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Test de Shadow, le PC gamer qui vous cloud le bec

Stéphane Moussie

lundi 05 février 2018 à 20:45 • 63

Logiciels

En switchant sur Mac il y a 11 ans, je n’ai pas seulement bazardé mon PC au profit d’un magnifique MacBook Pro, je me suis aussi un peu éloigné du jeu vidéo à mes dépens. Oh, bien sûr, on peut jouer sur Mac, mais avouez que ce n’est pas la meilleure des plateformes pour tout un tas de raisons (coût, puissance, catalogue…).

J’ai continué d’enquiller les heures sur console, mais toujours en regardant avec envie le PC, cette plateforme où les jeux sont en « superior version », moins chers et nombreux, très nombreux. Alors quand une boîte, française de surcroit, annonce qu’il est possible d’avoir un PC à la pointe sans matériel supplémentaire grâce au cloud, ça fait tilt. Voici Shadow.

Here comes a new challenger

Jouer en streaming, puisque c’est de ça qu’il s’agit, n’a rien de nouveau, y compris sur Mac. Au début de cette décennie, OnLive et Gaikai ont tenté de percer avant d’être acquis tous les deux par Sony pour lancer plus tard le PS Now.

Ce qui est nouveau, c’est la liberté et les performances offertes par Shadow. Vous ne louez pas des jeux aux prix fixes sur un catalogue réduit, vous louez un PC haut de gamme complet sur lequel vous installez vos jeux. Blade, la start-up derrière le service, promet en plus que ses composants seront mis à jour au fil du temps pour toujours bénéficier des meilleurs graphismes.

Ce PC, qui coûte à partir de 29,95 €/mois et qui est hébergé dans un centre de données en France, vous pouvez y accéder de n’importe où et avec n’importe quel terminal… ou presque. C’est le principe même de Shadow, pour pouvoir profiter du service, eh bien il faut une connexion internet, et une très bonne connexion de préférence (15 Mbit/s minimum, j’y reviendrai plus tard). Sans ça, pas de Shadow.

Quant aux appareils permettant d’accéder à son PC dans le nuage, ils sont déjà nombreux (clients Windows, Mac, Android et boîtier optionnel pour qui n’aurait pas d’ordinateur), mais il manque encore une application iOS qui ne devrait heureusement plus trop tarder.

I’m a PC

Voici déjà ce que donne Shadow sur Mac. Après l’inscription, on installe le client sur son ordinateur (tous les Mac depuis 2008 sont compatibles). L’application présente la dernière vidéo publiée sur YouTube par le service (je préférerais avoir ici le contenu de la newsletter hebdomadaire, plus informatif), les notes de version, des options et un gros bouton « Démarrer ». Un clic dessus, et voilà qu’une seconde fenêtre s’ouvre (en mode fenêtré ou en plein écran, selon son choix) sur Windows.

Le client Mac.

Au premier lancement, on tombe nez à nez avec le processus de configuration de Windows. On gère en effet la machine de A à Z : mises à jour du système, installation des derniers pilotes graphiques et de logiciels, etc. C’est une machine virtuelle complète exécutée à distance.

De fait, Shadow n’est pas réservé au jeu vidéo. Vous pouvez vous en servir pour tout et n’importe quoi, ce qui est très tentant au vu de sa puissance :

  • processeur Xeon E5–2620 v4 à 4 cœurs (8 threads) cadencés à 2,1 GHz
  • carte graphique Nvidia Quadro équivalente à une GeForce GTX 1080
  • 12 Go de RAM
  • SSD 256 Go (230 Go réellement utilisables)
  • Windows 10 Home Edition

Sur Geekbench 4, par rapport à mon MacBook Pro 2016 i5 à 2,9 GHz, les performances du Shadow en single-core sont inférieures en raison de sa fréquence beaucoup moins élevée (4 150 points contre 2 551), mais mon Mac fait moins bien en multi-core à cause de son nombre inférieur de cœurs (8 231 points contre 9 040).

En mode fenêtré.

Le Shadow brille surtout dans les performances graphiques, évidemment le plus important pour une machine de jeu. Il fait 181 190 points sur le test OpenCL de Geekbench, ce qui équivaut bien à une GeForce GTX 1080.

Faute de GPU dédié, mon MacBook Pro est ridicule à côté avec ses 28 307 points. La comparaison est plus pertinente avec un iMac. La Radeon Pro 580 de l’iMac 5K haut de gamme fait environ 115 000 points. Quant à la Vega 56 de l’iMac Pro, elle réalise autour de 160 000 points. Cruel pour le Mac.

Le Shadow présente donc un intérêt pour ceux qui utilisent des logiciels tirant parti du GPU… mais n’allez pas miner des cryptomonnaies avec. Blade interdit cet usage « qui dégrade énormément le matériel et consomme beaucoup d’électricité. » La start-up déconseille aussi les opérations suivantes pour des raisons assez évidentes : modification du BIOS, changement dans le registre Windows (attention à CCleaner), overclocking, éjection des composants, utilisation d’un VPN ou encore téléchargement de contenus illégaux.

