Si beaucoup rechignent aujourd'hui à lancer Skype — et encore plus depuis son récent ravalement de façade —, il fut un temps où la messagerie VoIP était à la mode… Aujourd'hui, les solutions pour discuter en ligne sont nombreuses, de Messages à FaceTime, en passant par les messageries de Facebook (Messenger, WhatsApp), Snapchat, Slack, et toutes les autres. Skype a loupé le coche.
Comme AIM1, Skype avait toutes les cartes en main pour devenir la plateforme de communication de référence. Au lieu de cela, on rechigne à l'utiliser… Que s'est-il passé ? Bloomberg retrace le lent déclin du logiciel sur lequel plane l'ombre de Microsoft.
Skype est devenu la propriété de l'éditeur de Windows en 2011 ; Microsoft acquiert le logiciel pour la somme rondelette de 8,5 milliards de dollars, un chèque rempli pour plusieurs fonds d'investissement qui détenaient Skype depuis 2009. Auparavant, l'application appartenait à eBay, qui en 2005 avait mis 2,6 milliards sur la table des fondateurs, Niklas Zennström et Janus Friis.
Cette acquisition par Microsoft repose en grande partie sur la volonté de Steve Ballmer, le CEO de l'époque, de miser sur une marque populaire (devenue un verbe, signe de son succès) et numéro un dans son secteur. Après l'achat, Microsoft n'a pas l'intention de laisser Skype batifoler dans tous les sens.
Le nouveau proprio a une idée en tête : faire du logiciel un incontournable dans les communications en entreprises. Un pari stratégique qui tenait la route à l'époque, d'ailleurs c'était aussi celui de la précédente direction de Skype. Au départ, Ballmer promet de laisser le logiciel opérer en dehors de Lync, la solution « maison » pour la VoIP professionnelle.
Deux ans plus tard, la promesse est jetée au panier : Microsoft fusionne Skype avec Lync, qui devient Skype for Business, et intègre tout cela au chausse-pied dans Office. Cette version business de Skype fait maintenant partie des arguments pour vendre des abonnements à Office 365 (et concurrencer les solutions Cisco).
Skype for Business compte à son actif plusieurs grands comptes, comme GM (220 000 employés utilisent le logiciel), Accenture, SNC Lavalin, des banques… Mais si la déclinaison professionnelle de Skype a trouvé un public, c'est au détriment des utilisateurs lambda. Les entreprises cherchent la sécurité, la fiabilité, la possibilité de passer des appels de groupe.
Le grand public veut également utiliser un logiciel solide, mais les besoins se portent aussi sur la facilité d'emploi et une bonne qualité des appels. Microsoft prend en charge les deux logiciels (Skype et Skype for Business) et les différentes déclinaisons mobiles, mais la technologie est identique d'une mouture à l'autre et surtout, l'éditeur a d'abord en tête les utilisateurs pro.
Le risque était de se détourner de monsieur et madame tout-le-monde, qui ont fait le succès de la plateforme d'échanges : ils en aimaient le côté simple et facile. La concurrence a rattrapé le logiciel de Microsoft, trop occupé à satisfaire sa clientèle d'entreprises. Ironiquement, le ripolinage de l'été dernier visait à remettre Skype dans la roue de Messenger, Snapchat et des autres, en reprenant des idées déjà un peu passées de mode (Stories, stickers sur des vidéos, bulles colorées…).
Lori Wright, la directrice générale de Skype, explique qu'elle s'attendait à ce que ce « changement radical de design » soit mal reçu à son lancement. « Ce que nous voyons désormais, c'est [que les utilisateurs] ne le détestent plus ». On se contente comme on peut ! La dirigeante ne donne malheureusement pas de chiffres. Le plus récent date de 2016, avec un total de 300 millions d'utilisateurs.
Selon d'anciens employés de Microsoft, ce seuil n'avait pas bougé en fin d'année dernière. En comparaison du nombre d'utilisateurs de WhatsApp (1,5 milliard actifs chaque mois), ce n'est tout de même pas glorieux, surtout avec une marque qui était aussi puissante. Microsoft peut certainement se contenter de ses clients d'entreprises (Skype figure d'ailleurs en bonne place dans les éléments marketing de la toute nouvelle Surface Hub 2). Le grand public a lui fait son choix et il n'est pas en faveur de Skype.
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La messagerie d'AOL a définitivement fermé ses portes en décembre dernier. ↩︎