Le projet de loi de finances 2016 qui est en passe d’être voté par l’Assemblé nationale contient un article qui pourrait venir remettre en cause certains logiciels libres. L’article 38 prévoit que tout logiciel chargé d’enregistrer des règlements de clients doit être, non seulement sécurisé, mais aussi inaltérable :
Lorsqu’elle enregistre les règlements de ses clients au moyen d’un logiciel de comptabilité ou de gestion ou d’un système de caisse, utiliser un logiciel ou un système satisfaisant à des conditions d’inaltérabilité, de sécurisation, de conservation et d’archivage des données en vue du contrôle de l’administration fiscale.
L’objectif de l’administration fiscale est très clair : il s’agit de s’assurer qu’on ne peut pas tricher en enregistrant de mauvaises sommes, ou bien en oubliant dans sa caisse ou dans son logiciel de comptabilité. C’est l’un des aspects de la lutte contre la fraude fiscale, mais cet article signifie aussi que l’on ne peut plus utiliser de logiciel libre dans le domaine.
En effet, l’outil informatique qui sert à enregistrer une commande doit être inaltérable. Or, par définition, les logiciels open-source sont altérables, puisque l’on a accès au code source. En théorie, n’importe quel fraudeur pourrait modifier le code et faire en sorte que les sommes enregistrées ne correspondent pas à la réalité. La France n’est pas le premier pays à le faire : en Belgique par exemple, les commerçants sont obligés d’utiliser des caisses munies de boîtes noires qui enregistrent toutes les activités.
L’idée serait de faire en sorte que les logiciels disposent de telles boîtes noires. L’administration française doit pouvoir s’assurer que le logiciel soit digne de confiance… et les logiciels libres sont explicitement dans le viseur. Plus qu’une interdiction, la solution pourrait passer par l’ajout de code fermé pour former une boîte noire autour des logiciels libres. Ce qui serait contraire à l’esprit de l’open-source, mais aussi à la licence de bon nombre de ces logiciels libres.
Ce problème assez technique n’a pas retenu l’attention des parlementaires, qui comptent bien voter la loi et la faire appliquer en 2018, voire dès 2017. Les éditeurs de logiciels de comptabilité fermés ont d’ores et déjà fait savoir qu’ils étaient prêts… il faut dire que c’est bien dans leur intérêt ! Rappelons que ne pas diffuser la source d’un logiciel ne suffit pas à garantir son inaltérabilité : il existe de nombreux moyens pour modifier n’importe quelle application, comme le montre le piratage de certains logiciels.
Au-delà des logiciels de comptabilité, ce projet de loi concerne aussi les outils d’encaissement sur internet. Et dans ce domaine, comme souvent, les plus gros acteurs sont open-source : PrestaShop, Magento ou encore WooCommerce (module WordPress), par exemple, sont tous libres. Seront-ils tous interdits en France ?
Source : Linuxfr.org