Et si Apple avait eu raison avant tout le monde en matière de détection des photos pédopornographiques ? Dans un sondage réalisé par le Conseil de l’Union européenne au sujet des régulations sur le chiffrement, une majorité des États membres se disent en faveur d'un affaiblissement du chiffrement de bout en bout en faveur du scan des messages pour détecter des contenus illégaux.
L'Espagne a la position la plus radicale : Madrid veut tout simplement interdire le chiffrement dans l'Union européenne ! « À notre avis, il serait souhaitable d'empêcher les fournisseurs de services basés dans l'UE de mettre en œuvre le chiffrement de bout en bout », explique le représentant espagnol dans le document partagé par Wired.
Les Pays-Bas proposent une solution moins extrême : scanner l'appareil en amont avant que les contenus illégaux soient chiffrés et envoyés. « Il existe des technologies qui permettent de détecter automatiquement [des photos d'abus sexuels d'enfants] sans rien toucher au chiffrement de bout en bout », explique le représentant du pays. Une solution qui n'est pas sans évoquer ce qu'avait proposé Apple, et que le constructeur a enterré suite à la bronca suscitée par toute cette affaire.
Apple abandonne l'idée de scanner les photos pour détecter des images pédopornographiques
Peut-être qu'Apple sera finalement obligée de remettre sa technologie au goût du jour, si d'aventure c'était cette solution qui était choisie par les autorités européennes pour lutter contre la pédopornographie numérique. Ce serait (presque) un moindre mal, car les spécialistes l'affirment sans relâche : il n'est pas possible de « réduire » le chiffrement de bout en bout, c'est tout ou rien. Un message qui avait été celui des experts l'an dernier, après la présentation du projet de la Commission européenne :
Le plan de l'UE de lutte contre la pédopornographie inquiète les experts en cybersécurité
Ce document du Conseil montre l'incompréhension, voire l'ignorance totale, de nombreux États membres concernant le chiffrement de bout en bout. Sur les 20 pays interrogés par le Conseil, 15 soutiennent l'idée du scan des communications chiffrées pour détecter des photos pédopornographiques. Pour plusieurs d'entre eux, cette vérification est perçue comme un « outil vital » qui permettrait aux autorités de gagner le combat contre les abus envers les enfants.
La Roumanie « ne veut pas que le chiffrement de bout en bout devienne un "refuge" pour les acteurs malveillants ». La Pologne aimerait que les parents aient la possibilité de déchiffrer les communications de leurs enfants… D'autres pays veulent ménager la chèvre et le chou. L'Irlande et le Danemark veulent ainsi le scan des messages chiffrés, sans pour autant affaiblir le chiffrement de bout en bout !
La communauté des experts en sécurité a pourtant déjà prévenu, la présence d'une porte dérobée dans des communications chiffrées (ou n'importe quel moyen de les déchiffrer) compromettrait la sécurité globale du chiffrement. C'est la voie royale pour les criminels — ou les discrètes agences de renseignement nationales — de jeter un œil sur des messages qui ont vocation à rester confidentiels. Autrement dit, une atteinte à la vie privée. L'équivalent européen de la Cnil avait dit tout le mal qu'il pensait du projet européen.
La position de la France sur le sujet n'est pas connue, l'Hexagone ne faisant pas partie des États ayant participé au sondage. D'autres pays, comme l'Italie, l'Allemagne, la Finlande ou encore l'Estonie, s'opposent en revanche à cette proposition.