Il y a tout juste 20 ans, au son d'un titre de légende des Rolling Stones, Microsoft lançait Windows 95. Un OS qui a probablement marqué la plus importante victoire du PC face au Mac. Un OS qui a touché les aficionados du Mac dans leur "chair". Lorsqu'aucun de nous n'imaginait encore que l'affrontement se déplacerait du bureau vers nos poches et que les adversaires d'Apple changeraient complètement de nom et de nature.
Au lancement de cette version 95, la partie était déjà sans conteste à l'avantage de Microsoft — on peut même dire gagnée — sur un plan commercial. Mais cette fois la victoire était physique et psychologique, Windows apportait avec lui suffisamment d'améliorations et de nouveautés pour faire douter voire renoncer les utilisateurs Mac. Certains d'entre nous sont restés fidèles à leur LC, leur Performa, Power Mac ou PowerBook mais d'autres ont entamé un switch avant, parfois, de revenir au bercail, longtemps après, grâce à l'iMac, à Vista, aux Mac Intel et à la bonne fortune retrouvée d'Apple.
Avant Windows 95 on pouvait toujours balayer les chiffres de ventes des PC en énumérant tous les retards pris par l'OS de Microsoft face au système d'Apple. Après Windows 95, la posture devenait plus difficile à tenir. Il fallait aller chercher dans les fonds de tiroirs, accorder une importance démesurée à des détails fonctionnels.
La Pomme a joué sur le registre de l'ironie pour accueillir son nouveau concurrent, comme elle l'avait fait à l'époque de la bataille face au PC d'IBM. Avec le même résultat : une réplique rigolote mais pas très efficace au delà du bon mot.
Avec Big Blue il y avait eu « Welcome IBM, Seriously », pour Microsoft ce fut « C:\ONGRTLNS.W95 » pour rappeler que le Mac savait depuis longtemps gérer bien plus qu'une maigre poignée de caractères dans les noms de fichiers. Chose que ce Windows 95 réussissait enfin à faire. Ou encore, cette pub qui se moquait de cette corbeille qui savait aussi rendre son contenu si l'utilisateur changeait d'avis.
Ces petites piques flattaient l'ego des clients d'Apple, confortés dans l'idée qu'ils avaient eu raison avant tout le monde. Tant mieux pour eux, mais l'utilisateur PC, lui, n'en avait cure. Son OS se mettait à niveau et les avantages de ce Mac, toujours bien cher, fondaient comme neige au soleil. Tant pis si l'OS d'Apple et ses machines conservaient quelques avantages, Windows 95 était aussi bien sinon mieux pour l'essentiel et il avait avec lui tous éditeurs et les fabricants de PC et périphériques.
Entre le blitz marketing orchestré partout dans le monde par les troupes de Bill Gates, au rythme nerveux et percutant du Start Me Up des Stones (un sacré coup à l'époque pour la promo d'un produit informatique), et les avancées techniques indéniables de Windows 95, il devenait difficile pour Apple de faire entendre sa petite musique. Et a fortiori pour ses clients, même les plus zélés, assommés par la tempête médiatique venue de Redmond. On entrait dans un hiver dont on ne connaissait pas la durée… et si même il allait finir un jour.
Internet Explorer, menu Démarrer, mode 32 bits, raccourcis, barre des tâches, multitâche préemptif pour partie, bureau et plug and play améliorés, le tout derrière une interface dont l'allure n'était pas sans rappeler celle du très élégant NextStep de Steve Jobs, l'utilisateur PC pouvait légitimement se sentir comblé. 20 ans plus tard, l'influence de Windows 95 se fait toujours sentir, lorsqu'on voit que Microsoft a dû réinstaller dans Windows 10 son fameux menu Démarrer dont il avait cru possible de se défaire.
De mémoire d'utilisateur Mac qui a connu ce lancement, l'arrivée de Windows 95 fut un coup de poing à l'orgueil et au moral. Il y avait bien les nouveaux Mac à base de PowerPC, puissants et même capables de faire fonctionner ce Windows honni au moyen d'une carte x86. Mais le mal était réel, avec Windows 95, Microsoft avait asséné un coup que les plus fragiles pouvaient redouter comme fatal. Il fallait être à l'époque un fan indéfectible de la Pomme pour ne pas flancher.
Il faudra attendre la période surréaliste de la fin 1996 à 1998 — achat de NeXT, désignation de Jobs comme CEO par intérim, lancement du premier iMac — pour se remettre à espérer. Apple avait enfin remis des pièces dans la machine et on allait pouvoir rejouer avec notre meilleur ennemi : le PC sous Windows.