BlackMagic Design a profité du NAB pour annoncer une nouvelle version, la onzième, de son logiciel d’étalonnage de couleurs, DaVinci Resolve. Celui-ci n’est pas encore disponible au téléchargement, mais devrait l’être au cours du mois de juin.
Ce logiciel a été acquis il y a quelques années (2009) par la société australienne BlackMagic. Grant Petty, le PDG de BlackMagic, a recouru à la même tactique audacieuse qu’Apple en 2006, qui avait fait passer le prix de Color (ex-FinalTouch) de 25 000 $, pour le logiciel et sa surface de contrôle, à 999 $ en tant que l’un des éléments de Final Cut Studio, après l’avoir racheté à Silicon Color. Ainsi, avant son rachat par BlackMagic Design, DaVinci Resolve était vendu 500 000 $ avec une surface de contrôle hardware dédiée. Depuis, le logiciel est non seulement commercialisé à une fraction du prix originel (995 $/env. 716 €), mais il est proposé également en une version « Lite », gratuite.
Celle-ci est très proche de la version payante, mais ne comprend pas quelques fonctions haut de gamme, comme la réduction du « bruit » des images en temps réel, les fonctions d’étalonnage et de convergence des images 3D stéréoscopiques, motion blur, travail collectif, étalonnage à distance...
La puissance de Resolve ajoutée à sa gratuité pour la version Lite lui assure une popularité qui ne cesse de croître. Et ce, d’autant plus qu’il est agnostique, tournant sous Linux, aussi bien que Windows et OS X. Il remplace de plus en plus dans la trousse d’outils des monteurs les plugins permettant d’opérer des corrections colorimétriques ou d’appliquer des « Looks » tels les Colorista II et consorts… Et depuis la version 10, BlackMagic pousse de plus en plus son logiciel au-delà de l’optique « correction des couleurs/création d’un ensemble de teintes donnant une unité à la vidéo ». Il intègre des fonctions proches de celles que l’on retrouve dans une application de montage non linéaire. Il permet également le recours à des plugins au format OpenFX. Bref, il donne l’impression que BlackMagic envisage de le proposer à terme comme une solution complète, avec celles de montage, de tracking, d’habillage/titrage, des fonctions d’étalonnage.
C’est assez clair lorsque l’on jette un coup d’œil aux nouveautés de la version 11 : ce DaVinci Resolve offre en effet plus de 70 nouvelles fonctions dédiées au montage sur la centaine de nouveautés que compte la mise à jour. Les fonctions d’étalonnage restent, certes, la base même du logiciel. Mais BlackMagic a décidé de passer à la vitesse supérieure pour ce qui est des capacités de montage du programme. Officiellement, elles ne sont là que pour aider occasionnellement les étalonneurs en leur permettant d’opérer des corrections rapides, sans avoir besoin de démarrer un logiciel de montage spécialisé, ou de renvoyer au monteur l’EDL ou le fichier XML pour qu’il fasse la modification.
Mais dans les faits, étant donné l’importance que BlackMagic leur a accordée dans cette version 11, ceux sont bien les Media Composer, les Premiere Pro et autres FCPX qui se retrouveront tôt ou tard dans la ligne de mire de Resolve.
Resolve 11 ne devrait pas être suffisamment fini et peaufiné pour faire abandonner son FCPX, son Media Composer ou son Premiere Pro à un monteur professionnel, qui connaît déjà parfaitement son outil de travail. Par contre, le fait qu’il intègre un excellent trackeur et des capacités d’étalonnage en plus de ses nouvelles fonctions de montage, et qu’il soit gratuit, risque de faire venir à lui de nombreux monteurs occasionnels ou d’étudiants à l’heure où le coût sur le long terme des solutions dans les nuages commence à faire réfléchir.
