Pendant longtemps, Apple a proposé au grand public la meilleure option pour gérer ses photos, peut-être même la seule. Avec la suite iLife et en particulier iPhoto, le constructeur avait réuni tous les composants nécessaires pour gérer ses clichés. Du déchargement de l’appareil photo jusqu’à leur exportation sur papier, internet ou DVD, en passant par la gestion des images, avec mots-clés et dossiers intelligents, iPhoto était complet.
À sa sortie, c’était un outil vraiment novateur par sa simplicité d’utilisation. En masquant totalement la gestion des fichiers et en regroupant toutes les photos en un même endroit, Apple a offert à la majorité la possibilité de gérer facilement ses photos à l’ère du numérique. Une belle performance, qui a fait la réputation de l’entreprise pendant toutes les années 2000 : avec son hub numérique, Apple proposait ce qui se faisait de mieux à l’époque.
14 ans après la sortie de la première version d’iPhoto, ce logiciel renommé « Photos » n’a plus autant la cote, parce que les usages ont changé et aussi parce que les ordinateurs ne jouent plus forcément le rôle de hub. Ce n’est pas qu’Apple est totalement passée à côté de ce changement, pas du tout. Avec la photothèque iCloud et l'application Photos disponible sur toutes ses plateformes, la Pomme a fait du « cloud » le cœur de la gestion des photos. Mais est-elle allée assez loin dans cette transition ?
L'entreprise a perdu son statut de solution par excellence pour gérer ses photos. À tel point que, même quand on utilise uniquement des produits conçus par ses soins, on peut privilégier ce qui se fait ailleurs. Ainsi, la question se pose : Apple a-t-elle encore sa place pour gérer nos photos ? L’entreprise est-elle passée à côté d’une nouvelle manière de gérer sa photothèque ?
Photos à l’heure d’iCloud
iPhoto était la solution idéale à une époque où l’on utilisait surtout des ordinateurs fixes et largement déconnectés. Avec la démocratisation de l’internet puis de l’informatique mobile, la gestion des photos s’est déportée sur les smartphones et les tablettes. Apple a mis un petit peu de temps pour changer de modèle (qui se souvient du flux de photos limité aux 1 000 dernières images au début d’iCloud ?), mais c’est désormais bien le cas : la gestion des photos est pensée autour du cloud avant tout.
Le hub numérique n’est plus le Mac, c’est désormais iCloud. Sur tous les appareils vendus par Apple, Photos en prend acte et incite fortement l’utilisateur à activer le service associé qui est payant au-delà des 5 petits Go de base. Il faut compter 0,99 € par mois pour 50 Go de stockage, avec deux offres supérieures (200 Go pour 2,99 € et 1 To pour 9,99 € par mois), pour stocker ses photos et ses vidéos (et d'autres données si on le souhaite) sur les serveurs d'Apple.
En activant iCloud, l’application sur votre Mac, iPhone ou iPad ne sera plus qu’une copie du serveur et elle se mettra à jour en fonction. Par défaut, les appareils continuent à télécharger tous les originaux en local, mais quand la place vient à manquer, on peut optimiser le stockage local. Dans ce cas de figure, on ne conserve que des vignettes des photos et les fichiers complets ne sont chargés depuis le serveur qu’à la demande.
Ainsi, la photothèque iCloud ne se contente pas de transférer les fichiers sur un serveur, elle maintient toutes les données dans le même état. Albums, modifications sur les photos… tout ce que vous faites sur un appareil est synchronisé avec les autres appareils associés au même compte iCloud. Pour le reste, les applications n’ont pas vraiment évolué : on peut toujours organiser les photos par albums, trouver une image, créer des diaporamas et même des livres.
Au fond, sur beaucoup de points, la gestion des photos proposée par Apple n’a pas changé depuis 2002 et c’est peut-être le problème.
Google Photos va beaucoup plus loin
Pour comprendre ce qui ne va pas avec la gestion des photos proposée par Apple, le mieux est d’aller voir ce qui se fait chez la concurrence. Et depuis un an, le concurrent en vue, c’est Google Photos. Relancé à l'occasion de la Google I/O 2015, ce service propose non seulement de stocker toutes vos photos et vidéos gratuitement, mais il exploite en outre la puissance des serveurs de Google pour proposer des fonctions novatrices et vraiment utiles.
