C'est un chantage qui pourrait bien se retourner contre Facebook : le rĂ©seau social a menacĂ© d'arrĂȘter son activitĂ© dans l'Union europĂ©enne si une dĂ©cision du rĂ©gulateur irlandais venait Ă ĂȘtre confirmĂ©e. Le mois dernier, la DPC (Data Protection Commission) du pays, qui supervise l'activitĂ© de Facebook sur le vieux continent, avait dĂ©cidĂ© d'une injonction prĂ©liminaire interdisant Ă l'entreprise de transfĂ©rer les donnĂ©es de ses utilisateurs europĂ©ens vers des serveurs amĂ©ricains.
En cause, la fin du Privacy Shield dĂ©cidĂ© par la Cour de justice de l'UE mi-juillet, un accord entre l'UE et les Ătats-Unis encadrant le transfert de donnĂ©es d'une zone Ă une autre. Facebook pensait pouvoir s'appuyer sur les Standard Contractual Clauses (SCC) qui n'ont pas Ă©tĂ© inquiĂ©tĂ©es par les juges europĂ©ens afin de poursuivre son petit business, mais la DPC en a dĂ©cidĂ© autrement.
En attendant que les nĂ©gociations entre les deux bouts de l'Atlantique aboutissent Ă un nouveau modĂšle, Facebook s'est donc vu interdire de mouliner les informations collectĂ©es en Europe sur ses serveurs basĂ©s aux Ătats-Unis. Or, ce sont eux qui gĂšrent la distribution des publicitĂ©s ciblĂ©es du groupe. Si Facebook refuse de s'exĂ©cuter, la DPC a le pouvoir d'infliger une amende reprĂ©sentant 4% des revenus mondiaux de l'entreprise, soit 3 milliards de dollars environ.
L'enjeu est Ă©videmment de taille pour Facebook, puisqu'un utilisateur europĂ©en reprĂ©sentait 13,21 $ de revenus en moyenne l'an dernier1. Dans ces circonstances, le groupe « ne sait pas comment [âŠ] il pourrait continuer Ă fournir les services Facebook et Instagram dans l'UE », selon les reprĂ©sentants juridiques de l'entreprise.
Facebook pourrait donc prendre ses cliques et ses claques et abandonner 410 millions d'utilisateurs Ă leur triste sort⊠Ou peut-ĂȘtre pas finalement, le rĂ©seau social ayant fait la preuve Ă de multiples reprises que la protection de la vie privĂ©e de ses utilisateurs n'Ă©tait pas au cĆur de ses prĂ©occupations, qu'il profite des discours de haine, et que c'est un des principaux vecteurs mondiaux de dĂ©sinformation et de thĂ©ories du complot.
Mais le poids Ă©conomique des plateformes de Facebook est tel qu'un dĂ©part mĂȘme provisoire pĂšserait lourd pour des milliers d'entreprises europĂ©ennes : les transactions des sociĂ©tĂ©s, petites et grandes, qui proposent leurs produits et services via Facebook et Instagram ont reprĂ©sentĂ© 208 milliards de dollars en 2019.
Facebook a engagĂ© une poursuite contre la DPC pour contester le jugement de l'autoritĂ© qui ferait preuve d'un manque d'Ă©quitĂ© et aurait montrĂ© un « biais apparent » contre la sociĂ©tĂ©. Pour le moment, il n'est pas question pour le rĂ©seau social de faire ses bagages â ce qui ne serait que provisoire, le temps de reconfigurer les infrastructures pour respecter la dĂ©cision du rĂ©gulateur.
Mise Ă jour â Un porte-parole de Facebook nous prĂ©cise que son intention n'est pas de se retirer d'Europe : « Des documents juridiques dĂ©posĂ©s auprĂšs de la Haute Cour irlandaise exposent simplement le fait que Facebook, et de nombreux autres services, entreprises, et organisations dĂ©pendent des transferts de donnĂ©es entre l'Union europĂ©enne et les Ătats-Unis pour faire fonctionner leurs services ».
NĂ©anmoins, si jamais Facebook devait suspendre complĂštement le transfert des donnĂ©es des utilisateurs vers les Ătats-Unis, le rĂ©seau social ne voit pas clairement comment « il pourrait continuer Ă fournir les services Facebook et lnstagram dans l'Union europĂ©enne ». Ce d'autant que ce qui concerne Facebook touchera aussi d'autres entreprises qui transfĂšrent Ă©galement les donnĂ©es de leurs utilisateurs vers les Ătats-Unis.
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C'est beaucoup, mais c'est aussi beaucoup moins que ce que rapporte un utilisateur amĂ©ricain (41,4 $).  â©ïž
Source : Motherboard