L’une de ces nouvelles fonctions de montage offertes par Resolve 11 est la possibilité qu’il offre à plusieurs personnes de travailler simultanément sur la même TimeLine d’un projet (fonctions proches de ce que proposent Adobe avec Adobe Anywhere pour Premiere Pro/After Effects, et FCPX avec sa compatibilité avec les environnements XSAN). La TimeLine prend une teinte rouge lorsque l’un des collaborateurs y effectue une modification, et ceux-ci n’ont momentanément plus accès à cette partie alors. Cette dernière est aussitôt répercutée sur les machines des autres membres de l’équipe. Cette fonction n’est pas disponible dans la version Lite.
Une autre nouveauté majeure est la possibilité de recourir à 2 écrans. Cela permet de regrouper vidéoscopes et histogrammes, grades et différentes palettes de l’interface sur l’un des moniteurs, pendant que l’autre affichera en grande taille la TimeLine, le Viewer et l’arbre des nodes, par exemple. Le rafraichissement de l’affichage des vidéoscopes s’effectue désormais en temps réel.
Resolve ne proposait pendant longtemps qu’une compatibilité avec l’architecture CUDA des cartes NVIDIA, pour accélérer les temps de traitement des opérations et des effets. Avec la décision d’Apple de recourir à des GPU d’AMD dans ses nouveaux Mac Pro 2013, les développeurs de DaVinci n’ont eu d’autre choix que d’améliorer la comptabilité de Resolve avec OpenCL. D’autre part, le logiciel sait gérer jusqu’à 8 GPU.
Resolve 11 recourt à un nouveau système de cache à plusieurs niveaux. Il est paramétrable au moyen de cache-points que l’on place dans les médias sources, dans l’arbre de nodes, dans la TimeLine… Resolve affiche le statut des caches et l’utilisateur peut choisir le codec qu’il souhaite utiliser pour les fichiers en cache (ProRes, DNxHD, sans compression 10 bits et 16 bits).
La fonction Auto Save accepte différents niveaux de versions. On peut faire apparaître ou cacher la fenêtre affichant les métadonnées. Celles-ci sont maintenant compatibles avec les clips RED ou Sony Raw. Les vignettes des clips vidéo de la page Media Pool affichent désormais leur fréquence d’images. Un « Split » effectué sur un clip positionne désormais automatiquement le curseur sur le nouveau clip créé. Un « Shift + Click’n Drag » permet de déplacer uniquement vers le haut ou le bas un clip dans la TimeLine. La fin de celle-ci est désormais apparente dans le Viewer. Le nom des tracks vidéo est modifiable. La TimeLine affiche le nombre de clips qu’elle contient. On peut copier tous les attributs d’un clip et les coller dans une sélection de plusieurs clips.
La TimeLine permet de mélanger codecs vidéo, résolutions et cadences d’images. La version Linux sait enfin encoder et décoder des vidéos ProRes. Tous les paramètres sont keyframables depuis la TimeLine. Les points-clés sont modifiables en faisant apparaître des courbes de Bézier pour chacun d’entre eux, qui apparaissent à la demande, sous le clip. Elles permettent de modifier les pentes de ces courbes aisément, de façon visuelle (linéaires, ease-in/out…).
Si la version 10 de Resolve avait introduit la compatibilité du logiciel avec les plugins au format OpenFX, la version 11 améliore leur utilisation en permettant de les appliquer directement depuis la TimeLine, sans passer par la page Color. De plus, ils peuvent être utilisés pour les transitions.
Resolve 11 est fourni avec une quantité importante de transitions visuelles et sonores. L’application permet de redimensionner les clips vidéo, et de modifier leur durée. Le logiciel est désormais également capable d’exécuter des mixes audio. On peut modifier les points In et Out des tracks vidéo et audio d’un clip de façon indépendante.