En mode plein écran.

En dehors de ça, vous pouvez tout faire. Mais sachez qu’il n’y a pas de passerelles à l’heure actuelle entre macOS et le Shadow. Il n’est pas possible de faire des copier-coller ou des glisser-déposer entre les deux systèmes, il n’y a pas de gestion du multi-écran, et la plupart des périphériques USB branchés au Mac ne sont pas reconnus par la machine virtuelle (le boîtier optionnel gère mieux ce cas de figure). Le Shadow est hermétique à macOS.

Ce n’est pas excessivement grave étant donné que l’usage principal est le jeu, mais ne louez pas un Shadow en espérant avoir une intégration aussi poussée qu’une virtualisation en local avec Parallels ou VMware. Blade prévoit toutefois d’améliorer ça dans le futur. Pouvoir augmenter la capacité de stockage fait également partie de la feuille de route.

Game on !

En jeu, alors, qu’est-ce que ça donne ? Avant de répondre à cette question, un point indispensable sur la connexion internet requise. Pour une bonne qualité de service, Blade conseille une connexion d’au moins 15 Mbit/s. En théorie, une bonne ligne ADSL peut donc convenir, mais si elle fait juste 15 Mbit/s ou pas beaucoup plus, cela risque d’être insuffisant si plusieurs personnes la partagent.

Le mieux, c’est évidemment d’avoir la fibre. Ça tombe bien, c’est ce que j’ai ici à Lyon, à la maison comme à la rédaction (Bouygues Telecom 1 Gbit/s dans le premier cas et SFR 1 Gbit/s dans le second).

Une partie de la consommation de données de Shadow en un mois. Abonnement internet illimité obligatoire.

Le ping, c’est-à-dire le temps nécessaire à un petit paquet de données pour effectuer un aller-retour entre l’ordinateur et le serveur, est aussi déterminant pour une bonne qualité de service. Un ping élevé est synonyme de latence importante, ce qui revient à ruiner l’utilisation du Shadow — à ce sujet, vous vous souvenez de l’« option joueur » de Wanadoo qui permettait d’avoir un ping compris entre 15 et 30 ms pour 1,5 €/mois ? Avec la fibre, là encore, pas de problème de ping. Enfin, toujours pour des questions de latence, il est préférable d’être raccordé en Ethernet plutôt qu’en Wi-Fi.

En bref, les conditions d’utilisation du Shadow sont ici idéales. En avant toute avec un FPS nerveux, Doom (la version de 2016, hein). Concernant la qualité graphique en Full HD, avec toutes les options graphiques à fond, le jeu tourne sans problème à 60 i/s constant. Ce n’est pas une surprise au vu du matériel, mais ça fait bizarre au début de voir ça sur l’écran de mon MacBook Pro.

Doom.

D’autant plus que le Mac ne moufte pas (le client ne consomme pas plus de 20 % de CPU et 300 Mo de RAM). C’est normal, me direz-vous, puisque mon ordinateur ne reçoit finalement qu’une vidéo de ce que le Shadow calcule à distance, mais c’est bluffant. Car outre des graphismes à la pointe, la réactivité promise par Blade est bel et bien là. J’ai l’impression que Doom est exécuté en local tant il répond bien et que l’image est propre. En clair, je ne vois ni latence ni compression vidéo.

Y a-t-il véritablement « zéro latence » comme l’indique Blade sur la page d’accueil de son site ? Non, c’est impossible du moment que les données doivent faire du chemin. Blade nuance d’ailleurs son propos dans sa FAQ où il est question de « latences imperceptibles à l’œil nu. » Il y a un an, alors que Shadow était encore en bêta, le site spécialisé NoFrag avait mesuré un délai supplémentaire de 29 ms par rapport à un PC local, soit une latence effectivement négligeable.

C’est la même chose avec la qualité vidéo en fait. En comparant attentivement des captures d’écran d’un jeu exécuté en local puis sur le Shadow, on se rend compte que l’image du Shadow est un petit peu plus terne et moins précise. Mais sans élément de comparaison immédiat et dans le feu de l’action, je ne fais franchement pas la différence entre les deux.

Le service gère dynamiquement la compression vidéo en fonction de la bande passante disponible, mais on peut aussi définir manuellement le niveau suivant six paliers allant de 5 à 50 Mbit/s. Cette option est disponible dans la Touch Bar du MacBook Pro, tout comme le mode plein écran, le mode « gamer » qui empêche le curseur de sortir de la fenêtre et le redémarrage. Une utilisation très pertinente de la Touch Bar.

Hitman.

Deuxième test avec Hitman (la version de 2016 également, hein). Le jeu est disponible sur Mac, mais mon MacBook Pro n’est pas capable de le faire tourner joliment à 60 i/s, contrairement au Shadow. Hitman permet de m’assurer que la DualShock 4, gérée nativement par macOS, est également prise en charge par la machine virtuelle.

À ce sujet, les souris connectées au Mac sont aussi prises en charge par le Shadow, mais de façon partielle uniquement. Tous les boutons sont reconnus, mais les options avancées proposées par les fabricants dans leur logiciel (SteelSeries Engine dans mon cas) ne sont pas exploitables. La gestion complète fait partie des évolutions promises par Blade.

