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Test d'Aperture 3

Anthony Nelzin-Santos

jeudi 18 mars 2010 à 15:47 • 15

Logiciel

Il a fallu près de deux ans à Apple pour passer la troisième, et son logiciel de production photographique en a souffert : alors que Lightroom a profité du temps qui passe pour s'affûter, doublant sa part de marché, Aperture a stagné, tant en parts de marché (15 % environ) qu'en fonctions. Cette nouvelle version, qui sort quelques mois avant Lightroom 3, pour le moment en bêta, apporte son lot de nouveautés, à la fois pour les amateurs avertis venant d'iPhoto et pour les pros qui commençaient à s'impatienter.

Le logiciel de traitement photographique devient un petit logiciel de retouche intégrée, dans une interface plus claire, et augmentée de fonctions répondant à l'évolution du marché de la photo ces dernières années. Apple en liste plus de 200 sur son site, nous nous arrêterons à celles que nous considérons comme étant les plus significatives.

Une interface subtilement remaniée
Aperture reste Aperture, avec une interface commune à toutes les Pro Apps, mais celle-ci a pris un petit coup de jeune, avec des polices, des glissières et des boutons plus gros et des icônes plus claires et plus lisibles. Quelques pixels sont certes perdus, mais c'est au profit de la lisibilité et du confort d'utilisation. De manière générale, l'interface est un peu moins austère, sans pour autant distraire l'utilisateur de son objet, le traitement de l'image.



Une des principales nouveautés en matière d'utilisation est le mode plein écran, qui n'est plus limité au traitement de l'image. Il est donc désormais possible d'afficher un navigateur en plein écran une barre de navigation dans les projets s'affichant alors en haut de l'écran. Le mode plein écran traditionnel reste là, la navigateur de miniatures, affiché en bas de l'écran, ayant lui aussi été repensé pour offrir une navigation plus facile.



Il est aussi possible de verrouiller les barres d'outils et les inspecteurs, ce qui permet d'éditer une image en plein écran avec les inspecteurs en vue HUD collés (« stackés ») à un côté de l'écran, configuration qui prend toute sa dimension en mode bi-écran. Pour verrouiller les inspecteurs, il suffit de commuter la petite glissière illustrée d'un cadenas qu'ils possèdent tous.



Le mode plein écran est donc maintenant bien plus utile, permettant à la fois de libérer de la place sur les écrans étroits des MacBook en minimisant l'interface, mais aussi de tirer parti de la surface d'écran gigantesque offerte par nos moniteurs moderne. On remarquera cependant que sur les configurations les plus modestes, il reste toujours aussi exigeant pour la carte graphique (même si le chipset NVIDIA Geforce 9400M des Mac mini et MacBook ne s'en sort pas trop mal).


Importation et organisation : du mieux
La fenêtre d'importation de photos a elle aussi été remaniée : fini les effets et les flèches, place à un panneau plus sobre, et surtout plus fonctionnel.

Il est maintenant possible de définir quels sont les éléments qui constituent ce panneau d'importation, par exemple pour y ajouter le contrôle des mots-clefs, des informations de copyright. Toute la barre latérale du panneau d'importation va dans le sens d'un travail plus séquentiel, et plus automatisé (on peut ainsi appliquer à la volée des préréglages d'image, dont on reparlera plus tard, mais aussi de sauvegarder les images dès l'importation).



Aperture est désormais capable de séparer les images en plusieurs projets définis selon des intervalles temporels (journée, mais aussi semaine ou intervalles de 2 ou 8 heures), même si le plus simple est encore de sélectionner des images et d'utiliser les cases à cocher pour désigner les images à importer. Enfin, Aperture gère désormais mieux la fonction permettant aux reflex d'enregistrer un fichier RAW et un fichier JPG à chaque cliché, et l'on pourra choisir d'importer la paire (avec le JPG comme master, le RAW comme master, ou un master différent pour chaque), ou un des deux seulement.