Les outils sont devenus plus contextuels, s’adaptant et se modifiant suivant les tâches en train d’être accomplis, et l’endroit où est placé le curseur, un peu comme le Smart Tool d’Avid. Les différentes fonctions de trimming, symétriques ou asymétriques, sont ainsi accessibles sans que l’on ait à changer d’outil. En positionnant son curseur en haut ou en bas du clip, on basculera d’un « slide » à un « slip ». Les fonctions de trimming ou de modification de la longueur d’un clip s’effectuent également au clavier à l’aide des classiques « J », « K » et « L ». Ces 3 touches permettent désormais de se déplacer image par image. De même, il est possible de réaliser ses « Cuts » sur un clip en ne se servant que du clavier.
Le recours au clavier est un peu surprenant pour les utilisateurs qui travaillent sur le logiciel depuis plusieurs années. En effet, même s’il comportait bien sûr des raccourcis-clavier, Resolve mettait l’accent sur la souris, et notamment le clic-droit qui donnait parfois accès à des fonctions que l’on ne retrouve pas autre part ou dans les menus. Avec la version 11, les raccourcis clavier sont personnalisables et se multiplient. La touche « U » permet de basculer entre la sélection des tracks vidéo et audio d’un clip, le track vidéo seulement ou bien sélectionner uniquement les tracks audio. Un raccourci clavier simple de jouer une partie de la TimeLine en boucle, autour de l’endroit où est positionné le curseur.
Une icône permet d’afficher tous les outils qui ont servi à créer chacun des nodes. Une courbe « Saturation vs. Saturation » a fait son apparition. L’éditeur de texte est un peu plus complet. Resolve 11 se met timidement à la gestion des langues autres que l’anglais avec l’apparition de menus dans des langues autres que la langue de Shakespeare. Trois langues seront gérées au début : l’anglais, le chinois et le japonais.
Le Clone Tool permet d’importer directement depuis Resolve des clips d’une carte-mémoire ou d’un disque dur/SSD et de les copier (« cloner ») sur les différents emplacements de stockage que l’on aura indiqués. Les copies des rushs sont sécurisées avec une vérification de l’état de la copie effectuée.
BlackMagic a amélioré encore la compatibilité de Resolve 11 avec le code XML de FCPX (FCPXML). Désormais, un fichier XLML exporté depuis le logiciel de montage d’Apple sera mieux reconnu et les effets placés sur les clips vidéo de la TimeLine de FCPX (effets de retiming, Compound Clips…etc.) seront plus nombreux à être reconnus et pris en compte dans la TimeLine de Resolve 11. Comme le dit BlackMagic « One of the most exciting advantages of the enhanced editing features in DaVinci Resolve 11 is the dramatically better round trip collaboration with Apple Final Cut Pro X. ».
Resolve 11 améliore un peu plus ses fonctions d’étalonnage. La page Color voit une modification de la GUI, avec la fenêtre Gallery qui se trouve désormais à l’extrême gauche de l’écran. La Gallery et le Viewer ont échangé leurs places. Il est plus facilement possible d’étalonner plusieurs clips avec un Nodes-tree identique. On peut désormais regrouper très facilement une série de clips de la TimeLine (par exemple, ceux ayant été filmés au même moment, avec des conditions de lumière identiques) pour appliquer à tous un grading identique. Puis il sera facilement possible de mettre de côté cette appartenance au groupe que l’on vient de créer de l’un des clips, pour effectuer sur ce dernier, et uniquement celui-ci, une nouvelle correction colorimétrique.
L’outil Color Match est capable d’effectuer automatiquement une correction des Primaires en se basant sur une charte chromatique de référence que l’on aura désignée en sélectionnant à l’écran les 4 points qui définissent ses angles.
De nouvelles fonctions d’étalonnage sont apparues. Elles s’inspirent des logiciels de retouche pour photographes. Ces derniers se mettent de plus en plus à la vidéo profitant des fonctions vidéo que proposent les nouveaux Reflex ou appareils-photo hybrides. Un panneau Camera RAW a fait son apparition. Il permet de « récupérer » rapidement des HighLight brulées, « crusher » les Shadows ou d’opérer d’autres modifications (détails des tons moyens, saturation, contraste, color boost…) en quelques instants, sur une série de rushs que l’on vient d’importer.