Une nouvelle page de l’histoire de Final Cut Pro va bientôt se tourner, avec la sortie de Final Cut Pro X dans quelques jours. En une douzaine d'années, le logiciel d’Apple est passé du statut de challenger au statut de leader incontesté des solutions de montage non linéaire. Pour comprendre ce succès, nous allons chevaucher notre DeLorean et remonter au point de départ, c’est à dire l'année 1995, afin de parcourir toutes les évolutions majeures de FCP et les choix adoptés par Apple, décrypter les raisons de ce succès et ainsi mieux comprendre le tournant qu’Apple entreprend aujourd’hui avec Final Cut Pro X.
Ce dossier a été réalisé avec Erwan Le Cloirec de YakYakYak
1995-1998 : De Key Grip a Final Cut
Tout commence en 1995, et ce n’est pas chez Apple qu’il faut se rendre, mais… chez Macromedia ! Macromedia a alors recruté Randy Ubillos, qui fut à l’origine des trois premières versions d’Adobe Premiere. Sa mission était de créer un nouveau logiciel professionnel de montage vidéo basé sur la technologie QuickTime d’Apple. Ce logiciel devait tourner aussi bien sur Mac OS que sur Windows. L'équipe avait donc carte blanche pour innover et redéfinir les fondamentaux du montage virtuel initiés quelques années auparavant par Avid. Le nom de code qui fut attribué au projet était Key Grip.
Macromedia voulait faire de Key Grip la nouvelle référence des logiciels dédiés à la post-production, dépassant les frontières du simple logiciel de montage. Les products designers et les développeurs voulaient que le logiciel soit au coeur du flux de production et de la post production. Ainsi, la gestion des scripts et des storyboards était sur la liste des fonctionnalités de Key Grip. Les années passèrent et la direction commença à mettre la pression sur l’équipe de développement afin de sortir le logiciel, alors même que Macromedia était confrontée à nombreux problèmes en interne.
D'abord un problème de politique interne : Macromedia avait alors un partenariat avec Truevision lui interdisant d'utiliser QuickTime avec les cartes vidéo Truevision. Une partie des technologies de cette société étaient licenciées à Microsoft, qui voyait évidemment d'un très mauvais œil la mise en avant de QuickTime, au détriment de sa propre solution basée sur les fichiers AVI. Ce problème diplomatique eut pour conséquence la mise en sommeil du projet Key Grip le temps de trouver un arrangement. Macromedia commençait aussi à l'époque à ressentir des difficultés financières. Elle fit le choix de se concentrer sur les technologies autour du Web et décida alors de chercher des acheteurs potentiels pour toutes ses applications non orientées Internet.
Ainsi lors du salon professionnel du NAB en 1998, des présentations privées furent organisées afin de présenter Key Grip à des éditeurs potentiellement intéressés par son acquisition. Un Key Grip qui pour l'occasion changea de nom : désormais connu sous le nom de Final Cut, le logiciel de montage était beaucoup plus limité en matière d'effets sur Mac que sur Windows, conséquence directe du partenariat entre Macromedia et Truevision.
1998-1999 : de Final Cut à Final Cut Pro
Apple avait bien compris le potentiel d’un tel logiciel sur sa plateforme. Aucun développeur n'était intéressé par la reprise du développement, Apple prit les devants et fit l'acquisition de Final Cut. Il ne s'agissait à l'époque pas de poursuivre son développement en interne, mais de s'assurer de son avenir en le revendant à un éditeur promettant de continuer le support Mac OS et de lui donner toute la puissance et les effets disponibles.
Apple changea rapidement sa stratégie pour que Final Cut devienne finalement l’émissaire, le fer de lance des nouvelles technologies adoptées par Mac OS. L’adoption du FireWire sur toute la gamme des Macs en conjonction du support natif du codec des caméras DV par QuickTime, donna à Final Cut toute sa légitimité au sein des productions Apple.
L’acquisition par la firme de Cupertino fut un grand soulagement pour l’équipe, car d’autres logiciels chez Macromedia furent tout simplement mis à la poubelle. Michael Wohl, product designer de Final Cut, cite souvent l’histoire d’un logiciel dédié à l’audio chez Macromedia qui était « révolutionnaire », mais ce dernier ne trouvant aucun repreneur, il fut tout simplement abandonné.
Chez Apple, la pression fut bien plus grande sur les épaules des développeurs : contrairement à la période Macromedia, ils avaient interdiction formelle de repousser la date de sortie. Le chef produit menaça même d'envoyer l'équipe « élever des yaks » s'ils n'arrivaient pas à tenir les délais ! « Bruce le Yak » fit ainsi son apparition dans les premières versions de Final Cut Pro, clin d'œil à cet épisode et preuve qu'ils réussirent à finir le logiciel dans les temps. Ce respect scrupuleux des dates de sortie eut comme conséquence l'abandon de certaines fonctionnalités, comme la gestion des scripts ou le storyboard.
Si le but des développeurs était de créer un logiciel de montage pour les professionnels, Steve Jobs voulait que Final Cut soit un formidable produit d’appel pour tous les créatifs vidéastes, en fournissant gratuitement Final Cut avec tous les Mac. Les développeurs n’étaient pas du même avis et craignaient que le fait d’offrir le logiciel ne le dévalorise d’entrée. Ainsi, après de longues discussions le prix fut fixé à 1000 $, un prix rendant Final Cut Pro accessible à tous ou presque malgré son statut d'outil de montage professionnel.
