Alors que le confinement a fait exploser les ventes d'appareils high-tech et la consommation d'internet, le Sénat a rendu ce mercredi un rapport de 70 pages sur l'empreinte environnementale du numérique.
Selon la mission en charge de la question, le numérique est un « angle mort des politiques environnementales et climatiques ». Pourtant le numérique est bel et bien énergivore. En 2018, l'industrie du numérique était à l’origine de 3,7 % des émissions totales de gaz à effet de serre dans le monde et de 4,2 % de la consommation mondiale d’énergie primaire. Cet impact environnemental est dû à la fabrication des équipements (terminaux, centres informatiques…) à hauteur de 44 % et à leur utilisation pour le reste.
Pour le président de l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), « comme cette pollution ne se voit pas, nous sommes dans le ressort de l’impensé ». Toutefois, son empreinte est réelle et risque de s'intensifier dans les années à venir, prévient le Sénat.
D'ici 2040, si rien n'est fait, le numérique pourrait atteindre près de 7 % des émissions de gaz à effet de serre de la France, un niveau bien supérieur à celui actuellement émis par le transport aérien par exemple (4,7 %). Le Sénat s'inquiète également que l'empreinte des centres de données puisse exploser de 86 % d'ici à 2040.
Pour prévenir cela, le Sénat prévoit d'inciter l’installation de data centers en France et conditionner l’avantage fiscal sur la base des performances environnementales.
De manière générale, afin d'éviter le scénario du pire pour 2040, la mission sénatoriale a établi une feuille de route pour une transition numérique écologique comportant 25 propositions. Parmi ces propositions figurent une taxe carbone aux frontières de l'UE ou encore des sanctions plus fortes contre l'obsolescence programmée, notamment via un recours plus systématique au name and shame (dénoncer une entreprise fautive sur la place publique).
Du côté des sénateurs une volonté d'« interdire les forfaits mobiles avec un accès aux données illimité » s'est fait entendre. L'objectif serait de rendre « obligatoire une tarification proportionnelle au volume de données du forfait. » En d'autres termes cela signifierait une facture à la consommation, une façon de mettre en place une dynamique nouvelle, de type pollueur-payeur, qui conduirait à une modération naturelle des usages grâce à une dissuasion par le prix.
Cette proposition risque de faire polémique auprès des utilisateurs, en particulier auprès de ceux qui consomment le plus, car ils pourraient voir le montant de leur facture s'envoler. L'opérateur mobile virtuel Prixtel dispose depuis longtemps d'une offre ajustable s'inscrivant dans ce schéma : si vous consommez moins de 5 Go, vous payez 9,99 €/mois ; entre 5 et 15 Go, c'est 14,99 € ; et plus de 15 Go, c'est 19,99 €.
Pourquoi cette proposition ? Parce que selon l’étude commandée par la mission d’information, l'amélioration de l'efficacité énergétique des réseaux ne permettra pas d'absorber la hausse des usages : « la consommation d’énergie primaire des réseaux en France pourrait passer, en scénario central à 13,3 TWh en 2025, et 19,4 TWh en 2040, soit une hausse de 75 % ». Les émissions de gaz à effet de serre augmenteraient pour leur part de 34 %.
Enfin, les sénateurs proposent aussi une TVA à 5,5 % sur la réparation des smartphones ou l'achat d'un téléphone reconditionné pour encourager l'acquisition d'appareils de seconde main. Les résultats potentiels de cette initiative sont à prendre avec des pincettes quand on sait que l'arrivée de la 5G pourrait conduire les utilisateurs à changer d'appareil pour du neuf.
Source : Next INpact