Il y aussi du mieux dans la manière dont Aperture gère les bibliothèques. S'il était jusque-là parfois ennuyeux de passer d'une bibliothèque à l'autre, Aperture 3 gère désormais cette situation de manière élégante, en permettant de passer d'une photothèque à l'autre par un élément de menu (Fichier > Activer la photothèque), où les plus bibliothèque les plus récentes sont listées. Le nom de la photothèque en cours apparaît clairement dans l'interface pour éviter de se mélanger les pinceaux. Un ajout bienvenu pour une fonction qui faisait défaut à Aperture depuis le début.



Si vous avez l'habitude de travailler sur deux ordinateurs (un en shooting et un au studio par exemple) ou plus, Aperture propose désormais une fonction de fusion et de synchronisation des bibliothèques assez simple. Il suffit de glisser la photothèque que l'on souhaite fusionner dans la fenêtre Aperture d'une photothèque déjà ouverte, et Aperture ajoutera non seulement les clichés manquants à la bibliothèque maîtresse, mais proposera aussi de mettre à jour les fichiers présents dans les deux bibliothèques, mais qui ont été modifiés dans la bibliothèque que l'on importe. Une fonction là encore bienvenue pour accélérer le workflow, même si l'on regrette qu'à l'inverse, il soit toujours aussi difficile de diviser une bibliothèque en bibliothèques plus petites.

Une fois dans la bibliothèque, on remarquera de petits ajustements cosmétiques qui ont une portée pratique. À la manière des événements d'iPhoto, les projets Aperture ont désormais un petit panneau d'informations, permettant de leur ajouter une description et de les localiser, et ils peuvent aussi être regroupés par date ou par dossier.



Enfin, drapeaux et étiquettes font leur apparition, étendant d'autant les possibilités de tri des clichés.

Visages et Lieux : l'influence d'iPhoto
D'iPhoto, justement, Aperture s'inspire en récupérant Visages et Lieux. On connaît bien les deux fonctions : la première permet de reconnaître les personnes présentes sur les photos de manière plus ou moins automatique, et la seconde permet de géolocaliser ses images.

Rien à dire sur la fonction Lieux : bien intégrée au logiciel, elle tire parti des rares modules GPS, parfois intégrés aux appareils (comme le Nikon Coolpix P6000… ou l'iPhone), et permet sinon de placer ses photos à la main sur une carte. Carte fournie par Google Maps, ce qui nécessite une connexion à Internet, mais on se consolera peut-être avec la nouvelle vue "Terrain" qui permet d'apprécier le relief de la zone, mais avec un niveau de zoom un peu trop limité.



La plupart des appareils étant dépourvus d'un module GPS, et le placement à la main étant fastidieux, Aperture permet aussi d'utiliser l'iPhone comme module GPS. Il suffit, pendant une séance photo, de prendre des photos-repères avec l'iPhone (doté d'un GPS depuis le modèle 3G). De retour dans Aperture, on pourra assigner les photos localisées prises avec l'iPhone aux photos importées depuis le reflex, pour retracer l'itinéraire de la prise de vue. Une fonction qui sera certainement appréciée par ceux qui aiment se perdre pour prendre des photos.



Si Lieux est plutôt bien intégré, il en va tout autrement de Visages. Cette fonction ne détonne pas dans le logiciel, permettant une autre forme de navigation, mais elle est lente, archi-lente. D'abord lors du passage d'Aperture 2 vers Aperture 3, qui impose de parcourir toutes les images à la recherche de visages : comptez une nuit pour 10.000 clichés en RAW 10MP. Ensuite dans sa manipulation, qui si elle est identique à celle de la même fonction dans iPhoto, est entâchée de nombreux bogues, recensés dans les forums d'Apple comme dans ceux de MacGeneration. En l'état, et sans même discuter de l'utilité de cette fonction, Visages est donc inutilisable sur Aperture 3 — même si la mise à jour 3.0.1 lui a redonné quelques couleurs.