C’est exactement un an après cette acquisition en avril 1999, lors du salon professionnel NAB de Las Vegas, qu’Apple présenta son nouveau logiciel de montage vidéo : Final Cut Pro est né !
1999-2002 : les révolutions sont en marche
La révolution DV
A la sortie de Final Cut Pro, il existait de nombreuses solutions déjà bien établies, du côté professionnel avec Avid, Media100, Edit, comme du côté grand public avec Adobe Premiere principalement. Le positionnement de Final Cut Pro était clair entre les solutions professionnelles et grand public, avec des fonctionnalités professionnelles à un coût très inférieur. La première version de Final Cut Pro laisse cependant le souvenir d’une version inachevée, tant le nombre de bogues était important. On retiendra donc la version 1.2.5 en novembre 2000 comme la première version exploitable professionnellement.
Pour expliquer le succès de Final Cut Pro, il faut se replacer fin des années 90 début 2000 : l’industrie de la vidéo évolue extrêmement rapidement grâce à des sociétés comme Pinnacle ou Matrox, qui mettent sur le marché des cartes d’acquisitions vidéo analogiques accessibles aux indépendants. C’est l’époque des cartes Targa 3000, des Cinewaves, des RT Mac, que Final Cut Pro supportera très rapidement avec la version 1.2.5 et surtout avec Final Cut Pro 2.
En parallèle, l’adoption en masse des caméras DV par les indépendants et le grand public fut pour Apple une confirmation qu’elle avait fait le bon choix en supportant le FireWire sur l’ensemble de sa gamme de Mac. Le fait de pouvoir directement importer ses vidéos dans Final Cut Pro en branchant simplement un câble FireWire et sans le moindre ajout de carte supplémentaire fit la réputation du logiciel.
Mais au-delà du côté matériel, c’est surtout la philosophie du logiciel, sa simplicité d’utilisation et son ouverture qui firent le succès de Final Cut Pro. La conjonction du « glisser/déposer » avec une personnalisation poussée de l’interface et le nombre d’effets disponibles firent aussi la différence : les solutions concurrentes proposaient une interface beaucoup plus rigide et moins intuitive.
Pendant les premières années de commercialisation, Apple fut très agressive envers Adobe Premiere, allant même jusqu'à proposer un système de mises à jour concurrentielles. Tout propriétaire d'une licence de Premiere pouvait bénéficier d'une réduction de 500 $ sur l'achat d'une licence de Final Cut Pro : les ventes de la version Mac de Premiere baissèrent tant qu'Adobe arrêta de la développer pendant plusieurs années.
Des monteurs indépendants à Hollywood !
Les vidéastes indépendants et les broadcasters adoptèrent rapidement Final Cut Pro, au contraire des monteurs film. En raison d'un problème technique, Final Cut Pro ne peut en effet pas exporter le montage en 24 i/s pour le flux de production film : Apple déconseillait même ouvertement l'utilisation de son logiciel pour le support film.
Malgré tout, l’une des stars d’Hollywood fait le pari d'utiliser Final Cut Pro pour une super production : Walter Murch (Apocalypse Now, Ghost, le Parrain 3…) pour Retour à Cold Mountain. Bien au fait des limitations du logiciel, il réussit à convaincre la production et réalisa le montage avec Final Cut Pro 3, trouvant par ses propres moyens une solution pour repasser à 24 i/s. Apple intègre aussitôt cette fonction dans Final Cut Pro 4 (octobre 2003), avec l'ajout des Cinema Tools et d'un outil de gestion des médias.
Le fait que Walter Murch monte de A à Z un blockbuster Hollywoodien sur Final Cut Pro et non pas sur Avid, solution dominante, fut ressenti comme un véritable tremblement de terre dans le milieu de la post production, et permit à d’autres monteurs et réalisateurs de franchir le pas et de passer à Final Cut Pro sur des productions film. Le livre Behind the Seen, qui relate toute l’aventure de Walter Murch et du montage de Retour à Cold Mountain, devint rapidement la bible de tous les monteurs.
Walter Murch reste très proche des équipes d’Apple pour apporter son expertise. Il fait partie des réalisateurs mis en avant par Apple lors des sorties majeures, à l'instar de David Fincher ou des frères Cohen.
A ce succès américain fait écho l'échec français : Final Cut Pro n'a pas été adopté par les monteurs film en France. La raison est là encore à trouver dans des problèmes techniques : les Cinema Tools n'ont pas ou mal été adaptés pour le 25 i/s. Seuls quelques monteurs ont trouvé à leur tour des astuces pour adapter les outils au monde du 25 i/s.
Un logiciel toujours à la pointe technologique
En 2003, lors de la sortie de Final Cut Pro 4, la réputation du logiciel n’est plus à faire : il est aussi bien utilisé chez les indépendants que dans les chaînes de télévision et commence à percer dans l’industrie du film.
Apple fait tout pour que Final Cut Pro soit à la pointe de la technologie à tous les niveaux, notamment avec le support des nouveaux processeurs G4 (et son velocity Engine) et du dernier processeur G5, ce qui lui permet d’avoir des effets toujours plus rapides et parfois même en temps réel. L’un des points forts de Final Cut Pro fut son optimisation pour les ordinateurs portables comme les PowerBook G4, qui ont permis à un grand nombre de réalisateurs et de monteurs de pouvoir monter leur film sur le lieu de tournage et posséder ainsi une grande réactivité.
