Le réseau X du milliardaire Elon Musk est banni depuis ce week-end au Brésil, quelques heures après que le juge de la Cour suprême Alexandre de Moraes a ordonné sa suspension en raison d’infractions judiciaires. Un blocage technique empêche désormais les Brésiliens d’utiliser le réseau social.
Une escalade de plusieurs mois
Comment une telle mesure a-t-elle pu se produire dans un pays au régime démocratique ? Le juge Moraes est une personnalité clivante et puissante au Brésil, un des onze membres de la Cour suprême et président du Tribunal supérieur électoral. Durant son enquête sur la tentative de coup d’État de 2023, il a ordonné le blocage de comptes de figures influentes sur les réseaux sociaux souvent proches de l’ex-président d’extrême droite Jair Bolsonaro, souligne le Figaro qui retrace l’affaire.
Il n’en fallait pas plus pour s’attirer les foudres du libertarien à la tête de la plateforme X. Elon Musk n’a guère fait preuve de diplomatie, parlant de « dictateur » et de « censure », demandant la « démission ou la destitution » du magistrat et annonçant lever « toutes les restrictions de comptes au Brésil ».
En avril 2024, le juge brésilien répond du tac au tac et ouvre une enquête sur Elon Musk pour la réactivation des comptes suspendus par la justice. Et pour que le message soit limpide, il y ajoute une amende de 20 000 dollars par jour pour chaque compte réactivé.
Le temps passe et la dette judiciaire que X refuse de payer s’alourdit. Au début du mois d’août, ce sont les avoirs financiers brésiliens de Starlink, autre propriété d’Elon Musk, qui sont gelés pour recouvrer le montant dû. Ce que le milliardaire prend très mal, estimant que le « juge a violé à plusieurs reprises les lois qu’il a juré de faire respecter », agrémentant sa réponse d’un montage photo qualifiant le magistrat de fils de Voldemort et d’un chevalier Sith, une allusion aux méchants des sagas Harry Potter et Star Wars.
Mais le milliardaire ne s’arrête pas là. Le 17 août, il ferme les bureaux de X au Brésil (sans déconnecter le réseau), empêchant ainsi la justice de se retourner contre sa société. Le juge ne lâche rien et ce mercredi, il intime l’ordre à X de nommer un représentant légal sous 24 heures, sous peine de blocage. Elon Musk refusant catégoriquement, un blocage technique a été mis en place ce week-end.
Free speech is the bedrock of democracy and an unelected pseudo-judge in Brazil is destroying it for political purposes https://t.co/eqbowALCeu
— Elon Musk (@elonmusk) August 30, 2024
Un contexte politique tendu
Dans son jugement, le juge Moraes dénonce la « tentative » de X d’échapper à « l’ordre juridique et au pouvoir judiciaire brésiliens, pour instaurer un climat de totale impunité et d’anarchie sur les réseaux sociaux brésiliens, notamment durant les élections municipales de 2024 », en propageant de « fausses informations ». Car ce rendez-vous électoral est un test pour le gouvernement du président de gauche Lula et la droite brésilienne ouvertement pro-Musk.
Elon Musk fait également l’objet d’une enquête judiciaire dans l’affaire des « milices numériques » soupçonnées d’avoir utilisé de l’argent public pour orchestrer des campagnes de désinformation dans le but de manipuler l’opinion publique en faveur de M. Bolsonaro.
Il a beau affirmer que « les principes sont plus importants que le profit », le Brésil est le quatrième marché mondial pour X (après les États-Unis, le Japon et l’Inde), qui a déjà dû faire face à la perte d’annonceurs depuis son rachat en 2022. Un pays qui compte près de 20 millions d’utilisateurs actifs mensuels risquerait de manquer sensiblement lors des résultats trimestriels… si Elon Musk n'avait pas tout simplement arrêté de les présenter depuis son rachat. En conséquence, Bluesky rapporte « un grand afflux » de nouveaux utilisateurs brésiliens sur sa plateforme.