Répondre à Lightroom : ajustements, préréglages, pinceaux
Si l'interface simplifiée et l'intégration de Visages et Lieux peut faire penser à une volonté d'Apple de s'adresser à ceux qui se sentiraient « coincés » par iPhoto, Aperture n'en oublie pourtant pas les experts et les professionnels, avec l'intégration de fonctions depuis longtemps demandées : de nouveaux outils d'ajustements comme les courbes, des préréglages d'ajustements, et des pinceaux.

Les ajustements n'ont guère changé, même si les glissières sont désormais un peu plus grosses et un peu plus faciles à manipuler. De nouveaux ajustements font leur apparition : si la correction de l'aberration chromatique était attendue, que dire des courbes, qui font enfin leur entrée dans Aperture ! Leur emploi est plus simple que les niveaux jusque-là employés par le logiciel d'Apple, et permet plus de contrôle, notamment par le choix de la gamme, permettant de travailler au choix sur la totalité de l'étendue de la gamme dynamique de l'image, ou au contraire uniquement sur les tons foncés, et du type de correction, linéaire ou gamma, permettant un grand degré de contrôle, notamment pour le travail sur les zones sombres.



Par défaut, les courbes ne sont pas affichées. Il faut aller les chercher dans la nouvelle liste déroulante des ajustements. Une fois que l'on a affiché les courbes, il est possible de faire en sorte qu'elles apparaissent tout le temps dans la liste des ajustements. Il suffit de cliquer sur la petite icône en forme d'engrenage en haut à droite du panneau, et de choisir "Ajouter à l'ensemble par défaut". On fera la manipulation inverse pour supprimer des ajustements, comme les réglages de précision RAW, à réserver aux experts.



Une autre nouveauté attendue depuis longtemps était le support des préréglages d'ajustements. Apple en fournit quelques-uns, permettant d'appliquer un traitement croisé numérique ou de simuler les filtres colorés en noir et blanc, mais ils prennent toute leur dimension quand ils font partie d'un workflow réfléchi.



Ces préréglages permettent ainsi de corriger un défaut constant et connu d'un appareil (par exemple en termes de balance des blancs), mais aussi et surtout d'appliquer des « styles » à la volée. On peut espérer que comme pour les presets Lightroom, une forte communauté se forme et propose de nombreux ajustements pour Aperture. Une petite bulle permet de prévisualiser les modifications, fonction qui tire un peu sur la carte graphique. Notons qu'il faut passer par le menu "Modifier les préréglages" pour renommer, trier, ajouter et supprimer des préréglages, dans un panneau assez austère, mais qui permet une gestion assez rapide.

Enfin, Aperture vient chasser sur les terres des éditeurs d'images et notamment de Photoshop en incluant, à la manière de Lightroom, des pinceaux non-destructifs. Si Aperture 2 en avait donné un aperçu, Aperture 3 va un peu plus loin, en incluant un outil de lissage de la peau côté retouche, un outil Polariser et un outil Intensifier le contraste qui rappelleront les styles de calque Multiplier et Incrustation dans Photoshop, ainsi que des outils permettant d'appliquer de nouveaux ajustements localisés : réduction du halo (des aberrations chromatiques), réduction du bruit, et flou.



Si l'utilisation des pinceaux pour localiser des ajustements a fait ses preuves, on peut être plus dubitatif quant aux outils "Lissage de la peau" ou "Polariser" et "Intensifier le contraste", dont l'usage est plus intensif. Si les pinceaux d'Aperture savent détecter les bords, ils restent quelque peu imprécis, tout comme le sont les brosses de Lightroom. Une bonne sélection lasso à la tablette sous Photoshop reste encore et toujours le moyen à la fois le plus rapide et le plus propre de parvenir à ses fins.