Je ne vais pas faire un compte-rendu pour tous les jeux ou démos que j’ai lancé pour tester qui les graphismes (Wolfenstein II, Prey, Project Cars 2…), qui la réactivité (Counter-Strike : Source, Super Meat Boy…), ou simplement par plaisir (PUBG). La conclusion est la même pour tous : on peut jouer de façon fluide et réactive avec les graphismes à fond en 1080p. Dans les jeux multi, à mon niveau de joueur amateur, je ne me suis pas senti handicapé par le Shadow.

PUBG.

Faute de matériel, je n’ai pas pu tester la 4K 60 Hz, et encore moins le 1080p 144 Hz qui est réservé pour le moment au boîtier optionnel. Les différents clients n’avancent en effet pas au même rythme, et le client Mac est apparemment le dernier servi.

L’utilisation générale est d’ailleurs un peu gâchée par l’instabilité du client. En faisant des va-et-vient entre macOS et le Shadow, il arrive régulièrement que le curseur disparaisse de Windows, obligeant à redémarrer le streaming. J’ai aussi subi quelques rares fermetures inopinées de la fenêtre du streaming et ralentissements importants en cours de jeu.

Un mot quand même sur l’utilisation avec une connexion autre que fibre optique. En ADSL 8 Mbit/s, soit deux fois moins que le débit minimum conseillé, la compression vidéo est très marquée et la latence perceptible. C’est clairement insuffisant pour profiter convenablement du service. Blade cherche à améliorer la qualité sur les connexions les plus faibles avec l’utilisation du codec HEVC/H.265 (en bêta actuellement).

Project Cars 2 avec une connexion ADSL 8 Mbit/s.

Jeu de plateformes

En attendant le client iOS, j’ai essayé Shadow sur Android. Sans surprise, Windows 10 sur un Galaxy S8+, c’est inutilisable tel quel. On peut toutefois imaginer arranger ça à l’aide de logiciels transformant le PC en media center adapté au tactile.

Le principal intérêt reste de toute manière le jeu vidéo. À condition d’avoir une excellente connexion 4G et une manette, on peut transformer son smartphone en console portable. Autre possibilité : brancher le smartphone à un téléviseur pour jouer sur grand écran.

Si vous avez une box Android TV, vous pouvez même installer le client Shadow directement dessus. L’application ne figure pas sur le Play Store d’Android TV, mais vous pouvez l’installer en passant par la boutique web (connectez vous et sélectionnez votre appareil).

C’est ce que j’ai fait avec la Bbox Miami… qui est définitivement médiocre. En dépit du jumelage réussi d’un clavier Apple Bluetooth, impossible de faire fonctionner celui-ci sur le boîtier. Quant aux manettes connectées, si elles sont effectivement gérées, c’est avec une latence de plus d’une seconde qui les rend inutilisables, et ce en Bluetooth comme en USB.

Aucun souci en revanche avec une Shield TV : tous les périphériques sont correctement pris en charge. C’est finalement avec cet appareil que j’ai le plus utilisé le Shadow, aussi bien pour les FPS avec le combo clavier-souris sur la table basse, que pour les autres jeux avec la manette dans le canapé.

La bonne nouvelle pour les possesseurs d’Apple TV, c’est que Blade prévoit un client tvOS. La mauvaise, c’est que ce n’est pas pour tout de suite, l’équipe doit déjà sortir la version iOS.

Pour conclure

Si, comme moi, vous salivez sur le PC comme plateforme de jeu, mais qu’il n’est pas question d’investir dans une grosse tour, Shadow est la solution idéale… à condition d’avoir la fibre.

Si ce prérequis est rempli, l’expérience est bluffante ; à partir du moment où l’on clique sur le bouton « Démarrer », le Mac se transforme ni vu ni connu en un PC de compétition capable de faire tourner tous les jeux au max.

Et l’on n’a pas l’impression de jouer à un jeu exécuté sur une machine située à plusieurs centaines de kilomètres de soi. La qualité vidéo et la réactivité sont suffisamment bonnes pour faire illusion. Illusion qui disparaît tristement quand s’invitent des bugs, pas trop nombreux heureusement, mais tout de même fâcheux maintenant que le service est officiellement ouvert.

Shadow est encore perfectible en effet, en particulier pour les utilisateurs Apple qui sont en droit d’attendre un client Mac plus complet et plus fiable ainsi que des applications iOS et tvOS.

Reste la question du prix. À 29,95 €/mois avec engagement d’un an (ou 34,95 €/mois avec engagement de trois mois, ou 44,95 € juste un mois), Shadow coûte deux à trois fois plus cher que les abonnements qu’on a déjà tous (Spotify, Netflix, iCloud…), sans compter qu’il faut acheter les jeux à côté. Mais en même temps, si vous rapportez ça au prix d’un PC puissant, ou même d’une GTX 1080 seule (minimum 650 €), ça n’apparaît plus si cher que ça…

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