Deux pour le prix d’un, ce pourrait être le slogan d’Adobe cette année à propos de Lightroom. Le logiciel professionnel se dédouble en effet pour proposer une nouvelle manière de gérer vos clichés.
Adobe marche sur les plates-bandes de la photothèque iCloud avec Lightroom CC, un nouveau service (accompagné d’une nouvelle application) qui héberge toutes vos photos dans le nuage et les synchronise sur tous vos appareils.
Le Lightroom tel que vous le connaissez ne disparaît pas pour autant. Rebaptisé Lightroom Classic CC, il évolue en douceur et devient désormais indissociable du Creative Cloud.
Lightroom Classic CC (Lightroom 7)
Autant commencer par ce qui fâche : Adobe ne laisse plus le choix entre licence perpétuelle et abonnement au Creative Cloud pour le successeur de Lightroom 6. Si vous voulez utiliser Lightroom 7 (autrement appelé Lightroom Classic CC), il faut vous abonner au Creative Cloud.
Lightroom était jusqu’à aujourd’hui le seul logiciel d’Adobe à être encore disponible en licence perpétuelle. Mais des signaux avant-coureurs avaient été envoyés : les dernières nouveautés de Lightroom 6.x étaient déjà réservées aux abonnés Creative Cloud.
L’éditeur, qui enchaîne les excellents résultats financiers grâce aux abonnements, fait néanmoins preuve d’une certaine mansuétude à l’égard des photographes. Alors que les graphistes doivent payer 23,99 €/mois pour Illustrator et les maquettistes le même prix pour InDesign, les photographes disposent toujours d’une formule dédiée à 11,99 €/mois qui comprend Photoshop CC en plus de Lightroom.
Et si vraiment l’abonnement au Creative Cloud ne vous convient pas, sachez que Lightroom 6 restera en vente pour une durée indéterminée. Mais sachez aussi que son support s’arrêtera à la fin de l’année. Cette version ne recevra plus de mise à jour à partir de janvier 2018, ce qui signifie que les bugs ne seront plus corrigés et que les nouveaux appareils photo ne seront pas gérés.
Sur le long terme, Lightroom 7 — et son abonnement à 11,99 €/mois — est donc l’unique solution viable… À moins bien sûr de passer à la concurrence. Mais au fait, il y a quoi dans cette nouvelle version ?
Un regain de performances
Lightroom 7, c’est avant tout la mise à jour qui améliore les performances. Adobe répond enfin aux critiques sur la lenteur de son logiciel en accélérant spécifiquement les opérations suivantes :
- lancement de l’application ;
- génération des aperçus ;
- importation avec l’option « fichier annexe incorporé » pour les aperçus ;
- passage du module Bibliothèque au module Développement ;
- pinceau de retouche.
L’éditeur ne chiffre pas ce gain de performances, comme il le fait parfois quand l’amélioration est annoncée comme significative. Sur un MacBook Pro 13" 2016 (Core i5 2,9 GHz, 8 Go de RAM) et un catalogue de près de 20 000 photos, nous avons constaté un peu plus de réactivité en utilisation courante : le lancement de l’application est effectivement un peu moins long (6 secondes contre 8) et le passage de la Bibliothèque au Développement un peu plus rapide.
L’accélération de la génération des aperçus dépend du type de fichiers RAW. Autant le gain est nul avec les RAW d’un hybride Olympus, autant il est significatif avec ceux plus gros d’un Canon 5D Mark IV (aperçus créés environ 30 % plus rapidement). À ce sujet, les aperçus sont maintenant générés en parallèle de la copie des fichiers (on peut rétablir l’ancien comportement si on le souhaite dans l’onglet Performances des Préférences).
Adobe ne le mentionne pas, mais nous avons remarqué une très nette optimisation de la fonction de reconnaissance faciale. Si vous aviez le malheur d’activer cette fonction sur une large collection de photos, Lightroom 6 pédalait dans la semoule pendant de très longues secondes. Ce n’est plus le cas avec la nouvelle version.
Lightroom 7 est globalement plus réactif que son prédécesseur, mais tous les utilisateurs ne le ressentiront pas de la même manière et l’éditeur reconnaît qu’il y a toujours un « gros travail » d’optimisation à faire. C’est notamment le cas de l’utilisation sur les machines les plus puissantes et les moniteurs ultra haute définition. Si vous travaillez sur écran 4K ou 5K, ce sont 2 Go de mémoire vidéo qui sont actuellement recommandés, plutôt qu’un.
