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iTunes : 10 ans !

Anthony Nelzin-Santos

dimanche 09 janvier 2011 à 14:26 • 64

Logiciels

Ce 9 janvier, iTunes fête ses 10 ans. 10 ans d’une petite histoire qui suit celle du renouveau d’Apple, de Mac OS 9 à iOS, de l’iPod à l’iPad en passant par l’iPhone. 10 ans d’évolution et de révolutions, celle du marché de la musique, celle du podcasting, celle des applications. Alors que tout semble indiquer que le prochain terrain de jeu sera le nuage, iTunes explosera-t-il bientôt, pour le bonheur de ceux qui pensent qu’il n’est plus qu’une usine à gaz ?

D’Audion à iTunes
La première version d'iTunes est donc sortie le 9 janvier 2001, mais ses origines sont bien plus anciennes. La fin des années 1990 correspond à une explosion des usages de l'Internet, parmi lesquels on trouve l'échange de fichiers musicaux au très populaire format MP3. Sur Mac, on peut lire ces fichiers avec plusieurs programmes, mais deux sortent du lot : SoundJam MP, lancé mi-1998 par Casady & Green, et Audion, lancé un an plus tard par Panic. Les deux logiciels avaient leurs fans invétérés (tout le monde sait qu'Audion était de toute façon le meilleur), chaque équipe de développement répondant à l'autre.

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Audion 3 (la toute dernière version d'Audion) sous Mac OS 9


Quelques jours après la sortie d'Audion, Cabel Sasser, le co-fondateur de Panic, envoie un courriel à Steve Jobs pour lui présenter son logiciel. Quelques semaines plus tard, c'est Charles Wiltgen qui lui répond : celui-ci est alors en charge des relations avec les développeurs pour les technologies QuickTime. « J'aimerais parler avec vous du futur d'Audion » annonce-t-il : en plein développement de Mac OS X, Apple est à la recherche d’un lecteur musical.

Mais le géant de l’Internet AOL aussi s’intéresse à ce segment : il vient de s’offrir Nullsoft pour 86 millions de dollars. Nullsoft, la société de Justin Frankel, qui édite Winamp, le logiciel musical par excellence, un des plus anciens, et celui qui a lancé la révolution MP3. AOL, qui prend le virage musical en multipliant les annonces et les acquisitions, cherche un lecteur pour Mac.

C’est Panic qui reçoit un coup de fil, mais Sasser a une exigence : pour battre SoundJam, Audion doit rester Audion, et Panic doit rester Panic. Les discussions prennent du temps ; Apple a entre-temps présenté Mac OS X et son spartiate Music Player. La firme de Cupertino programme un nouveau rendez-vous avec Sasser pour juin 2000, mais elle prend vent des tractations entre Panic et AOL. Le mal est fait : Apple se tourne alors vers SoundJam.

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SoundJam, l'ancêtre d'iTunes


Deux de ses développeurs, Bill Kincaid et Dave Heller sont embauchés par Apple, qui avait déjà engagé Jeff Robbin, un autre développeur de SoundJam. La firme de Cupertino achète les droits sur SoundJam à Casady & Greene, avec une clause de confidentialité de deux ans. Le 9 janvier 2001, à la Macworld Expo San Francisco, Steve Jobs présente iTunes.

Très vite, les utilisateurs découvrent le pot aux roses : les ressources d’iTunes montrent qu’il est en grande partie basé sur SoundJam. Apple ne l’a pas particulièrement caché, SoundJam transpirant des boîtes de dialogue à certains comportements en passant par les effets visuels. Heller et Robbin auraient fourni le plus gros effort de développement, mais le fait est là : encore aujourd’hui, iTunes contient du code dont les premières lignes ont été écrites en 1998.

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iTunes 1.1 et son icône à trois croches


iTunes a plusieurs avantages sur la concurrence, à commencer par son interface. L’aluminium brossé commence à s’imposer sur Mac OS 9 grâce à QuickTime ou Sherlock, et la combinaison de la barre latérale, du champ de recherche et des trois colonnes (genre, artiste, album) pour naviguer dans une fenêtre est saluée par les premiers testeurs.

Il est le premier à combiner importation et gravure d’un CD de manière intégrée, avec support du MP3, à l’heure où l’iMac est doté d’un graveur DVD et où la publicité « Rip, mix, burn », tant appréciée des labels musicaux, passe en boucle à la télévision. Enfin, il est gratuit, alors que ses concurrents valent une trentaine de dollars.



En mai 2001, Casady & Greene annonce l’arrêt la distribution de SoundJam. La société ferme ses portes en juillet 2003 : iTunes est alors devenu un phénomène mondial.

