Google Chrome a 10 ans, c'est à dire que pour une génération d'utilisateurs qui aujourd'hui découvre peut-être le Mac ou les PC, ce navigateur aura toujours existé. Le 1er septembre 2008, Google signifiait son intention de venir en découdre avec Internet Explorer, Firefox et Safari. Son ambition était illustrée — au sens littéral du terme — dans une bande dessinée.
Google voulait remettre à plat le fonctionnement des navigateurs web et servir de modèle à ses concurrents, à une époque où l'on ne parlait plus seulement de pages web (avec des textes et des images) mais d'applications web (jeux, messageries, vidéos). Google ne vivant que du web et de son évolution technique, le meilleur moyen de la mettre en mouvement et lui faire prendre les directions souhaitées était de créer sa propre planche de surf.
Les maîtres-mots de Google pour Chrome étaient : stabilité, rapidité, sécurité, simplicité et open source (la promesse d'une application qui gère la RAM aux petits oignons a quand même mis du temps à se concrétiser).
Google a pour cela utilisé WebKit, le même moteur d'affichage des pages web qu'Apple avec Safari, qui avait été lui-même emprunté à l'open source. WebKit était par ailleurs déjà mis à profit par l'équipe Android. Google développera en revanche un moteur JavaScript maison — "V8" — pour exécuter ces applications web. En 2013, le moteur de recherche annoncera le lancement de son moteur de rendu, distinct de WebKit : Blink.
Ce n'est qu'en décembre 2009 que Chrome est arrivé sur Mac, avec une bêta. La première version finale sortira en mai 2010, ce qui correspondait à la 4e version côté Windows. Le rythme rapide de sorties des mises à jour fait qu'aujourd'hui Chrome a atteint sa 68e version.
Parti de rien — en termes de parts de marché — Chrome est devenu le navigateur dominant sur les ordinateurs de bureau, s'arrogeant la couronne longtemps portée par Microsoft. D'abord parce qu'il a su jouer de la pesanteur technologique d'Internet Explorer, ensuite grâce à la force d'entrainement de Google — qui est synonyme du web pour certains — et de celle d'Android.
Dans son observation continue des parts de marché des navigateurs, Net MarketShare crédite Google Chrome de 60 % depuis deux ans, IE est à environ 12 %, devant Firefox à presque 11 %, Edge (le successeur de IE apparu avec Windows 10) est à seulement 4 % et Safari à 3,8 %.
Sur mobile, même score pour Chrome (merci Android) et en deuxième place, à presque 27 %, c'est Safari qui récolte les fruits de la popularité d'iOS.
Né simple navigateur web, Chrome est devenu plus tard la charpente qui fait tenir Chrome OS sur les portables de partenaires de Google, de Samsung à Dell en passant par Asus et d'autres fabricants initialement 100 % Windows.
Si Apple était plus souple quant à l'utilisation d'un autre navigateur que Safari sur iPhone et iPad on peut se demander si Chrome ne lui croquerait pas quelques pourcents de parts de marché supplémentaires. Utiliser Chrome ou même Firefox sur iOS reste un parcours semé d'embûches : impossible d'en faire le navigateur par défaut, impossible de forcer l'ouverture de liens ailleurs que dans Safari… Une manière de contenir l'hégémonie de la solution de Google.