L’autre point, peut-être le plus important, c’est le travail d’Apple auprès des constructeurs de caméras (Sony, Panasonic, JVC…), pour que Final Cut Pro dispose toujours des derniers codecs de chaque caméra dès leur sortie. Grâce à cette politique, Apple conquit de nombreuses parts de marché dans les chaînes de télévision, Final Cut Pro pouvant travailler avec tous les codecs des caméras (DVCPRO 50, HDV, P2…) sans avoir à les réencoder dans un format propriétaire. Un gain de temps énorme pour les chaînes de télévision, et donc un choix naturel favorisant l'adoption en masse.
2004-2009 : de Final Cut Pro à Final Cut Studio
Avec Final Cut Pro 4, Apple livre de nouveaux petits logiciels dédiés pour compléter son offre. Ainsi, les Cinema Tools font leur apparition permettant le passage du 30 i/s du monde de la vidéo aux 24i/s pour le film et apporte la gestion de la pellicule avec le keycode. D’autres logiciels accompagnent aussi Final Cut Pro 4 : Soundtrack pour le mixage et la correction des pistes audio, Livetype pour le titrage et Compressor permettant d’encoder les séquences dans différents formats.
Entre 2002 et 2006, Apple se lance dans une campagne d'acquisitions pour renforcer ses équipes vidéo. Elle met ainsi la main, en 2002, sur Silicon Grail et Nothing Real et leurs logiciels de compositing respectifs, Rayz et Shake (Le seigneur des anneaux, King Kong, Harry Potter…). L'année suivante, c'est l'équipe qui a développé Combustion chez Autodesk qui rejoint Apple, pour créer Motion. L'acquisition de Proximity permet à Apple de créer Final Cut Server sur la base du logiciel de gestion des médias Artbox, alors que l'achat de Silicon Color lui offre le logiciel d'étalonnage Final Touch, futur Color.
La sortie de Final Cut Pro 4.5 (Final Cut Pro HD), en 2004, est l'occasion pour Apple de proposer pour la première fois un bundle, la Production Suite, regroupant un ensemble de huit logiciels, dont le nouveau Motion. Apple développe le concept l'année suivante avec le Final Cut Studio : il n'est plus possible d'acheter les logiciels séparément. La suite adopte cependant le même prix que Final Cut Pro seul, 1000 $, avec des giga-octets de bandes sonores et de contenus graphiques libres de droits inclus.
Les vidéos de démonstration tournant en boucle sur les salons mettent en évidence les grosses productions hollywoodiennes. Apple veut marquer les esprits et montre qu’elle dispose d’une suite complète d’outils professionnels permettant d’aller jusqu’au bout des projets les plus complexes. C’est aussi le moyen de mettre en avant son système d’exploitation, Mac OS X, qui arrive à maturité, ainsi que ses Mac, toujours plus puissants.
2004-2006 : l’ouverture et l’universalité pour s’imposer
Avec tous ces nouveaux talents, Apple a acquis en très peu de temps des connaissances et des technologies qui vont pouvoir être mises très rapidement au service de Final Cut Studio, des fermes de calculs utilisant des dizaines de processeurs avec l'équipe de Shake, à l’accélération graphique GPU avec l'équipe de Motion.
C’est précisément en travaillant sur l’échange entre les différents logiciels qu’Apple comprend que pour imposer Final Cut Pro, il faut que celui-ci soit le plus ouvert possible. Ainsi, la firme de Cupertino fait le choix de supporter le format d'échange XML. L’intérêt des fichiers XML est que ce sont de simples fichiers textes et n’importe quel développeur peut écrire des passerelles de communication entre Final Cut Pro et un autre logiciel. L’adoption du standard XML permit une rapide intégration de Final Cut Pro dans toutes les grosses structures comme les chaînes de télévision par exemple.
Derrière cette ouverture se cache une politique globale pour que Mac OS X devienne la principale plateforme pour la post-production. L’ouverture logicielle ne se suffit pas à elle-même : le Mac lui-même doit devenir une plateforme universelle. Le passage aux processeurs Intel réalise cet objectif : le Mac devient une station universelle faisant tourner des applications Mac OS X, Windows et Linux et pouvant pénétrer le cœur de toutes les structures de post-production. La mise à jour Universal Binary de Final Cut Studio en 2006 permet aux logiciels de la suite de bénéficier de la puissance et des fonctions temps-réel des processeurs Intel multi-cœurs.
2007 : Apple ProRes, « one codec to rule them all »
Lors du NAB 2007, Apple voit les choses en grand pour le lancement de Final Cut Studio 2 : elle s'offre le plus grand stand et le plus grand théâtre du salon. L’intégration du logiciel Color sans changement de prix fait grand bruit : elle démocratise l'étalonnage numérique. Apple parle alors de « Final Cut World » : 1,5 million de licences ont été vendues. Ce n'est cependant pas l'annonce la plus importante de l'année : la création d'un tout nouveau codec de compression, le ProRes, est bien plus cruciale.
