Google a dans ses tuyaux un outil visant à aider les journalistes. Baptisé Genesis en interne, celui-ci se veut être un modèle « responsable » pouvant générer des articles de presse et assister les journalistes. Évidemment, un tel service soulève tout un tas de questions.
Selon le New York Times, ce projet a été dévoilé lors d'une présentation faite à certains grands médias américains comme le Wall Street Journal ou le Times. Plusieurs personnes ont qualifié la présentation de « troublante », là où d'autres ont estimé que Google ne reconnaissait pas suffisamment le travail et les efforts nécessaires pour produire des articles de qualité.
Si les détails sont minces, il s'agit visiblement d'un assistant personnel filant un coup de main pour la rédaction ou automatisant certaines tâches. Google a confirmé le projet à The Verge en expliquant travailler avec les éditeurs de presse (« en particulier les plus petits ») sur des outils d'IA visant à aider les journalistes :
Les outils basés sur l'IA pourraient aider les journalistes à choisir des titres ou différents styles d'écriture. Notre objectif est de donner aux journalistes la possibilité d'utiliser ces technologies émergentes de manière à améliorer leur travail et leur productivité, tout comme nous mettons à la disposition des utilisateurs des outils d'assistance dans Gmail et Google Docs.
L'idée semble donc plutôt d'en faire un assistant qu'un système générant des articles à la chaîne. Google précise que « ces outils ne sont pas destinés à remplacer le rôle essentiel des journalistes dans le reportage, la création et la vérification des faits de leurs articles ».
On comprend que la firme de Mountain View prenne des pincettes sur le sujet. Si la technologie s'améliore au fil du temps, les IA génératives sont réputées pour raconter n'importe quoi et pour affirmer avec aplomb des choses tout bonnement fausses. Un défaut problématique pour un métier qui consiste justement à… rapporter des informations sans se tromper.
Plusieurs médias ont déjà tenté d'utiliser l'IA pour assister leurs journalistes, voire carrément pour générer des articles entiers. CNET s'y est essayé aux États-Unis, avec un résultat médiocre : sur 77 papiers publiés, plus de la moitié comportaient des erreurs et ont dû être modifiés a posteriori. L'entreprise a finalement décidé de faire machine arrière en annonçant qu'aucun article ne serait entièrement créé par une IA.
Gizmodo a essayé de s'en servir pour générer des tops ou des classements de films, un contenu pour lequel l'IA semble particulièrement adaptée. Ici aussi, il y a eu des erreurs factuelles, comme sur cette liste chronologique des films et séries Star Wars qui n'a pourtant rien d'incroyablement complexe. Elle a dû être corrigée après plusieurs signalements. Le magazine Men’s Journal a publié un article contenant différentes approximations et erreurs d'interprétation, ce qui pourrait faire sourire si celui-ci n'était pas lié à la santé.
Si on ne sait pas encore à quoi cela va ressembler, Google semble persuadé que l'IA pourra faire un bon allié pour les journalistes. De mon expérience, c'est encore loin d'être le cas. Les services comme ChatGPT se plantent suffisamment souvent pour que l'on soit obligé de tout relire et vérifier, ce qui fait finalement perdre du temps. Certaines formulations reviennent régulièrement, ce qui donne un style artificiel (si si) et des résultats pas vraiment convaincants. D'autres problèmes se posent, les IA ayant par exemple tendance à plagier des morceaux de texte à droite à gauche ou à avoir un biais sur certains aspects.
Google a peut-être trouvé la formule magique avec un modèle affiné pour être le plus précis possible, mais on attendra de le voir pour le croire. On peut se demander comment Genesis va se différencier de Bard ou de ChatGPT, qui peuvent déjà être utilisés par les journalistes. Google a peut-être misé sur une toute nouvelle base de données ou sur des restrictions très strictes pour donner des réponses fiables. L'IA a possiblement été entraînée de façon à être plus créative et à offrir un style convaincant. L'outil va permettre de trouver des titres ou à reformuler des phrases : ce genre de requête fonctionne plutôt bien avec les services déjà sur le marché. L'idée d'un outil optimisé n'est donc pas inintéressante.
Google entretient des rapports conflictuels avec les médias. On connait déjà les prises de bec au sujet de la loi dite de « droits voisins » et la place controversée du moteur de recherche dans la visibilité des sites d'actualité. Certaines de ses nouvelles fonctions permettent de mettre en avant des articles de presse au détriment des autres : ici aussi, il faudra voir à qui Google distribuera ses outils et à quel prix.