Vous avez passé des semaines à comparer des produits, vous avez finalement fait votre choix, vous avez passé commande, vous avez reçu la notification de livraison… et puis le plaisir est gâché lorsque le livreur vous demande de vous acquitter de frais de traitement exorbitants pour avoir l’insigne honneur de payer les frais de douane. La Commission européenne veut mettre fin à ces pratiques rentières en engageant « la réforme la plus ambitieuse et la plus complète de l’union douanière depuis sa création en 1968 ».
La proposition de la Commission prévoit la création d’une nouvelle instance, l’Autorité douanière de l’Union européenne, qui sera chargée de superviser une nouvelle plateforme de données douanières. Les entreprises souhaitant importer des marchandises dans l’Union pourront enregistrer leurs produits sur cette plateforme, qui doit fournir « une vue d’ensemble à 360 degrés des chaines d’approvisionnement et de la circulation des marchandises » grâce à l’apprentissage automatique et à l’intelligence artificielle, mais aussi (et peut-être surtout) au travail des analystes sur le fond et aux interventions des douaniers sur le terrain.
Cette réforme renversera la charge des obligations douanières, en traitant les plateformes de commerce en ligne comme des importatrices, qui devront « veiller à ce que les droits de douane et la TVA soient payés lors de l’achat ». Les pratiques des entreprises de livraison sont clairement dans le viseur de la Commission, qui ne veut plus que les consommateurs soient « confrontés à des frais cachés ou à des formalités administratives imprévues à l’arrivée du colis ».
En contrepartie, cette réforme mettra fin à l’exonération des droits de douane des marchandises d’une valeur inférieure à 150 €, un « seuil largement exploité par les fraudeurs ». La Commission estime que jusqu’à 65 % des colis entrant dans l’Union européenne sont sous-évalués pour éviter les droits de douane à l’importation. Comme la taxe sur la valeur ajoutée, les droits de douane seront exigibles dès le premier euro.
Encore faut-il savoir les calculer ! Des centaines de catégories et des milliers de sous-catégories peuvent s’appliquer selon les marchandises. La Commission estime possible de réduire le calcul des droits de douane sur les marchandises de faible valeur les plus courantes à seulement quatre catégories. La simplification du système informatique et des déclarations doit permettre d’économiser jusqu’à deux-milliards d’euros par an, et le paiement à la commande de faire rentrer un milliard d’euros supplémentaire par an.
Mais il va falloir prendre son mal en patience : si la réforme est adoptée, la plateforme de données n’ouvrira pas avant 2028 pour le commerce en ligne, avant d’être étendue en 2032 pour les autres importateurs « sur la base du volontariat ». Après une période de rodage et d’éventuels ajustements lors d’un réexamen prévu en 2035, la plateforme deviendrait obligatoire à partir de 2038. L’union douanière aura alors fêté son 70e anniversaire.