Le stockage illimité et gratuit est probablement le plus gros point fort de Google Photos, même s’il convient de rappeler la nuance qui a son importance. Quand on ne paye pas, le géant de la recherche ne stocke que des copies optimisées des médias, pas les fichiers originaux. Ces copies sont limitées à 16 mégapixels, et même pour les appareils photo qui sont sous cette limite (c’est le cas des iPhone), les fichiers sont optimisés pour réduire leur taille.
Cette limite n’est vraiment pas un problème pour stocker des photos de famille. Google applique un traitement qui n’est pas destructeur, en tout cas pas à l’œil nu et la différence est imperceptible dans l’écrasante majorité des cas. Néanmoins, c’est un problème si on veut une sauvegarde parfaite de ses photos et il faudra alors payer pour le faire avec Google Photos. Les tarifs ne sont pas plus intéressants que ceux d’Apple et sans doute pires dans la majorité des cas, puisqu’il n’y a aucune option entre 100 Go et 1 To.
Sans jamais payer, Google Photos permet quand même de stocker toutes les photos et toutes les vidéos que vous prendrez avec vos smartphones, mais aussi toutes celles que vous mettrez en ligne manuellement. Il n’y a aucune limite de nombre et si vous avez d’immenses archives, vous pourrez tout envoyer sur les serveurs de Google. Et c’est là que la supériorité technique de l’entreprise est très nette par rapport à Apple. Le transfert est plus rapide, et la recherche et la récupération de photos sont quasiment instantanées.
Mais le vrai point fort de Google Photos, c’est son intelligence. Google met à profit son avantage et exploite des années d’apprentissage avec Google Images pour analyser les photos et comprendre leur sujet. Vous cherchez des photos de chat ? Le service est capable d’afficher instantanément toutes les images où il détecte l’animal. Cela fonctionne aussi avec des objets du quotidien, un fruit, ou même les photos de mariage et celles d’anniversaire. Naturellement, on peut aussi exploiter les dates et la géolocalisation associée aux photos pour trouver un résultat.
Outre cette recherche bien utile, Google Photos se distingue aussi par son aptitude à organiser automatiquement vos photos. Avec le stockage illimité, on a vite tendance à se retrouver avec un très grand nombre de photos. Et plutôt que de les organiser manuellement en albums, le service se propose de le faire pour vous.
Son assistant suggère automatiquement des albums autour d’un thème commun, comme un voyage ou un week-end passé en famille. À l’intérieur on retrouve les photos pertinentes prises à cette occasion, mais aussi des cartes qui indiquent les déplacements. Et à partir de cette base, l’utilisateur peut toujours ajouter et masquer des images, mais aussi ajouter un contexte avec du texte s’il le souhaite.
Google Photos est également capable de faire d’autres propositions : ajouter un filtre pour changer l’aspect d’une photo, rassembler plusieurs photos et vidéos pour en faire un petit film ou même créer un panorama à partir de plusieurs photos connexes. Comme avec tout système automatisé, le résultat n’est pas toujours heureux, mais on est parfois surpris par les propositions et on peut très bien refuser toutes celles qui ne conviennent pas.
Que doit faire Apple pour retrouver nos photos ?
Commençons par reconnaître qu’Apple a fait beaucoup de progrès avec ses services en ligne et que la photothèque iCloud fonctionne plutôt bien dans l’ensemble. On est loin des années MobileMe où l’entreprise n’arrivait même pas à fournir des fonctions de base de manière fiable et on peut, aujourd’hui, compter sur ce service pour synchroniser ses photos et vidéos. Mais est-ce vraiment suffisant ?
Par rapport à son concurrent, Apple a du travail à faire sur la vitesse : que ce soit pour synchroniser les dernières photos ou pour accéder à un cliché ancien à partir du cloud, la photothèque iCloud souffre encore de trop de lenteurs. Et puis l’entreprise a aussi du travail à faire pour limiter l’utilisation du stockage local : même quand on choisit d’optimiser les images sur un appareil, le cache est toujours énorme et occupe parfois plus de 10 % du poids total de la photothèque. Sur ce point aussi, Google fait beaucoup mieux.
