« C’est bon de se revoir en personne », répètent les cadres d’Adobe devant la presse réunie à Paris, lors de la deuxième étape de leur première tournée européenne depuis le début de la pandémie de Covid-19. C’est bon de se revoir en personne… pour parler de photographie synthétique, de la version web de Photoshop, et de la création de contenus pour le métavers. Un paradoxe qui n’effraie pas Scott Belsky, chief product officer d’Adobe, qui assure qu’il s’agit du « futur de la créativité ».
Les paradis de la création artificielle
Scott Belsky incarne la politique de Shantanu Narayen, président d’Adobe depuis 2005 et directeur général depuis 2007. L’entreprise acquiert de nouvelles compétences en multipliant les acquisitions, comme celle de la « communauté de créateurs » Behance, fondée par Belsky en 2006. La suite d’applications s’est fondue dans le Creative Cloud, qui a convaincu Belsky de revenir chez Adobe en 2017, alors qu’il semblait se destiner au capital-risque.
« Notre activité a sacrément changé », explique celui qui dirige maintenant le développement des produits de l’entreprise, « beaucoup de nouveaux clients ont des ambitions créatives sans en avoir l’expérience professionnelle ». Les créateurs de contenus qui jonglent avec Google Docs et Tweetdeck avant de lancer Photoshop, les graphistes juniors jetés dans le grand bain par des ESN qui ne veulent plus être des SSII, et les travailleurs indépendants qui sont leurs propres commerciaux posent de nouvelles questions.
Après quelques tâtonnements, Adobe Express propose l’intelligence artificielle comme réponse. « C’est en train de devenir le produit qui croit le plus rapidement », dit Belsky, « c’est vraiment passionnant de voir travailler ces gens qui créent leur petite entreprise, qui utilisent les médias sociaux, les créateurs de contenu, les influenceurs qui veulent créer des choses sans endurer la courbe d’apprentissage d’un produit comme Photoshop. »
Adobe assure que cette « économie des créateurs » acceptera de perdre « un petit peu de contrôle créatif » au profit de « beaucoup de puissance ». Au risque de courir le risque de l’uniformisation d’une production déjà largement industrialisée ? Les filtres neuronaux de Photoshop montrent comment les choix individuels s’effacent devant les préférences collectives, jusqu’à retoucher des visages pour mieux se conformer aux canons de beauté.
Mais après tout, « on pouvait déjà le faire, mais cela prenait beaucoup plus de temps ». L’intelligence artificielle permet de « libérer les professionnels des tâches banales et répétitives », conclut Belsky, qui rêve d’un futur « dans lequel la créativité ressemblera au clavier prédictif de notre téléphone. Nous pourrons observer vos trois ou quatre premières étapes, et vous montrer ce que nous pensons que vous ferez douze étapes plus tard, et pourrez simplement cliquer pour sauter des étapes dans le processus créatif. »
Le futur appartient aux collaborateurs
Ce futur sera aussi collaboratif, martèle Adobe, qui ne peut rien dire d’autre après avoir déboursé 1,275 milliard de dollars pour s’offrir Frame.io. La plateforme de collaboration conçue pour les vidéastes s’intègre toujours dans Final Cut Pro et DaVinci Resolve, mais « forme le cœur des fonctions de collaboration des applications du Creative Cloud », à commencer par After Effects et Premiere Pro. Au lieu d’échanger des messages avec des listes de remarques horodatées, les collaborateurs peuvent commenter directement sur le flux vidéo, et valider les fichiers tout au long du flux de production.