Depuis le départ, la philosophie de Final Cut Pro était d’être compatible et natif avec l’ensemble des caméras disponibles. On pouvait le résumer de cette façon : « je monte ce que je tourne », sans passer par des formats propriétaires comme le faisait Avid par exemple. Une problématique est apparue au milieu des années 2000, chaque constructeur de caméras voulant créer son propre format, ses résolutions et parfois même ses cadences d’images. Au-delà du nombre de formats, les constructeurs développèrent des codecs d’enregistrements optimisés pour la taille des fichiers. Ces codecs sont optimisés pour la lecture, mais en aucun cas pour être travaillés en post-production : éditer des fichiers HDV, par exemple, demande beaucoup de puissance processeur, ralentissant le logiciel, les actions, les rendus. Le HDV n'est pas le seul dans ce cas : le format RED ou de nouveaux algorithmes de compression H.264 sont tout aussi complexes à décoder.
Apple prit la décision de développer un codec de compression très léger pour la post-production et sans perte de qualité : le ProRes. L'annonce de boîtiers d'acquisition AJA KiPro, enregistrant directement en ProRes, ouvre la porte à l'universalité de ce codec : dès la fin du salon, de nombreux éditeurs et constructeurs annoncent le support du ProRes. Format pensé pour la post-production, le ProRes donne beaucoup de latitude aux étalonneurs pour jouer sur les couleurs. Deux ans après son annonce, le ProRes est devenu un codec universel supporté par une grande partie de l'industrie, y compris par des concurrents directs de Final Cut Pro.
En ouvrant Final Cut Pro à tous les autres logiciels via l’échange de fichiers XML et en développant un codec universel comme le ProRes, Apple a donc réussi à affirmer la position de Final Cut Pro au coeur du flux de post-production,le rendant si ce n’est indispensable, incontournable.
2009 : Final Cut Studio, les limites du concept
En une dizaine d’années, Apple a su porter Final Cut Pro du statut de jeune challenger au statut de leader mondial incontesté. Cette réussite est due à une politique tarifaire extrêmement agressive que seule Apple peut se permettre. Elle est aussi due à l’innovation par l’acquisition et le développement de technologies permettant aujourd’hui avec Final Cut Studio de couvrir pratiquement tout le spectre de la post-production, le tout avec une grande facilité d’échange des données entre tous les logiciels de la suite.
Si l’ajout de logiciels et de fonctionnalités a permis d’augmenter les possibilités de la suite, il a aussi engendré un certain nombre de points négatifs :
Final Cut Pro X : La relève pour la prochaine décennie ?
En 2007, Final Cut Studio 2 consacre la suite d’Apple comme un indispensable dans toutes les sociétés de post-production. Pour autant, si la suite d’applications professionnelles d’Apple est à son pic de célébrité et des ventes, les développeurs savent que pour répondre aux besoins des prochaines productions, il faudra absolument revoir Final Cut Pro en profondeur.
Durant les mois qui suivent la sortie de Final Cut Studio 2, les responsables du développement sont allés, en toute discrétion, à la rencontre de clients-clefs à travers le monde, afin de voir et de comprendre toutes les problématiques liées aux nouveaux flux de production. Le choix de repartir de zéro fut pratiquement décidé dès le départ, afin de se libérer des entraves de l’ancien code, mais aussi pour développer un nouveau logiciel qui définira les bases de ce que sera le montage des 10 prochaines années.
En 2009, Apple, absente de tous les salons, lance un nouveau Final Cut Studio. Cette version laisse une impression mitigée, car très peu de nouveautés y sont intégrées, seul Motion 4 évoluant réellement. Malgré ce manque de nouvelles fonctionnalités, Final Cut Studio « 3 » reste l’une des meilleures offres disponibles, encore aujourd’hui, sur le marché. Mais, il ne fait alors aucun doute que les développeurs ont déjà mis en chantier le futur Final Cut Pro.
Deux ans plus tard, l’attente arrive à son terme : au NAB 2011, Apple dévoile un petit aperçu de Final Cut Pro X avec une toute nouvelle architecture 64 bits et une interface utilisateur entièrement repensée. Si beaucoup de questions ont trouvé réponse, la présentation a elle-même soulevé de nombreuses interrogations. Le passage direct à une version 10 (sans FCP 8 et 9) montre une volonté de rupture totale avec l'ancien FCP. Annoncé pour juin 2011, Final Cut Pro se dévoilera dans quelques jours.
On peut faire de nombreuses analogies entre 1999 et 2011, deux périodes charnières avec des évolutions technologiques importantes :
Il est clair qu’Apple veut réitérer ce qui a fait le succès du premier Final Cut Pro : tirer parti nativement de toutes ces nouvelles technologies pour Final Cut Pro X.
On peut néanmoins légitimement penser qu’Apple a des espérances encore plus grandes pour Final Cut Pro X, avec l’adoption d’une interface unifiée — ou presque – entre FCP X et le logiciel très grand public iMovie. Pour les millions d’utilisateurs d’iMovie sur Mac ou iPhone/iPad, le passage vers une solution plus complète comme FCP X se fera tout naturellement. Est-ce qu’Apple va réussir à faire tomber la barrière entre les logiciels professionnels et les logiciels plus grand public afin que Final Cut Pro X devienne LE logiciel universel de montage ?
YakYakYak.fr est une adresse que nous vous recommandons chaudement. Il s'agit d'un site web dont l'ambition est de regrouper les utilisateurs de Final Cut. Et si vous avez lu attentivement l'article, vous savez pourquoi le site s'appelle ainsi.
