Si vous jouez sur des produits Apple, vous avez probablement oublié l'existence des médias physiques pour les jeux vidéo : l'iPhone n'en a jamais proposé et Apple a sonné le glas du lecteur optique il y a plus de 10 ans. Mais dans le monde des consoles, les versions physiques sont encore la norme, même si elles tendent à être de moins en moins populaires. Malgré tout, l'histoire est probablement en marche : Alan Wake 2, un jeu qui devrait avoir son petit succès, ne sera pas disponible en physique.
Un marché un peu particulier
Le marché physique reste assez particulier et dépend fortement des plateformes. Dans le monde PC, il a pratiquement disparu pour deux raisons. La première est purement physique : l'énorme majorité des PC modernes n'a tout simplement pas de lecteur optique. Cette voie a été prise un peu plus tardivement qu'Apple — Apple a supprimé le lecteur dès 2008 avec le MacBook Air et a plus ou moins généralisé la pratique dès 2013 — mais en 2023, un PC avec un lecteur de DVD est un anachronisme. L'autre raison, c'est que le monde PC n'a jamais réellement embrassé le Blu-ray et les rares jeux qui sortent sur des médias physiques se limitent donc aux DVD. Une boîte de Flight Simulator (2020) contient 10 DVD, par exemple.
Dans les consoles, c'est différent. La majorité des Xbox One et PlayStation 4 possédaient un lecteur de Blu-ray (à l'exception de la rare Xbox One S All Digital, un modèle d'entrée de gamme sorti à la fin du cycle de vie). Pour les PlayStation 5 et Xbox Series, seule une partie de la gamme intègre un lecteur optique. La PlayStation 5 classique vaut 540 € avec un lecteur optique, et 450 € dans sa version « Digital Edition », et en dehors de l'absence de lecteur optique, elle est identique à sa grande sœur. Chez Microsoft, la Xbox Series X possède un lecteur optique et elle vaut 500 €, alors que la Xbox Series S, moins puissante et moins onéreuse, n'en a pas. Enfin, chez Nintendo, toutes les variantes de la Nintendo Switch disposent d'un emplacement pour les cartouches.
Les excuses fallacieuses d'Alan Wake 2
Dans une FAQ, les développeurs d'Alan Wake 2 mettent en avant que les joueurs possèdent des consoles qui ne permettent pas l'utilisation d'un disque physique, mais aussi que beaucoup de jeux ne sortent pas en version physique. Ensuite, la FAQ indique aussi que l'absence de version physique permet de réduire les coûts et donc de vendre le jeu à 60 € (sur console) ou 50 € (sur PC). Enfin, ils expliquent qu'un jeu qui nécessite un téléchargement pour jouer n'est pas une expérience très réussie. Ce point peut sembler bizarre, mais il ne l'est pas : une partie des versions physiques récentes nécessite le téléchargement d'un patch au premier lancement, qui ne peut pas être anticipé et implique donc une attente plus ou moins longue.
Le premier argument n'est pas totalement faux, mais n'est pas vérifiable facilement : les fabricants de consoles ne détaillent pas le ratio entre les versions équipées d'un lecteur optique et celles qui n'en ont pas. Le second argument est clairement biaisé, comme l'indique Ars Technica : si vous prenez les meilleures ventes sur PlayStation 5, par exemple, la majorité des titres dispose d'une version physique. Plus largement, les titres uniquement disponibles de façon dématérialisée restent assez rares sur les grosses productions.
La question du coût est probablement la plus importante pour les joueurs, assez logiquement. Premièrement, l'éditeur pourrait parfaitement proposer une version physique plus onéreuse que la version dématérialisée, pour absorber les coûts de fabricants (le disque, la boîte, etc.). Plus exactement, les versions numériques devraient être moins onéreuses, et ce n'est globalement pas le cas. Ensuite, il y a un biais très fort sur un point : dans les faits — et ce point explique en partie pourquoi certains jeux se vendent bien en version physique —, les prix sont plus faibles. Alors que les plateformes de distributions ne baissent que rarement les prix, les distributeurs de version physiques — qu'ils soient en ligne ou en dur, comme les supermarchés — cassent les prix. Le cas le plus visible est The Legend of Zelda : Tears of the Kingdom : Nintendo le vend 70 € et la version physique peut se trouver pour pratiquement 20 € de moins.
Enfin, le dernier point est tout aussi fallacieux. S'il est exact que beaucoup de titres nécessitent un patch « day one » pour corriger des bugs, ce n'est pas une fatalité. Les versions physiques permettent souvent de jouer sans accès à Internet et sans mise à jour, même si l'expérience n'est pas parfaite. Mais il y a évidemment des exceptions, comme des jeux qui ne contiennent pas toutes les données (un cas courant sur Nintendo Switch). Il existe aussi des versions physiques qui se limitent à un code pour télécharger le jeu ou même des versions collector qui ne contiennent pas le jeu, comme pour Diablo IV.
Le physique va tout de même disparaître
Soyons clairs : les versions physiques gardent des avantages. Vous pouvez dans certains cas éviter de télécharger des dizaines de Go, la revente est possible, la connexion à Internet n'est pas (toujours) obligatoire et vous pouvez même parfois obtenir le jeu avant sa sortie si vous avez un revendeur sympathique. Et comme expliqué plus haut, ils peuvent parfois être dénichés à un prix moins élevé. Dans les autres avantages, il y a évidemment la pérennité, même si elle demeure limitée : si Nintendo, Sony ou Microsoft décident de fermer les services en ligne, certaines versions physiques pourront continuer à fonctionner (ce n'est pas systématique).
Pour autant, les versions physiques vont probablement disparaître rapidement. D'un point de vue purement pratique, l'installation peut être plus rapide — ce point dépend fortement de votre connexion — et s'effectuer en avance pour jouer dès le lancement. Qui plus est, une partie des joueurs n'a de toute façon pas le choix, étant donné que certaines consoles se limitent aux jeux dématérialisés. Enfin, toutes les rumeurs sur les évolutions des consoles actuelles tendent à aller dans le même sens : le lecteur optique et les cartouches sont des reliques. Le dernier point est un contrepoint à un argument du paragraphe précédent : la pérennité. Les disques Blu-ray modernes ne sont pas nécessairement aussi résistants que les CD et les DVD, des médias qui ne résistent déjà pas nécessairement aux affres du temps. Dans la même veine, les cartouches de Nintendo Switch contiennent de la mémoire flash et peuvent donc souffrir d'une perte de données avec le temps. Enfin, certains jeux sont tout simplement inutilisables sans connexion à Internet et sans mises à jour.
La principale question, liée à Alan Wake 2, va venir de la façon dont le public réagit. Si ce passage en force fonctionne, d'autres titres AAA (c'est-à-dire les grosses productions) pourraient suivre la tendance et accélérer la fin des versions physiques.