Quelques améliorations fonctionnelles
Sur le plan fonctionnel, les nouveautés ne se bousculent pas. L’outil filtre gradué devient plus précis grâce à une option de masque de gamme. Après avoir placé le filtre, vous pouvez sélectionner une couleur avec la pipette ou une gamme de luminance sur laquelle appliquer exclusivement l’effet. C’est très pratique pour retoucher un ciel sans affecter les éléments à l’avant-plan, par exemple. Il était déjà possible d’utiliser le pinceau combiné à la touche ⌥ pour cela, mais la nouvelle option facilite l’opération.
Les autres nouveautés sont l’amélioration de la réduction du bruit quand on utilise le masquage automatique, la possibilité de filtrer par type de fichier dans la fenêtre d’import et deux critères supplémentaires pour les collections dynamiques (texte est vide/pas vide et profil de correction de l’objectif).
Lightroom CC (ex-Project Nimbus)
On l’a dit en introduction, il n’y a pas un Lightroom cette année, mais deux. Le Project Nimbus qui avait été dévoilé en partie il y a un an est maintenant finalisé et s’appelle Lightroom CC. Il s’agit d’un service de photos dans le nuage qui s’adresse à un public plus large que Lightroom Classic CC.
Schématiquement, Lightroom CC est la photothèque iCloud ou le Google Photos d’Adobe. Toutes vos photos sont stockées dans le nuage et synchronisées sur tous vos appareils (Mac, PC, iOS, Android, web, Apple TV). Sur Mac et PC, ce n’est pas Lightroom Classic CC qu’il faut ouvrir pour utiliser le service, mais une nouvelle application baptisée Lightroom CC.
Pourquoi une nouvelle app alors que toutes vos photos sont déjà dans Lightroom Classic CC ? Parce qu’Adobe a voulu partir sur une nouvelle base plus optimisée, plus accessible et plus cohérente sur tous les terminaux. C’est ce qu’Apple avait fait en remplaçant iPhoto par Photos, sauf qu’ici le Lightroom « classique » reste disponible.
Selon les formules, Lightroom CC propose 20 Go (abonnement Creative Cloud pour la Photo à 11,99 €/mois) ou 1 To de stockage (abonnement à 23,99 €/mois avec Lightroom Classic CC et Photoshop CC ou abonnement à 11,99 €/mois sans les autres apps).
Une service dans le nuage qui s’appuie sur des applications natives
Lightroom CC est une application indépendante de Lightroom Classic CC. Au démarrage, cette nouvelle app est vide. Vous pouvez choisir de migrer l’intégralité de votre catalogue Lightroom Classic CC (et ainsi synchroniser vos photos entre les deux apps, on y reviendra), ou sélectionner manuellement les photos que vous voulez synchroniser.
Les originaux (y compris les RAW) sont stockés dans le nuage, et en local ce sont des aperçus dynamiques qui sont enregistrés. Ainsi, la capacité de stockage de votre SSD n’est plus un problème. Adobe offre un peu plus de latitude qu’Apple puisque vous pouvez définir vous-même le pourcentage d’espace disque disponible que vous accordez aux aperçus. Si la place n’est pas un souci, une option permet de stocker en local une copie de tous les originaux (il est aussi possible de faire du cas par cas).
Vous pouvez travailler hors ligne sur les aperçus dynamiques. Les modifications sont simplement synchronisées quand vous vous connectez de nouveau à Internet. Comme les autres logiciels du Creative Cloud, Lightroom CC demande simplement que vous vous connectiez au moins une fois tous les 99 jours pour vérifier l’abonnement. Il y a tout de même une fonction qui passe à la trappe quand vous êtes hors ligne, on y reviendra plus tard…
Si vous mettez fin à votre abonnement Lightroom CC, vous pouvez toujours lancer l’application pour télécharger tous vos originaux. Un an après la fin de l’abonnement, Adobe supprime les photos de ses serveurs.
Une toute nouvelle application de bureau
À part le nom, Lightroom CC n’a rien à voir avec Lightroom Classic CC. La nouvelle application est beaucoup plus simple, et cultive cet aspect en affichant des messages explicatifs lors de la première utilisation ainsi que lorsqu'on laisse le curseur quelques secondes sur un outil.
