La Commission européenne a ouvert en fin d'année dernière le débat autour de deux textes importants visant à rééquilibrer le rapport de force avec les mastodontes du numérique, le Digital Markets Act (DMA) et le Digital Services Act (DSA). Dans ses grandes lignes, le DMA ne devrait pas avoir de mal à faire consensus puisqu'il s'agit d'assurer la libre concurrence entre tous les acteurs.
Le DSA, qui entend réguler les contenus échangés sur les réseaux, sera plus complexe mais Margrethe Vestager, la vice-présidente exécutive de la Commission en charge de la concurrence, a bon espoir de trouver un accord au printemps 2022 alors que la présidence tournante de l'Union sera assurée par la France (lire : Contenus illégaux, réindustrialisation : Paris fait pression sur Bruxelles).
C'est dans ce contexte que Microsoft fait entendre sa petite musique dissonante. L'éditeur s'est en effet allié avec quatre groupes de pression européens créés par des éditeurs de presse du vieux continent, raconte le Financial Times (dont European Publishers Council, News Media Europe, ainsi que plusieurs associations d'éditeurs de magazines et de quotidiens). L'objectif : développer une solution légale pour faire payer les liens et les extraits d'articles que partagent les plateformes « ayant un pouvoir dominant sur le marché ». Autrement dit, Google et Facebook.
Ce lobby cherche à mettre en place une solution de type australienne en Europe. L'Australie a imaginé un système de négociation entre les éditeurs de presse et les plateformes, puis c'est un juge de paix qui tranche. En bout de course, c'est le régulateur qui fixe les prix, tandis qu'une clause de non-discrimination interdit aux plateformes de sélectionner le contenu : c'est tout le monde ou personne (lire : Australie : si Google part, Bing peut très bien le remplacer d'après le gouvernement).
Après avoir menacé de quitter purement et simplement l'Australie, Google a cédé en nouant des accords avec les principaux éditeurs, dont News Corp. (Rupert Murdoch). Toujours fâché, Facebook a fait en sorte que ses utilisateurs ne puissent tout simplement plus partager de liens provenant de titres de presse australiens.
En France, le chemin choisi par les autorités et les éditeurs de presse a été celui de la négociation directe avec les grandes entreprises d'internet. Google a sorti son carnet de chèques (lire : Google : plus de 62 millions d'euros pour acheter la paix avec la presse française). Au vu de son opacité, cette option française ne semble pas tenir la corde : sans système d'arbitrage, il est trop facile pour les plateformes de contourner les règles.