2001-2003 : de l’iPod à l’iTunes Store
2001 a été une grosse année pour Apple, qui a patiemment posé ses pions : iTunes en janvier, Mac OS X en mars, l’iPod le 23 octobre. Le trio forme la machine qui a sorti Apple de l’impasse et l’a remis sur le devant de la scène.

iTunes n’est pas intégré à Mac OS 9, mais il l'est à Mac OS X 10.0 (24 mars 2001), dans sa version 1.1, que vous pouvez toujours télécharger. Il faut attendre deux mois pour qu’elle soit disponible dans une autre langue que l’anglais, en l’occurrence le français, l’allemand, l’italien, le néerlandais, l’espagnol et le japonais.

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iTunes 1.1


iTunes devient vite assez populaire parmi les Mac-users. Lorsque Steve Jobs dévoile l’iPod le 23 octobre 2001, il présente avec lui iTunes 2.0, qui devient son logiciel compagnon. On peut alors stocker un maximum de 32.000 morceaux dans iTunes, alors que l’iPod peut contenir jusqu’à 1.000 morceaux. Le transfert s’effectue par le biais d’un port FireWire en une dizaine de minutes. iTunes n’étant disponible que sur Mac OS, l’iPod n’est pas compatible avec Windows.

À l’époque, la presse accueille donc l’iPod assez tièdement, la possibilité de graver des CD MP3 retenant beaucoup plus l’attention par les questions qu’elle soulève chez les majors. iTunes 2.0 accueille aussi un égaliseur et la lecture en fondu.

Malgré le discours que développera Apple pour éviter les autorités de la concurrence, le lien entre succès d'iTunes et succès de de l'iPod est évident


iTunes va connaître quatre mises à jour mineures. La 2.0.3 supporte le Rio One MP3 : on l’a depuis oublié, mais les premières versions d’iTunes supportaient aussi bien l’iPod que d’autres baladeurs, les intégrant dans la barre latérale et permettant leur synchronisation.

iTunes permet de suivre les évolutions d’Apple. La 2.0.4 étant la dernière disponible pour Mac OS 9, c’est une page qui se tourne avec iTunes 3, qui requiert, à l’été 2002, Mac OS X 10.1.4. Il intègre les livres audio d’Audible, les listes de lecture intelligentes et un correcteur de son.

Mais la première franche évolution d’iTunes remonte au 28 avril 2003 avec l’arrivée de l’iTunes Music Store. La légende veut que lors des tractations avec les maisons de disque, Steve Jobs ait argué qu’iTunes ne représentait qu’un risque minime, puisqu’il n’était disponible que sur Mac OS X, avec une part de marché minuscule (il compte alors 13 millions d’utilisateurs). Nous sommes alors aux heures dorées de Kazaa.

L’objectif est pourtant clair : certes, réduire le piratage, mais comme l’avouait alors Phil Schiller, vendre plus d’iPod, et donc vendre plus de Mac. L’utilisation de DRMs a toujours été ambivalente : elle permet certes de freiner le piratage en limitant l’utilisation du fichier (à trois ordinateurs dans le cas d’Apple, limite qui sera ensuite portée à cinq), mais elle verrouille aussi une boutique à un appareil. La DRM d’Apple n’était donc pas forcément Fairplay.

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L'iTunes Store dans iTunes 4


Mieux encore : six mois après sa sortie, iTunes 4 est mis à jour en 4.1 et débarque sur Windows. L’iPod 3G, sorti en même temps qu’iTunes 4 avec sa molette tactile et son connecteur dock 30 broches qui vient remplacer le port FireWire s’ouvre donc à un public bien plus grand, comme le fait l’iTunes Music Store. Port propriétaire, magasin propriétaire, logiciel propriétaire : Apple est désormais à la tête d’un écosystème entièrement intégré — et iTunes en est le fer de lance.

2003-2010 : un empilement de fonctions ?
De 350.000 morceaux vendus le premier jour, l’iTunes Music Store atteint les 100 millions à l’été 2004. La boutique d’Apple, qui vend 50 millions de morceaux par mois, atteint le demi-milliard le 18 juillet 2005. 1.033 jours après son lancement, le 23 février 2006, la barre du milliard est franchie : pour avoir acheté Speed of Sound de Coldplay, Alex Ostrovsky (16 ans) reçoit un coup de fil de Steve Jobs, qui lui offre alors dix iPod, un iMac, 10.000 $ de bon d’achat sur l’iTMS, et une bourse d’études à son nom à la prestigieuse Juilliard School.

