« On s’est aperçu que Google Maps mentait. » Jean-Christophe Victor, créateur de l’excellente émission Le dessous des cartes, soulève un aspect méconnu de Google Maps dans une interview à Libération à l’occasion de la sortie d’un atlas sur l’Asie.
« Un pays s’exprime par le positionnement de ses frontières, qui peuvent être stables ou bien en litige. […] Or, Google Maps a choisi de ne pas prendre la référence internationale, que sont les cartes des Nations unies, et de s’adapter à la vision de chaque partie », indique le spécialiste en géopolitique qui a consacré une émission sur le sujet en septembre dernier.
Dans certains pays, dont la Chine, Google est contraint de suivre les lois locales sur la représentation des frontières, sous peine d’action en justice… et de mauvaise affaire commerciale. Ainsi, les utilisateurs chinois de Google Maps voient Taïwan comme une province chinoise, alors que la version internationale du service présente l’île comme un État souverain.
Dans les autres pays où la représentation des frontières est libre, Google a fait le choix d’adapter ses cartes au cas par cas, pays par pays. Dans son émission, Jean-Christophe Victor prend l’exemple éloquent de la Crimée, qui a fait l’objet d’une lutte entre l’Ukraine et la Russie ces dernières années. Pour les utilisateurs ukrainiens de Google Maps, la péninsule est toujours incorporée au territoire ukrainien, mais pour les utilisateurs russes, elle fait partie de la Russie.
Et les autres services, comment font-ils ? Sur Bing Maps, la Crimée fait partie de l’Ukraine (il y a une ligne continue noire entre elle et la Russie), que l’on consulte le service depuis l’Ukraine ou la Russie. Contrairement à Google, Microsoft suit en effet les frontières établies par la Cour internationale de justice ou les Nations Unies. Or, dans le cas présent, l’ONU a voté en 2014 une résolution rappelant son attachement à l’intégrité territoriale de l’Ukraine.
Le dessous des cartes ne mentionne pas Plans, mais il suffit d’ouvrir l’application pour voir qu’Apple n’a tracé aucune ligne entre la Crimée et la Russie et qu’il n’y en a pas non plus avec le reste de l’Ukraine (en tout cas dans la version française). En zoomant un peu plus, on peut faire apparaître une frontière, mais c’est celle des régions de l’Ukraine. En ce qui concerne la Chine, Apple se plie sans nul doute à la représentation locale des frontières, d’autant que l’entreprise qui lui fournit les données de l’Empire du Milieu, AutoNavi, basée à Pékin, est la même que celle qui fournit Google.
Le numéro du Dessous des cartes sur Google Maps, baptisé « Révolution cartographique ? », est disponible en VOD sur le site d’Arte.
Mise à jour le 29 décembre : Triste coïncidence du calendrier, Jean-Christophe Victor est décédé brutalement dans la nuit du 27 au 28 décembre à 69 ans.