Et le reste…
Aperture 3 s'enrichit aussi de fonctions répondant aux nouvelles pratiques photographiques. De plus en plus de compacts experts et de reflex étant capables de filmer, et parfois très bien, Aperture sait désormais gérer la vidéo, y compris HD. Là encore, la fonction reste anecdotique, avec des possibilités à peu près aussi étendues que celles de Quicktime X en la matière, c'est-à-dire limitées au « trim ». Au moins peut-on définir un éditeur externe pour le montage.

L'intégration des vidéos répond en fait à l'imbrication de la photo et de la vidéo dans le cadre de projets multimédia, en ces temps où l'on produit beaucoup pour le Web. Les nouveaux diaporamas permettent ainsi de mélanger images fixes et animées. Apple les vend comme étant des diaporamas avancés, et ils le sont : supportant la vidéo HD, ils reprennent les thèmes fournis avec iPhoto, en ajoutant deux, "Panneaux aquarelles" et "Panneaux coulissants".



Il est possible d'y ajouter de l'audio, des commentaires audio que l'on peut dicter à son appareil et qu'Aperture est enfin capable d'importer aux morceaux sans DRM de votre bibliothèque iTunes. L'ajout des bandes-son (« des », car le multi-piste est supporté) est très semblable à ce que l'on peut trouver dans iMovie, comme le sont les transitions, les titres, les bordures et les couleurs. Un fonctionnement que certains détestent, mais qui est très pratique, et permet de créer des diaporamas prêts-à-envoyer directement dans Aperture.

Enfin, puisque l'on produit beaucoup pour le Web, Aperture intègre des fonctions de publication Web, vers MobileMe, Flickr, ou, peut-être plus anecdotique, vers Facebook. Si l'intégration de ces fonctions est une bonne nouvelle dans la perspective d'un workflow intégré, on peut regretter le choix qu'a fait Apple de la synchronisation absolue : tout changement apporté à une image après sa publication sera reporté sur l'image publiée. Si cela peut convenir à certains, il n'est pas sûr que tout le monde apprécie ce mode de fonctionnement.

Pour conclure
On pourrait continuer ainsi pendant des heures, tant Aperture 3 a ajouté ça et là de petites fonctions plus ou moins utiles.

On peut regretter que le logiciel de traitement d'images d'Apple soit encore assez lourd sur les configurations les plus légères : sur un Mac mini 2,26 Ghz avec 2 Go de RAM, le ballon de volley de la mort fait souvent son apparition, ne serait-ce que sur des tâches de visualisation. Surprise : sur un MacBook Air de première génération doté d'un disque SSD, Aperture est une bombe (y compris sur une photothèque de 30.000 images stockée sur un disque USB). C'est donc bien la mémoire qui limite Aperture : 4 Go semblent être la configuration minimale, comme l'est un disque dur rapide (7200 TPM ou SSD) si on n'a que 2 Go, pour limiter la latence du swap. Apple est donc bien optimiste quand elle annonce qu'1 Go suffit…

C'est bien le seul défaut restant à Aperture, Apple ayant visiblement décidé d'être réactive avec son logiciel, livrant trois mises à jour pour Aperture en un mois : une pour le support de plus de fichiers RAW, une de stabilité réglant pas mal de bogues, et une autour des diaporamas. On espère que cette tendance se poursuivra, et qu'Apple rattrapera son retard en termes de support des fichiers RAW.

En faisant le pont entre les utilisateurs d'iPhoto et les utilisateurs les plus pros, Apple a réussi son pari avec cette nouvelle mouture d'Aperture. Cinq ans après sa naissance, le logiciel de traitement d'images d'Apple atteint la maturité, mais Adobe prépare déjà son Lightroom 3, qui lui aussi aura des arguments à faire valoir. Malgré les efforts d'Apple, le statu quo semble donc de mise : les amateurs d'Aperture seront charmés par cette nouvelle version, les utilisateurs d'iPhoto y passeront peut-être, mais il 'est pas dit que les propriétaires de Lightroom quitteront leur chambre noire favorite…
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