MacBook.
Pour cette raison, on peut penser qu'Apple ne vas pas intégrer immédiatement le Thunderbolt 3 dans toutes ses machines. Autant le Thunderbolt 3 nous paraît quasiment inévitable dans les prochains Mac Pro et MacBook Pro, autant c'est beaucoup moins évident pour le MacBook Air.
Le MacBook Air est en train de devenir le nouveau MacBook Pro 13" non Retina : une machine abordable qui a un pied dans le passé. Il n'a toujours pas d'écran Retina et n'a pas eu droit au trackpad Force Touch lors de la mise à jour printanière. De plus, c'est seulement cette année qu'il est passé au Thunderbolt 2. Si Apple poursuit dans la même voie, il n'aura pas de Thunderbolt 3 lors de son prochain renouvellement.
Quant à l'adoption du Thunderbolt 3 sur le marché du PC, qui est resté hermétique aux deux premières générations, le fait qu'il utilise le connecteur USB-C pourrait faciliter les choses, mais il reste les barrières du coût supplémentaire pour les contrôleurs et du programme de licence très restrictif d'Intel.