Ce dossier a été réalisé avec Erwan Le Cloirec de YakYakYak
1995-1998 : De Key Grip a Final Cut
Tout commence en 1995, et ce n’est pas chez Apple qu’il faut se rendre, mais… chez Macromedia ! Macromedia a alors recruté Randy Ubillos, qui fut à l’origine des trois premières versions d’Adobe Premiere. Sa mission était de créer un nouveau logiciel professionnel de montage vidéo basé sur la technologie QuickTime d’Apple. Ce logiciel devait tourner aussi bien sur Mac OS que sur Windows. L'équipe avait donc carte blanche pour innover et redéfinir les fondamentaux du montage virtuel initiés quelques années auparavant par Avid. Le nom de code qui fut attribué au projet était Key Grip.
Macromedia voulait faire de Key Grip la nouvelle référence des logiciels dédiés à la post-production, dépassant les frontières du simple logiciel de montage. Les products designers et les développeurs voulaient que le logiciel soit au coeur du flux de production et de la post production. Ainsi, la gestion des scripts et des storyboards était sur la liste des fonctionnalités de Key Grip. Les années passèrent et la direction commença à mettre la pression sur l’équipe de développement afin de sortir le logiciel, alors même que Macromedia était confrontée à nombreux problèmes en interne.
D'abord un problème de politique interne : Macromedia avait alors un partenariat avec Truevision lui interdisant d'utiliser QuickTime avec les cartes vidéo Truevision. Une partie des technologies de cette société étaient licenciées à Microsoft, qui voyait évidemment d'un très mauvais œil la mise en avant de QuickTime, au détriment de sa propre solution basée sur les fichiers AVI. Ce problème diplomatique eut pour conséquence la mise en sommeil du projet Key Grip le temps de trouver un arrangement. Macromedia commençait aussi à l'époque à ressentir des difficultés financières. Elle fit le choix de se concentrer sur les technologies autour du Web et décida alors de chercher des acheteurs potentiels pour toutes ses applications non orientées Internet.
Ainsi lors du salon professionnel du NAB en 1998, des présentations privées furent organisées afin de présenter Key Grip à des éditeurs potentiellement intéressés par son acquisition. Un Key Grip qui pour l'occasion changea de nom : désormais connu sous le nom de Final Cut, le logiciel de montage était beaucoup plus limité en matière d'effets sur Mac que sur Windows, conséquence directe du partenariat entre Macromedia et Truevision.
1998-1999 : de Final Cut à Final Cut Pro
Apple avait bien compris le potentiel d’un tel logiciel sur sa plateforme. Aucun développeur n'était intéressé par la reprise du développement, Apple prit les devants et fit l'acquisition de Final Cut. Il ne s'agissait à l'époque pas de poursuivre son développement en interne, mais de s'assurer de son avenir en le revendant à un éditeur promettant de continuer le support Mac OS et de lui donner toute la puissance et les effets disponibles.
Apple changea rapidement sa stratégie pour que Final Cut devienne finalement l’émissaire, le fer de lance des nouvelles technologies adoptées par Mac OS. L’adoption du FireWire sur toute la gamme des Macs en conjonction du support natif du codec des caméras DV par QuickTime, donna à Final Cut toute sa légitimité au sein des productions Apple.
L’acquisition par la firme de Cupertino fut un grand soulagement pour l’équipe, car d’autres logiciels chez Macromedia furent tout simplement mis à la poubelle. Michael Wohl, product designer de Final Cut, cite souvent l’histoire d’un logiciel dédié à l’audio chez Macromedia qui était « révolutionnaire », mais ce dernier ne trouvant aucun repreneur, il fut tout simplement abandonné.
Chez Apple, la pression fut bien plus grande sur les épaules des développeurs : contrairement à la période Macromedia, ils avaient interdiction formelle de repousser la date de sortie. Le chef produit menaça même d'envoyer l'équipe « élever des yaks » s'ils n'arrivaient pas à tenir les délais ! « Bruce le Yak » fit ainsi son apparition dans les premières versions de Final Cut Pro, clin d'œil à cet épisode et preuve qu'ils réussirent à finir le logiciel dans les temps. Ce respect scrupuleux des dates de sortie eut comme conséquence l'abandon de certaines fonctionnalités, comme la gestion des scripts ou le storyboard.
Si le but des développeurs était de créer un logiciel de montage pour les professionnels, Steve Jobs voulait que Final Cut soit un formidable produit d’appel pour tous les créatifs vidéastes, en fournissant gratuitement Final Cut avec tous les Mac. Les développeurs n’étaient pas du même avis et craignaient que le fait d’offrir le logiciel ne le dévalorise d’entrée. Ainsi, après de longues discussions le prix fut fixé à 1000 $, un prix rendant Final Cut Pro accessible à tous ou presque malgré son statut d'outil de montage professionnel.
C’est exactement un an après cette acquisition en avril 1999, lors du salon professionnel NAB de Las Vegas, qu’Apple présenta son nouveau logiciel de montage vidéo : Final Cut Pro est né !
1999-2002 : les révolutions sont en marche
La révolution DV
A la sortie de Final Cut Pro, il existait de nombreuses solutions déjà bien établies, du côté professionnel avec Avid, Media100, Edit, comme du côté grand public avec Adobe Premiere principalement. Le positionnement de Final Cut Pro était clair entre les solutions professionnelles et grand public, avec des fonctionnalités professionnelles à un coût très inférieur. La première version de Final Cut Pro laisse cependant le souvenir d’une version inachevée, tant le nombre de bogues était important. On retiendra donc la version 1.2.5 en novembre 2000 comme la première version exploitable professionnellement.