Le calendrier des mises à jour d’iTunes s’aligne désormais avec la sortie des iPod et la disponibilité de nouveaux contenus. iTunes 5 (septembre 2005, iPod nano 1G) abandonne l’aluminium brossé pour un look un peu plus Aqua. iTunes 1.0 avait abandonné les skins d’interface de SoundJam, et ce sont pourtant les évolutions de l’interface du lecteur musical d’Apple, une nouvelle à chaque mise à jour, qui seront désormais scrutées. Cette version améliore le moteur de recherche d’iTunes et la fonction Shuffle : les bibliothèques, qui peuvent désormais être de taille illimitée, grossissent en même temps que l’iTunes Music Store, qui compte désormais 2 millions de morceaux, et s’enrichit chaque mardi.

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ITunes 5 n’a pourtant été qu’une version de transition : à peine deux mois plus tard, c’est une évolution du contenu du Store qui a dicté l’apparition d’iTunes 6. L’iTunes Music Store accueillait en effet séries TV et courts métrages, tous issus du catalogue Disney (Pixar et ABC) : le lecteur musical devenait lecteur multimédia en permettant de lire les films, éclipsant ainsi un QuickTime vieillissant.

Cet alignement entre évolution du contenu, évolution de la gamme iPod et évolution du logiciel va perdurer : iTunes 7 (septembre 2006) correspond à l’arrivée des films sur ce qui s’appelle désormais l’iTunes Store, et peut désormais gérer les jeux pour iPod. Son interface est à nouveau revue et intègre Cover Flow, affichage conçu par Andrew Coulter Enright qui sera aussi inclus dans l’iPhone (janvier 2007) puis Mac OS X Leopard (juin 2007).

Alors que c’est iSync qui a toujours été utilisé pour la synchronisation des téléphones sous Mac OS X, c’est iTunes 7.3 qui se charge de l’activation et de la synchronisation de l’iPhone (juin 2007). Deux nouvelles catégories apparaissent dans la barre latérale, suivant les évolutions du Store : iTunes U (podcasts éducatifs) et sonneries.

L’App Store n’a pas donné lieu à une nouvelle version majeure : iTunes 7 a fait de la résistance en tenant deux saisons. iTunes 8 a apporté Genius, la vue en grille, une nouvelle interface de gestion des podcasts, une meilleure gestion des applications iPhone, les séries en HD.

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L'App Store dans iTunes 7… sous Windows


iTunes 9 ? Une nouvelle interface, mais surtout un tout nouvel iTunes Store dans lequel on navigue désormais avec WebKit (et sans panier d’achat), le moteur de Safari, sans même parler des iTunes LPs des iTunes Extras et du partage à domicile. iTunes 10, en plus d’à nouveau apporter des modifications d’interface, a intégré Ping, le réseau social d’Apple. Sa nouvelle icône signe la mort du CD : Apple est désormais le plus grand vendeur de musique dans le monde, tous supports confondus. Mais elle avoue aussi qu’iTunes n’est plus tout à fait ce qu’il était, au point qu’on a même évoqué un changement de nom.

Au fil des années donc, Apple a ajouté des fonctions à ce qu’il convient d’appeler le véritable hub numérique de la firme. Pierre angulaire de sa stratégie multimédia, iTunes est devenu un petit OS à lui tout seul, gérant iPod, iPhone, iPad et autres Apple TV, morceaux de musique, podcasts, films, séries TV, applications et radios.

iTunes
iTunes 10


Trop lourd ? Peut-être : il doit porter l’héritage de dix ans d’évolutions, mais est en ce sens un véritable témoin de la renaissance d’Apple, dont le nom est désormais sur toutes les lèvres. En devenant une interface aux contenus et aux contenants, il a déplacé le centre du hub numérique : il est le serveur d’un écosystème intégré, verrouillé autrefois par la musique, aujourd’hui par les applications.

Alors qu’iPhone, iPod touch et iPad peuvent aujourd’hui être autonomes, Apple refuse de tout à fait couper le cordon avec la version Mac et Windows d’iTunes. Pourtant, les appareils iOS disposent de leur propre accès à l’iTunes Store et à l’App Store — mais la consultation des médias est cloisonnée par type (musique, vidéos). Le passage par iTunes a également ses avantages (activation, sauvegarde forcée, mises à jour).

La transition imparable d’Apple vers le nuage pourrait peut-être signifier la décentralisation d’iTunes, qui pourrait assumer son rôle de serveur en sortant de nos ordinateurs et en assurant streaming musical, de vidéos, sauvegarde et mise à jour over-the-air. iTunes serait dissous pour mieux triompher : il deviendrait l’essence même des appareils Apple.
illustration magazine 25 ans

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