Des centaines d'iPad pour les élèves et les enseignants, des dizaines d'Apple TV installées dans les classes… le Pôle de Formation Briacé (collège et lycée, avec des spécialités agricoles) a dépassé le stade de l'expérimentation des outils numériques dans un cadre pédagogique. Depuis la rentrée 2013, l'ensemble des élèves, des éducateurs et des professeurs est équipé avec 750 iPad Retina et iPad mini. Les enseignants, répartis sur trois sites, ont à leur disposition 50 salles de classe équipées en Apple TV branchées sur des vidéoprojecteurs vers lesquels ils envoient le contenu de leur tablette par AirPlay. L'objectif, raconte Anthony Mortier, le responsable informatique, était de donner corps au terme de « cartable numérique ». Explications…
Grâce à l'iPad, les élèves disposent d'une grande partie de leur manuel scolaire sur leur tablette, ils ont tous une boîte mail, un accès à leur planning en temps réel, à leurs notes et différents supports pédagogiques. Les enseignants, eux, commencent à utiliser la tablette dans de nombreuses disciplines et pour communiquer avec les élèves.
Ce projet est né d'un premier constat dressé après l'équipement de quelques salles en ordinateurs et vidéoprojecteurs interactifs « Nous nous sommes vite aperçu que l'interactivité des vidéoprojecteurs était très peu utilisée, car complexe et limitée, les postes informatiques ne servaient donc qu'à projeter du contenu depuis des supports externes ou Internet. » En recherchant quelque chose de plus simple, l'équipe est tombée sur AirPlay, système de transmission qui a été testé et approuvé avec quelques iPad personnels.
Cette phase de recherche s'est déroulée à une période où Briacé cherchait comment adapter ses pratiques pédagogiques et éducatives à une génération d'élèves amenée à devoir utiliser de tels outils. Une certaine dimension "ludique" du numérique dans un cadre pédagogique avait quelques avantages et pouvait apporter un complément à des techniques plus classiques « l'iPad ne remplace pas le poste de travail classique, celui-ci reste un meilleur outil de production même si la tablette Apple s'en rapproche de jour en jour ».
Deux autres facteurs ont accéléré la mise en oeuvre du projet d'équipement de Briacé. D'abord la plateforme iTunes U d'Apple sur laquelle les établissements proposent des contenus pédagogiques et puis la visite, à la rentrée 2012, d'une école italienne qui avait déployé plus de 1000 iPad.
Un premier groupe de réflexion a été constitué pour débroussailler les contours et les objectifs de ce projet afin d'être prêt pour la rentrée 2013/2014. Il a réuni membres de direction, enseignants, documentalistes et éducateurs autour d'une simulation réduite du projet.
10 salles de classe ont été équipées en Wi-Fi, Apple TV et les membres du groupe de travail ont reçu un iPad. L'intérêt de ce type d'outils dans l'éducation est rapidement apparu comme évident. Le projet a ainsi été lancé en 2013 par une première phase technique (Wi-Fi, accès Internet, équipements réseaux, vidéoprojecteurs, Apple TV) puis nous avons équipé l'ensemble des enseignants, éducateurs et membres de la direction au printemps 2013. Les élèves, eux, en ont été dotés à la rentrée 2013.
Avant de se tourner massivement vers les tablettes, Briacé avait un profil d'équipement assez classique, explique Anthony Mortier « L'outil informatique n'était pas plus ni moins répandu qu'ailleurs, nous avions environ 1 PC pour 5 élèves dans nos salles informatiques, même si Briacé a eu, dès la fin des années 1980, la culture du numérique avec l'utilisation de ses premiers ordinateurs »
Plus tard, les vidéoprojecteurs sont entrés dans les classes, le Wi-Fi a été généralisé sur les trois sites et l'équipe enseignante s'est investie sur l'emploi de ces outils. Le choix de l'iPad s'est décidé sur plusieurs critères : simplicité d'utilisation, absence de virus, robustesse, le choix en applications sur l'App Store et les différents outils éducation d'Apple et l'accompagnement fourni par Apple France.
Anthony Mortier insiste sur le travail de préparation réalisé en amont, avant un déploiement des tablettes auprès des élèves. Les enseignants ont reçu leurs iPad six mois en avance et deux journées de formation à deux mois d'intervalle ont été dispensées. Des enseignants porteurs de la qualification "Apple Professional Development" sont venus en renfort pour aider leurs collègues spécialisés dans les mêmes matières et leur expliquer comment publier du contenu sur iTunes U avec l'utilitaire Course Manager. Même régime, quelques mois plus tard, pour les élèves chez qui le niveau de maîtrise de ces outils était très inégal.
Cette période d’appropriation et de formation est un des facteurs essentiels de réussite d’un tel projet. Les élèves ont également bénéficié d'une première formation d'une heure à la remise de l'iPad puis quelques semaines plus tard d'une deuxième formation plus approfondie. Avec notamment un rappel des règles d'utilisation, l'organisation des fichiers dans la tablette, la prise en main des principales apps (iWork, iBooks, Adobe Reader, Dropbox).
Des règles d'usage des iPad ont été instaurées chez les élèves en fonction de l'âge. Les plus jeunes ne peuvent installer eux-mêmes d'applications sur leurs iPad, cela représente environ 120 élèves sur 660. La présence de jeux sur les tablettes a été également étroitement encadrée et surveillée.