Pour expliquer le succès de Final Cut Pro, il faut se replacer fin des années 90 début 2000 : l’industrie de la vidéo évolue extrêmement rapidement grâce à des sociétés comme Pinnacle ou Matrox, qui mettent sur le marché des cartes d’acquisitions vidéo analogiques accessibles aux indépendants. C’est l’époque des cartes Targa 3000, des Cinewaves, des RT Mac, que Final Cut Pro supportera très rapidement avec la version 1.2.5 et surtout avec Final Cut Pro 2.
En parallèle, l’adoption en masse des caméras DV par les indépendants et le grand public fut pour Apple une confirmation qu’elle avait fait le bon choix en supportant le FireWire sur l’ensemble de sa gamme de Mac. Le fait de pouvoir directement importer ses vidéos dans Final Cut Pro en branchant simplement un câble FireWire et sans le moindre ajout de carte supplémentaire fit la réputation du logiciel.
Mais au-delà du côté matériel, c’est surtout la philosophie du logiciel, sa simplicité d’utilisation et son ouverture qui firent le succès de Final Cut Pro. La conjonction du « glisser/déposer » avec une personnalisation poussée de l’interface et le nombre d’effets disponibles firent aussi la différence : les solutions concurrentes proposaient une interface beaucoup plus rigide et moins intuitive.
Pendant les premières années de commercialisation, Apple fut très agressive envers Adobe Premiere, allant même jusqu'à proposer un système de mises à jour concurrentielles. Tout propriétaire d'une licence de Premiere pouvait bénéficier d'une réduction de 500 $ sur l'achat d'une licence de Final Cut Pro : les ventes de la version Mac de Premiere baissèrent tant qu'Adobe arrêta de la développer pendant plusieurs années.
Des monteurs indépendants à Hollywood !
Les vidéastes indépendants et les broadcasters adoptèrent rapidement Final Cut Pro, au contraire des monteurs film. En raison d'un problème technique, Final Cut Pro ne peut en effet pas exporter le montage en 24 i/s pour le flux de production film : Apple déconseillait même ouvertement l'utilisation de son logiciel pour le support film.
Malgré tout, l’une des stars d’Hollywood fait le pari d'utiliser Final Cut Pro pour une super production : Walter Murch (Apocalypse Now, Ghost, le Parrain 3…) pour Retour à Cold Mountain. Bien au fait des limitations du logiciel, il réussit à convaincre la production et réalisa le montage avec Final Cut Pro 3, trouvant par ses propres moyens une solution pour repasser à 24 i/s. Apple intègre aussitôt cette fonction dans Final Cut Pro 4 (octobre 2003), avec l'ajout des Cinema Tools et d'un outil de gestion des médias.
Le fait que Walter Murch monte de A à Z un blockbuster Hollywoodien sur Final Cut Pro et non pas sur Avid, solution dominante, fut ressenti comme un véritable tremblement de terre dans le milieu de la post production, et permit à d’autres monteurs et réalisateurs de franchir le pas et de passer à Final Cut Pro sur des productions film. Le livre Behind the Seen, qui relate toute l’aventure de Walter Murch et du montage de Retour à Cold Mountain, devint rapidement la bible de tous les monteurs.
Walter Murch reste très proche des équipes d’Apple pour apporter son expertise. Il fait partie des réalisateurs mis en avant par Apple lors des sorties majeures, à l'instar de David Fincher ou des frères Cohen.
A ce succès américain fait écho l'échec français : Final Cut Pro n'a pas été adopté par les monteurs film en France. La raison est là encore à trouver dans des problèmes techniques : les Cinema Tools n'ont pas ou mal été adaptés pour le 25 i/s. Seuls quelques monteurs ont trouvé à leur tour des astuces pour adapter les outils au monde du 25 i/s.
Un logiciel toujours à la pointe technologique
En 2003, lors de la sortie de Final Cut Pro 4, la réputation du logiciel n’est plus à faire : il est aussi bien utilisé chez les indépendants que dans les chaînes de télévision et commence à percer dans l’industrie du film.
Apple fait tout pour que Final Cut Pro soit à la pointe de la technologie à tous les niveaux, notamment avec le support des nouveaux processeurs G4 (et son velocity Engine) et du dernier processeur G5, ce qui lui permet d’avoir des effets toujours plus rapides et parfois même en temps réel. L’un des points forts de Final Cut Pro fut son optimisation pour les ordinateurs portables comme les PowerBook G4, qui ont permis à un grand nombre de réalisateurs et de monteurs de pouvoir monter leur film sur le lieu de tournage et posséder ainsi une grande réactivité.
L’autre point, peut-être le plus important, c’est le travail d’Apple auprès des constructeurs de caméras (Sony, Panasonic, JVC…), pour que Final Cut Pro dispose toujours des derniers codecs de chaque caméra dès leur sortie. Grâce à cette politique, Apple conquit de nombreuses parts de marché dans les chaînes de télévision, Final Cut Pro pouvant travailler avec tous les codecs des caméras (DVCPRO 50, HDV, P2…) sans avoir à les réencoder dans un format propriétaire. Un gain de temps énorme pour les chaînes de télévision, et donc un choix naturel favorisant l'adoption en masse.
