On n'arrête plus la Cour de justice de l'Union européenne ! Après avoir infligé un sérieux camouflet à la Commission hier dans l'affaire du redressement fiscal à 13 milliards d'euros infligé à Apple, les juges ont aujourd'hui donné un peu de travail pour l'été aux négociateurs européens et américains. Dans une décision rendue aujourd'hui, la Cour invalide le « Privacy Shield », cet outil de transfert des données personnelles entre l'Europe et les États-Unis. Ce « bouclier » est utilisé par les entreprises du numérique, y compris Google, Facebook, Apple, etc.
Reprenons. En 2015, cette même Cour de justice annulait l'accord « Safe Harbor » entre l'UE et les États-Unis. Mis sur pied l'année suivante, le « Privacy Shield » est la suite logique du « Safe Harbor », en en reprenant la plupart des dispositions dans les grandes lignes. Il s'agit de faciliter le transfert de données personnelles des citoyens européens vers les États-Unis, à des fins commerciales.
En substance, la Cour de justice estime que les lois américaines de protection des données sont moins protectrices que le règlement général sur la protection des données (RGPD) en vigueur dans l'Union. Les autorités de contrôle nationales sont « notamment obligées de suspendre ou d’interdire un transfert de données à caractère personnel vers un pays tiers lorsqu’elles estiment (…) que les clauses types de protection des données ne sont pas ou ne peuvent pas être respectées dans ce pays », écrit la Cour.
Néanmoins, les juges ne ferment pas complètement la porte à un mécanisme de transfert de données. Ils ont ainsi validé la légalité des « clauses contractuelles types » par lesquelles les entreprises peuvent respecter la législation européenne si elles s'engagent à titre individuel à respecter certaines précautions quant à l'utilisation des données des utilisateurs basés en Europe.
Cette décision est la deuxième en deux jours à donner tort à la Commission européenne. « La première chose que l’on fait lorsque l’on reçoit un jugement du tribunal est de le lire très, très attentivement. Et nous sommes toujours en train de le faire. Bien sûr, c’est une défaite, car c’est une annulation par le tribunal », concède Margrethe Vestager. Ce qui n'a pas empêché la vice-présidente en charge de la concurrence à se lancer aujourd'hui à l'assaut des assistants connectés !
Bruxelles va désormais se pencher sur de nouveaux moyens opérationnels afin de renforcer les transferts de données. Cela devrait aller assez vite, la décision de la Cour créant un flou juridique pour les entreprises. Washington, par la voix de Wilbur Ross, secrétaire d'État au Commerce, va travailler avec la Commission pour « limiter les conséquences négatives » pour les relations commerciales entre les deux côtés de l'Atlantique.
Quant aux opposants au Privacy Shield, l'heure est à la victoire. Max Schrems, militant autrichien pour la protection de la vie privée à l'origine d'un recours collectif en 2018 contre ces dispositions, salue le jugement. Il explique que les États-Unis vont devoir s'engager dans une réforme sérieuse de ses lois sur la protection des données.
Source : Reuters