Néanmoins, tout n’est pas à jeter et l’intégration à Siri est vraiment convaincante pour retrouver de vieilles photos. Tant que l’on a une date ou un lieu, on retrouve facilement les images que l’on veut en posant la question à l’assistant vocal d’iOS. Et pour le coup, c’est rapide et souvent précis.
Malheureusement, Apple accuse le coup dès lors que l’information est à l’intérieur d’une image, et pas dans les métadonnées. On peut lui demander les photos de Venise prises au mois de mai 2014, mais pas les photos de pigeons que l’on a prises à cette occasion. Alors que Google Photos saura très bien le faire, tout comme il affichera toutes vos photos de couchers de soleil si vous le souhaitez.
L’ironie, c’est qu’Apple a longtemps été à la pointe dans ce domaine aussi, avec la recherche de visages ajoutée à iPhoto en 2009. À l’époque, c’était une première et la détection fonctionnait déjà très bien. Mais comme cela arrive parfois avec les innovations présentées par Apple, cette avancée n’a pas été suivie et si la fonction est toujours présente, elle est désormais en retard par rapport à la concurrence. Détecter les visages, tout le monde le fait très bien — parfois en rusant en raison de législation européenne très prudente à ce sujet —, mais ce n’est pas toujours suffisant.
Apple pourrait-elle reprendre la fonction de Google Photos ? Probablement pas. Ce n’est pas une question de moyens ou de compétences, mais de choix politique. Pour reconnaître les chiens dans vos photos, Google doit analyser toutes les photos sur ses serveurs et utiliser cette base de données pour améliorer ses connaissances. C’est une stratégie incompatible avec le respect strict de la vie privée que veut suivre Apple et il faudrait une toute nouvelle stratégie qui n’est probablement pas sur le point d’arriver (lire : Les « tsars » de la confidentialité font la pluie et le beau temps chez Apple).
Il y a un point qui pourrait aisément être amélioré toutefois chez Apple : la capacité de stockage. À l’heure de l’illimité chez Google ou même chez Amazon (où un compte Premium facturé 50 € par an permet ensuite de stocker toutes ses images), proposer seulement 5 Go gratuitement, c’est franchement radin. D’autant qu’il faut aussi garder de la place pour les sauvegardes d’appareils, les mails et les documents synchronisés avec iCloud.
Apple, proposer une offre illimitée ? On n’y croit vraiment pas. Mais espérons au moins que le stockage offert augmente un petit peu, voire beaucoup. Ce serait encore le meilleur argument pour la photothèque iCloud.
Le partage en famille, le talon d’Achille de tous les services
Apple est peut-être à la traine en matière de photothèque dans le nuage, mais il y a un point où Google Photos ne fait pas mieux du tout : le partage en famille. À l’époque d’iPhoto, un Mac servait souvent pour toute la famille et c’est lui que l’on utilisait pour décharger, stocker et gérer tous les clichés. Mais aujourd’hui, tous les membres de la famille ont un smartphone et un compte personnel dans le nuage. Comment rassembler toutes les photos ?
Malheureusement, aucun service ne propose de solution parfaite. Quand on active le partage familial sur un compte iCloud, on bénéficie d’un album supplémentaire, partagé entre tous les membres de la famille. Tout le monde peut y accéder et contribuer en ajoutant d’autres photos et des commentaires. C’est bien, mais ce n’est pas une solution pour rassembler toutes les photos et vidéos en un même lieu. Et sur ce point, Google ne fait pas mieux. L’entreprise s’est contentée de reprendre l’idée et d’ajouter des albums partagés similaires à ceux d’iCloud.
La seule solution, c’est de partager le même compte. Et sur ce point, Google reprend l’avantage : on peut très simplement passer d’un compte à l’autre et rien n’interdit d’utiliser un compte commun pour les photos, différent de chaque compte individuel. Ce n’est pas encore l’idéal, mais c’est mieux qu’Apple qui a tellement bien intégré iCloud à iOS et OS X que l’on ne peut pas avoir un compte secondaire uniquement dédié à Photos.