Tous peuvent emmener leur iPad mini après les heures de cours et en dehors de l'établissement, autant pour travailler que se divertir « Dans l'ensemble, les élèves et les étudiants peuvent utiliser la quasi-totalité des fonctions de l'iPad […] l'objectif étant d'atténuer le décalage qui existe entre ces deux environnements. C'est pourquoi nous avons réduit au strict nécessaire les restrictions sur la tablette afin de leur laisser un maximum de liberté d'un côté et en les responsabilisant de l'autre »
Chez certains enseignants, quelques réticences initiales se sont exprimées, cependant la majorité aujourd'hui a adopté ces iPad et aurait du mal à s’en passer, observe le responsable informatique « C’est en tout cas le retour d’une grande partie des enseignants et éducateurs. L’iPad leur facilite la vie dans leurs tâches administratives (gestion des notes, absences, mail, etc.), pour la communication avec leurs collègues et les élèves grâce à la messagerie Office 365 et aux outils de messagerie instantanée installés sur chaque tablette ou encore avec la diffusion de contenus en classe grâce à AirPlay, notamment »
Certains enseignants, qui ont été formés aux outils pour produire du contenu, commencent à le faire vers iTunes U pour diffuser leurs cours à leurs élèves. Des règles ont été établies, par exemple pour maintenir une cohérence de charte graphique et de présentation. Chez les professeurs qui avaient déjà pris le pli de l'informatique, son usage s'est simplifié maintenant que les élèves sont tous équipés. Que ce soit pour échanger par mail, partager des documents via Dropbox ou récupérer des ressources sur iTunes.
Même si depuis 18 mois nous avions anticipé une grande majorité des problématiques, nous avons tout de même réalisé quelques réajustements. Petit à petit, nous adaptons la technique et les règlements afin d’optimiser la solution. Nous ferons le point dans quelques semaines pour préparer le déploiement pour les élèves de l’année prochaine en tenant compte de toutes ces difficultés rencontrées.
Les élèves font un usage quotidien de ces outils, pour des activités de base comme la messagerie ou l'accès Internet, mais aussi la consultation de Scolinfo (gestion des notes et cahier de textes numérique) et de leur agenda. Travail sur des manuels scolaires numériques et sur les ressources disponibles sur iTunes U. Les cours sont aussi l'occasion de mettre à profit des applications pédagogiques, des utilitaires et des applications de production comme Keynote et Pages.
Anthony Mortier énumère pour le moment plusieurs points positifs comme :
- L'adoption quasi totale de l'iPad dans les salles de classe, au minimum pour projeter du contenu par AirPlay, effectuer l’appel des élèves et gérer les tâches administratives par les enseignants.
- Le développement de nouvelles pratiques pédagogiques : devoirs sous format numérique avec par exemple des QCM, corrections commentées en vidéo, utilisations adaptées à de nombreuses matières (EPS, Langues, etc.), pédagogie inversée…
- Facilité de communication au travers notamment de la messagerie électronique sur l'ensemble des iPad et des outils
- Très peu de difficultés d'utilisation de la part des enseignants ,même pour des personnes qui n'étaient pas forcement à l'aise avec l'utilisation des TICE (technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement, ndr).
- Diminution de 30% des impressions et photocopies sur les 4 premiers mois de l'année
Côté face, il reste des obstacles à franchir, mais ils sont du ressort des autres acteurs de l'éducation, c'est le cas notamment des éditeurs de manuels :
Nous avons toujours quelques difficultés avec les éditeurs de manuels scolaires qui freinent le développement des manuels numériques, tout simplement pour un problème de DRM. Conséquences de tout cela, chaque éditeur propose sa propre application sur iPad avec des manuels qui ne sont pour la plupart que du PDF enrichi. La gestion des codes d’accès aux apps est un véritable calvaire, il faut passer par 2 ou 3 portails en ligne pour attribuer des licences aux élèves. De plus, certaines applications verrouillent l’accès aux manuels au-delà de 3 téléchargements. Nous avons par exemple des élèves qui effacent par mégarde l’application et lorsqu’ils relancent le téléchargement du manuel dans l’application, se voient refuser l’accès.
Sur le volet financier de ce projet, Pascal Souyris, le directeur du Pôle de Formation Briacé, évalue le coût en équipement par élève à 382€, 3300€ pour une salle de classe et 604€ par enseignant. « Le projet est intégralement financé par l’établissement via l’augmentation de la contribution des familles et des économies générées par la réduction du parc informatique PC ou encore la baisse du volume de photocopies… »
Enfin, si l'iPad a fait une percée très significative dans cet établissement, il est important de souligner que le PC traditionnel y a encore sa place. Un labo de langues contient 31 machines, 4 salles informatiques contiennent 21 postes en moyenne (pour des logiciels généralistes ou spécialisés comme Jardicad ou Mapinfo), les 3 CDI en ont entre 5 et 16, sans oublier les 30 PC portables ou de bureau du personnel enseignant. Les premiers pas des iPad sont jugés positifs, mais l'ampleur des changements amenés implique d'avoir beaucoup plus de recul, pour une évaluation plus fine et exhaustive « Nous pensons que trois années sont nécessaires pour faire un véritable bilan de l’apport du cartable numérique à la réussite de nos élèves. »
Compléments
- Voir aussi cet article qui détaille le quotidien des élèves avec ces tablettes [PDF].
- iTunes U de Briacé
En plus d'applications connues (iWork, Dropbox, iPhoto, Evernote…), des outils à visée pédagogique plus ou moins prononcée sont sollicités par les enseignants. Liste non exhaustive :
- Explain Everything (2,69€) : outil de tableau blanc
- Nearpod (gratuit puis In-App) collaboration entre tablettes
- GeoGebra : mathématiques
- Duolingo - apprentissage des langues
- SimpleMind+ : Mindmapping
- Orthographe Projet Voltaire (gratuit et version payante) : grammaire et orthographe
- OOReader : gestion des documents LibreOffice.