2004-2009 : de Final Cut Pro à Final Cut Studio
Avec Final Cut Pro 4, Apple livre de nouveaux petits logiciels dédiés pour compléter son offre. Ainsi, les Cinema Tools font leur apparition permettant le passage du 30 i/s du monde de la vidéo aux 24i/s pour le film et apporte la gestion de la pellicule avec le keycode. D’autres logiciels accompagnent aussi Final Cut Pro 4 : Soundtrack pour le mixage et la correction des pistes audio, Livetype pour le titrage et Compressor permettant d’encoder les séquences dans différents formats.
Entre 2002 et 2006, Apple se lance dans une campagne d'acquisitions pour renforcer ses équipes vidéo. Elle met ainsi la main, en 2002, sur Silicon Grail et Nothing Real et leurs logiciels de compositing respectifs, Rayz et Shake (Le seigneur des anneaux, King Kong, Harry Potter…). L'année suivante, c'est l'équipe qui a développé Combustion chez Autodesk qui rejoint Apple, pour créer Motion. L'acquisition de Proximity permet à Apple de créer Final Cut Server sur la base du logiciel de gestion des médias Artbox, alors que l'achat de Silicon Color lui offre le logiciel d'étalonnage Final Touch, futur Color.
La sortie de Final Cut Pro 4.5 (Final Cut Pro HD), en 2004, est l'occasion pour Apple de proposer pour la première fois un bundle, la Production Suite, regroupant un ensemble de huit logiciels, dont le nouveau Motion. Apple développe le concept l'année suivante avec le Final Cut Studio : il n'est plus possible d'acheter les logiciels séparément. La suite adopte cependant le même prix que Final Cut Pro seul, 1000 $, avec des giga-octets de bandes sonores et de contenus graphiques libres de droits inclus.
Les vidéos de démonstration tournant en boucle sur les salons mettent en évidence les grosses productions hollywoodiennes. Apple veut marquer les esprits et montre qu’elle dispose d’une suite complète d’outils professionnels permettant d’aller jusqu’au bout des projets les plus complexes. C’est aussi le moyen de mettre en avant son système d’exploitation, Mac OS X, qui arrive à maturité, ainsi que ses Mac, toujours plus puissants.
2004-2006 : l’ouverture et l’universalité pour s’imposer
Avec tous ces nouveaux talents, Apple a acquis en très peu de temps des connaissances et des technologies qui vont pouvoir être mises très rapidement au service de Final Cut Studio, des fermes de calculs utilisant des dizaines de processeurs avec l'équipe de Shake, à l’accélération graphique GPU avec l'équipe de Motion.
C’est précisément en travaillant sur l’échange entre les différents logiciels qu’Apple comprend que pour imposer Final Cut Pro, il faut que celui-ci soit le plus ouvert possible. Ainsi, la firme de Cupertino fait le choix de supporter le format d'échange XML. L’intérêt des fichiers XML est que ce sont de simples fichiers textes et n’importe quel développeur peut écrire des passerelles de communication entre Final Cut Pro et un autre logiciel. L’adoption du standard XML permit une rapide intégration de Final Cut Pro dans toutes les grosses structures comme les chaînes de télévision par exemple.
Derrière cette ouverture se cache une politique globale pour que Mac OS X devienne la principale plateforme pour la post-production. L’ouverture logicielle ne se suffit pas à elle-même : le Mac lui-même doit devenir une plateforme universelle. Le passage aux processeurs Intel réalise cet objectif : le Mac devient une station universelle faisant tourner des applications Mac OS X, Windows et Linux et pouvant pénétrer le cœur de toutes les structures de post-production. La mise à jour Universal Binary de Final Cut Studio en 2006 permet aux logiciels de la suite de bénéficier de la puissance et des fonctions temps-réel des processeurs Intel multi-cœurs.
2007 : Apple ProRes, « one codec to rule them all »
Lors du NAB 2007, Apple voit les choses en grand pour le lancement de Final Cut Studio 2 : elle s'offre le plus grand stand et le plus grand théâtre du salon. L’intégration du logiciel Color sans changement de prix fait grand bruit : elle démocratise l'étalonnage numérique. Apple parle alors de « Final Cut World » : 1,5 million de licences ont été vendues. Ce n'est cependant pas l'annonce la plus importante de l'année : la création d'un tout nouveau codec de compression, le ProRes, est bien plus cruciale.
Depuis le départ, la philosophie de Final Cut Pro était d’être compatible et natif avec l’ensemble des caméras disponibles. On pouvait le résumer de cette façon : « je monte ce que je tourne », sans passer par des formats propriétaires comme le faisait Avid par exemple. Une problématique est apparue au milieu des années 2000, chaque constructeur de caméras voulant créer son propre format, ses résolutions et parfois même ses cadences d’images. Au-delà du nombre de formats, les constructeurs développèrent des codecs d’enregistrements optimisés pour la taille des fichiers. Ces codecs sont optimisés pour la lecture, mais en aucun cas pour être travaillés en post-production : éditer des fichiers HDV, par exemple, demande beaucoup de puissance processeur, ralentissant le logiciel, les actions, les rendus. Le HDV n'est pas le seul dans ce cas : le format RED ou de nouveaux algorithmes de compression H.264 sont tout aussi complexes à décoder.
Apple prit la décision de développer un codec de compression très léger pour la post-production et sans perte de qualité : le ProRes. L'annonce de boîtiers d'acquisition AJA KiPro, enregistrant directement en ProRes, ouvre la porte à l'universalité de ce codec : dès la fin du salon, de nombreux éditeurs et constructeurs annoncent le support du ProRes. Format pensé pour la post-production, le ProRes donne beaucoup de latitude aux étalonneurs pour jouer sur les couleurs. Deux ans après son annonce, le ProRes est devenu un codec universel supporté par une grande partie de l'industrie, y compris par des concurrents directs de Final Cut Pro.