Lightroom CC se concentre sur l’essentiel : il n’y a pas de module d’impression, ni de création de livres, ni de diaporama, ni de nombreuses options. Le catalogage et l’édition s’exécutent dans le même espace. On passe de l’un à l’autre par le biais de panneaux rétractables. C’est efficace, même s’il y aurait matière à optimiser l’occupation de l’espace (les deux boutons à gauche ont-ils vraiment besoin d’une barre occupant toute la longueur ?).
En termes de fonctionnalités, Lightroom CC est à mi-chemin entre Photos et Lightroom Classic CC. Par rapport au premier, la nouvelle application d’Adobe propose des outils en plus (réduction du voile atmosphérique, suppression des éléments indésirables, dégradés, correction de la perspective, paramètres prédéfinis…). Par rapport au second, on perd des fonctionnalités avancées, comme les instantanés, les collections dynamiques, les mots-clés parents (tous les mots-clés sont au même niveau) et les modules externes.
Symbole de l’aspect plus grand public de Lightroom CC — même si c’est aussi utile pour les professionnels —, il n’est pas nécessaire d’attribuer des mots-clés à ses photos, les objets et scènes sont automatiquement reconnus par Adobe Sensei, la technologie d’apprentissage automatique de l’éditeur. Nos essais se sont révélés concluants dans l’ensemble ; des recherches sur « statue », « mer », « château », « ordinateur », « guitare » ou encore « enfants » ont donné des résultats satisfaisants, même si pas parfaits.
Par contre cette recherche intelligente a un défaut : elle ne fonctionne pas sans internet. Google Photos a la même limitation, mais pas l’application Photos d’Apple qui sait toujours reconnaître les objets hors ligne. Les mots-clés attribués manuellement ne sont donc pas totalement dépassés. Les filtres sont sinon toujours présents pour retrouver des photos répondant à un ou plusieurs critères (note, drapeau, mot-clé, appareil photo, géolocalisation).
Lightroom CC a d’autres lacunes : il ne propose ni carte géographique ni reconnaissance faciale contrairement à ses rivaux. Il est aussi en retrait en matière de partage puisque seul l’export vers Facebook est disponible (ou alors il faut utiliser la web app pour partager une collection ou bien créer une galerie publique).
La collaboration entre Lightroom CC et Lightroom Classic CC
Bien que Lightroom CC soit une application indépendante, elle peut fonctionner de concert avec Lightroom Classic CC. Vous pouvez synchroniser vos photos entre les deux logiciels ; si vous importez de nouvelles photos dans Lightroom CC, les originaux sont synchronisés dans Lightroom Classic CC. Il en va de même pour les modifications réalisées depuis Lightroom CC : elles sont toutes répercutées dans l’autre logiciel, à l’exception des mots-clés.
Lightroom CC permet aussi d’ouvrir les images dans Photoshop CC pour effectuer des changements spécifiques. L’application prend en charge les mêmes fichiers RAW que Lightroom Classic CC et Camera RAW.
Une application iOS cohérente
Lightroom CC ne serait pas pertinent sans applications mobiles associées. Le service doit en effet vous donner accès à toutes vos photos sur tous vos appareils. Mais il doit aussi vous permettre de retoucher et gérer vos photos en mobilité sans compromis.
La mission est respectée, à un détail près. Les applications iPhone et iPad sont de bonnes adaptations de l’application Mac (à moins que ce ne soit l’inverse) qui permettent d’en faire quasiment autant que sur bureau. Il manque uniquement la correction de la géométrie et les paramètres prédéfinis personnalisés, si nous avons bien fait nos comptes.
Lightroom CC sur iPhone et iPad permet d’importer des images depuis la Pellicule et de prendre directement des photos. Son appareil photo sait enregistrer en RAW (DNG) et dispose d’un mode « professionnel » pour gérer manuellement divers paramètres.
Lightroom CC prend en compte plusieurs nouveautés d’iOS 11, dont Fichiers (export vers cette app et bientôt import) et l’ajout d’images depuis d’autres apps par le biais d’un glisser-déposer. En revanche la version iPad n’est pas compatible Split View, ce qui est inexcusable aujourd’hui.
