L’annonce du licenciement de 250 personnes par la fondation Mozilla n’est pas seulement une mauvaise nouvelle pour tous les emplois perdus. En abandonnant ainsi un quart de ses effectifs, le créateur de Firefox va perdre beaucoup plus que des employés. C’est toute l’originalité de la fondation et on pourrait dire sa raison d’être qui pourrait désormais être menacée.
On sait que le plan social a touché plus durement les équipes impliquées dans des projets d’avenir, à l’image de celle qui écrivait Servo. Ce moteur de rendu devait être le futur de Mozilla et remplacer à terme Gecko, le moteur actuel de Firefox. C’est un projet ambitieux lancé en 2012 et qui est toujours très loin d’être finalisé, malgré une alpha distribuée depuis 2016. C’est un vrai pari sur l’avenir, avec plusieurs avantages technologiques par rapport aux autres moteurs de rendu, mais également un travail immense à accomplir pour en faire une alternative complète.
C’était aussi probablement un projet coûteux à mener, alors que la fondation essaie de réduire ses dépenses. Cet objectif se retrouve aussi dans les autres projets touchés, dont les MDN web docs, le site de documentation le plus complet à destination des développeurs web. Vous l’avez sûrement croisé si vous avez cherché un jour une explication sur une fonction en HTML ou en CSS, c’est une vraie bible et même si Mozilla assure que le site n’est pas en fin de vie, la réduction des moyens humains aura forcément un impact.
Même ambiance pour les outils de développement de Firefox, qui ne devraient pas disparaître, mais qui ont perdu une partie de leurs développeurs. Ces outils sont parmi les meilleurs pour les créateurs de site web et l’inspecteur web du navigateur de Mozilla fait figure de référence. Même s’ils resteront en place dans le navigateur, pourront-ils garder ce statut de référence avec une équipe réduite ?
D’autres équipes ont été partiellement ou complètement touchées, dont celle qui se charge de la gestion des risques et incidents, celle responsable des relations avec les développeurs web ou encore celle qui gérait le projet WebXR, de la réalité augmentée ou virtuelle dans le navigateur. On ne sait pas encore si Mozilla s’est séparé entièrement de ces branches et projets, ou s’il s’agit « seulement » d’une réduction de leur envergure.
Avec ces changements, Mozilla change de stratégie et s’éloigne des projets de long-terme appelés souvent à devenir des standards du web, au profit d’une approche plus facile à rentabiliser. Ce n’est pas un mystère d’ailleurs, la fondation a justifié le départ de 250 personnes par une quête de rentabilité et la volonté de se concentrer sur des produits commerciaux, dont un VPN. L’objectif est aussi de moins dépendre de Google, qui finance toujours la majorité de ses activités en échange de sa place de moteur de recherche par défaut.
L’accord en cours entre Mozilla et Google ne devrait pas être menacé cette année et ZDnet croit savoir qu’il sera reporté pour trois ans de plus, à raison de 400 à 450 millions de dollars par an. C’est ce qui rend ce plan social aussi difficile à comprendre. Si les comptes n’étaient pas dans un état catastrophique, pourquoi arrêter des projets aussi utiles à l’avenir de la fondation ou au monde du web en général ? À terme, est-ce que Firefox ne sera pas obligé d’abandonner Gecko et d’opter à son tour pour Chromium, le moteur de rendu de Google, comme le prédit l’ancien CEO de Mozilla ?
On n’en est pas encore là, mais le message envoyé par ces départs n’est pas très positif. Des départs qui devraient toutefois faire l’affaire des concurrents de Mozilla et notamment d’Apple, dont les employés ont multiplié les appels sur Twitter pour signaler des opportunités dans de nombreuses équipes. La fondation a aussi ouvert un site pour mettre en avant les profils de ses anciens employés.