En ouvrant Final Cut Pro à tous les autres logiciels via l’échange de fichiers XML et en développant un codec universel comme le ProRes, Apple a donc réussi à affirmer la position de Final Cut Pro au coeur du flux de post-production,le rendant si ce n’est indispensable, incontournable.
2009 : Final Cut Studio, les limites du concept
En une dizaine d’années, Apple a su porter Final Cut Pro du statut de jeune challenger au statut de leader mondial incontesté. Cette réussite est due à une politique tarifaire extrêmement agressive que seule Apple peut se permettre. Elle est aussi due à l’innovation par l’acquisition et le développement de technologies permettant aujourd’hui avec Final Cut Studio de couvrir pratiquement tout le spectre de la post-production, le tout avec une grande facilité d’échange des données entre tous les logiciels de la suite.
Si l’ajout de logiciels et de fonctionnalités a permis d’augmenter les possibilités de la suite, il a aussi engendré un certain nombre de points négatifs :
- disparité des interfaces utilisateurs entre les différents logiciels et des raccourcis claviers non homogènes entre les applications ;
- chaque logiciel dispose de son propre moteur de rendu, ce qui engendre une disparité dans les rendus d’un même plan entre les logiciels ;
- certains logiciels ou effets de Final Cut Studio se concurrencent : pour ajouter un titre on peut utiliser Boris, Livetype, Motion ou l’outil texte de FCP, chacun ayant un fonctionnement différent. Tout ces doublons font que Final Cut Studio s'alourdit et se complexifie inutilement pour l’utilisateur. Il est impossible pour un monteur de maîtriser l’ensemble des logiciels ;
- le plus grand problème : le code de Final Cut Pro, qui hérite de dix ans d'évolutions, n'est plus en phase avec le matériel et le logiciel actuels. Final Cut Pro ne peut tirer avantage de toutes les dernières évolutions : 64 bits, multiprocesseurs, accélération graphique, calcul en arrière-plan…
Final Cut Pro X : La relève pour la prochaine décennie ?
En 2007, Final Cut Studio 2 consacre la suite d’Apple comme un indispensable dans toutes les sociétés de post-production. Pour autant, si la suite d’applications professionnelles d’Apple est à son pic de célébrité et des ventes, les développeurs savent que pour répondre aux besoins des prochaines productions, il faudra absolument revoir Final Cut Pro en profondeur.
Durant les mois qui suivent la sortie de Final Cut Studio 2, les responsables du développement sont allés, en toute discrétion, à la rencontre de clients-clefs à travers le monde, afin de voir et de comprendre toutes les problématiques liées aux nouveaux flux de production. Le choix de repartir de zéro fut pratiquement décidé dès le départ, afin de se libérer des entraves de l’ancien code, mais aussi pour développer un nouveau logiciel qui définira les bases de ce que sera le montage des 10 prochaines années.
En 2009, Apple, absente de tous les salons, lance un nouveau Final Cut Studio. Cette version laisse une impression mitigée, car très peu de nouveautés y sont intégrées, seul Motion 4 évoluant réellement. Malgré ce manque de nouvelles fonctionnalités, Final Cut Studio « 3 » reste l’une des meilleures offres disponibles, encore aujourd’hui, sur le marché. Mais, il ne fait alors aucun doute que les développeurs ont déjà mis en chantier le futur Final Cut Pro.
Deux ans plus tard, l’attente arrive à son terme : au NAB 2011, Apple dévoile un petit aperçu de Final Cut Pro X avec une toute nouvelle architecture 64 bits et une interface utilisateur entièrement repensée. Si beaucoup de questions ont trouvé réponse, la présentation a elle-même soulevé de nombreuses interrogations. Le passage direct à une version 10 (sans FCP 8 et 9) montre une volonté de rupture totale avec l'ancien FCP. Annoncé pour juin 2011, Final Cut Pro se dévoilera dans quelques jours.
On peut faire de nombreuses analogies entre 1999 et 2011, deux périodes charnières avec des évolutions technologiques importantes :
- la révolution des caméras DV a laissé place à la révolution des caméras DSLR, RED… ;
- la distribution physique des films par DVD a été remplacée par une distribution en ligne avec des services comme YouTube, Vimeo… ;
- du point de vue matériel, le FireWire a laissé place au Thunderbolt, tandis que le temps réel qui nécessitait des cartes additionnelles est maintenant réalisé par le couple CPU/GPU de nos machines.
Il est clair qu’Apple veut réitérer ce qui a fait le succès du premier Final Cut Pro : tirer parti nativement de toutes ces nouvelles technologies pour Final Cut Pro X.
On peut néanmoins légitimement penser qu’Apple a des espérances encore plus grandes pour Final Cut Pro X, avec l’adoption d’une interface unifiée — ou presque – entre FCP X et le logiciel très grand public iMovie. Pour les millions d’utilisateurs d’iMovie sur Mac ou iPhone/iPad, le passage vers une solution plus complète comme FCP X se fera tout naturellement. Est-ce qu’Apple va réussir à faire tomber la barrière entre les logiciels professionnels et les logiciels plus grand public afin que Final Cut Pro X devienne LE logiciel universel de montage ?
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