Mais le plus embêtant, c’est la façon dont sont gérés les aperçus sans connexion. Contrairement au Mac où tous les aperçus sont modifiables hors ligne, ce n’est pas le cas sur iOS. Par défaut, l’application mobile ne télécharge que des vignettes non modifiables. Il faut ouvrir individuellement les photos pour que l’aperçu dynamique (ou le fichier original si on le souhaite) et modifiable soit téléchargé.
Le choix d’Adobe permet certes de ne pas saturer le stockage du terminal mobile et d’accélérer la synchronisation pour une simple consultation, mais cela peut compliquer le travail d’édition dans certains cas. Une option pour télécharger automatiquement les aperçus dynamiques serait la bienvenue. Évidemment, les photos qui sont importées directement sur l’iPhone/iPad (via l’appareil photo ou une carte SD) peuvent être éditées immédiatement hors ligne.
Web, Android, Windows, Apple TV
Outre des outils avancés exclusifs, Lightroom CC se distingue de la photothèque iCloud par son caractère multiplateforme. Certes, le service d’Apple est accessible sur Windows et Android par l’intermédiaire d’une web app, mais ce n’est pas aussi complet et commode qu’une application native. Nous n’avons pas essayé les versions Windows et Android de Lightroom CC, mais elles sont censées être identiques aux versions Mac et iOS.
Lightroom CC est également disponible sur le web, où sont d’ailleurs expérimentées de nouvelles fonctionnalités, comme la reconnaissance automatique de la « meilleure photo » parmi un groupe de clichés similaires. C’est aussi la version web qui est mise à profit pour partager ses photos autrement que sur Facebook.
Par ailleurs, l’application Lightroom sur Apple TV a été mise à jour pour prendre en compte le mode sombre de tvOS, pouvoir lire les vidéos et faire défiler plus rapidement les grandes collections.
Pour conclure
En dédoublant son logiciel de photographie, Adobe ménage la chèvre et le chou. Les photographes attachés à leur flux de travail de bureau ne sont pas bousculés avec Lightroom Classic CC, une mise à jour apportant une optimisation des performances plus que bienvenue, même s’il reste encore une marge de progression. Enfin, pas bousculés à condition de ne pas être opposés au Creative Cloud. Lightroom 7 signe en effet la fin de la licence perpétuelle, une issue inéluctable au vu de l’appétit d’Adobe pour le modèle de l’abonnement.
Lightroom CC est quant à lui un service qui parvient à se distinguer suffisamment de la concurrence pour être pertinent. Si vous êtes satisfait de la photothèque iCloud ou de Google Photos, il n’y a pas de raison de passer au service d’Adobe, mais si vous êtes à la recherche d’une solution plus puissante et multiplateforme, Lightroom CC est très prometteur à défaut d’être complet.
Les abonnements disponibles sont les suivants :
- Creative Cloud pour la Photo à 11,99 €/mois : Lightroom CC + Lightroom Classic + Photoshop CC + 20 Go de stockage
- Creative Cloud pour la Photo à 23,99 €/mois : Lightroom CC + Lightroom Classic + Photoshop CC + 1 To de stockage (promotion à 17,99 €/mois pendant un an pour les clients actuels)
- Lightroom CC seul avec 1 To de stockage à 11,99 €/mois
On peut acheter du stockage en plus si besoin (9,99 $/mois le To supplémentaire). Il y a une quatrième formule plus anecdotique qui comprend uniquement les applications mobiles et 100 Go de stockage à 4,99 $/mois.
Le tarif de Lightroom CC seul est un peu plus cher que la concurrence. 1 To de stockage sur Google Drive (qui peut servir pour d’autres choses que des photos) coûte 9,99 €. Chez Apple, on a 2 To de stockage sur iCloud pour 9,99 €. On regrette surtout qu’Adobe ne propose pas de formule intermédiaire, par exemple 500 Go pour moitié moins cher.
Les 20 Go offerts dans le cadre du Creative Cloud pour la Photo à 11,99 €/mois permettent uniquement de tester le service ou d’en faire une solution de synchronisation d’appoint. Le photographe qui veut exploiter à fond Lightroom CC sans lâcher Lightroom Classic CC devra se tourner vers l’offre supérieure à 23,99 €/mois. C’est malin de la part d’Adobe…
Dans tous les cas, Lightroom CC ne marque pas la fin du Lightroom classique. L’éditeur s’engage à continuer de développer Lightroom Classic CC aux côtés de Lightroom CC. Espérons que le premier bénéficie des avancées du second en matière d’intelligence artificielle.