C’est aujourd’hui que le procès entre Apple et Qualcomm va s’ouvrir. Il ne s’agit pas des bisbilles chinoise, allemande, d’espionnage ou qui portent sur une poignée de brevets : cette fois, il s’agira pour la cour de San Diego, en Californie, d’aller au fond du dossier.
Preuve de l’importance du moment, Tim Cook, Phil Schiller, ainsi que Bob Mansfield et Bruce Sewell, les anciens patrons du hardware et du juridique d’Apple vont témoigner ; Steven Mollenkopf, le CEO de Qualcomm, ainsi que le cofondateur de l’entreprise, Irwin Jacobs, sont également attendus.
La dispute entre les deux géants californiens porte sur les royalties perçues par Qualcomm pour l’utilisation de ses technologies, et plus spécifiquement les puces réseau. « Qualcomm a construit son fonds de commerce avec des standards dépassés, et maintient son emprise par l’usage de stratégies d’exclusion et la perception de royalties excessives », déplorait Apple dans sa plainte initiale remontant à janvier 2017.
D’après le constructeur de Cupertino, Qualcomm reçoit (ou recevait) des redevances « au moins cinq fois supérieures au total de celles des autres détenteurs de brevets sur les réseaux cellulaires avec lesquels nous avons des accords de licence ». En 2017, la Pomme demanda à ses fournisseurs de ne plus verser de royalties — remboursées par Apple — à Qualcomm.
Il y a beaucoup d’affect dans ce dossier. Tim Cook et son homologue de Qualcomm, Steven Mollenkopf, entretiennent des relations glaciales, quand Steve Jobs et Irwin Jacobs s’entendaient plutôt bien (ce dernier est d’ailleurs appelé à témoigner). Le Wall Street Journal relate une anecdote significative : en 2007, Apple a pris une licence auprès de Qualcomm afin d’utiliser les modems indispensables pour l’iPhone.
À l’époque, la redevance se montait à 5% du prix de l’appareil, ce qui pouvait représenter jusqu’à 20 $ par unité. Tim Cook, alors directeur des opérations chez Apple, s’est vivement opposé à de telles royalties qu’il estimait bien trop élevées. Son offre ? 1,50 $ seulement. Steve Jobs pensait lui que les entreprises devaient être compensées correctement pour leurs innovations. Résultat : Qualcomm a certes consenti un gros rabais, mais le fondeur a tout de même obtenu 7,50 $ sur chaque iPhone.
Puis, en 2011, Apple et Qualcomm ont approfondi leur partenariat : le deuxième devenait le fournisseur exclusif pour les smartphones du premier, en échange de quoi Qualcomm versait à Apple 1 milliard de dollars… pour peu que le constructeur n’aille pas se fournir ailleurs. Cet accord a été reconduit chaque année (lire : Apple/Qualcomm, les coulisses d'un contrat sous pression).
Ce contrat plaçait Apple dans une position délicate, l’entreprise devenait dépendante d’un seul fournisseur. Dès 2013, la Pomme a commencé à faire faux bond en travaillant avec Intel pour équiper l’iPad mini 2 d’une nouvelle puce réseau. La rupture a été consommée en 2016, au lancement de l’iPhone 7 dont une partie de la production était dotée de modems Intel. Les puces de Qualcomm ont été complètement évincées avec les iPhone XS et XR.
L’affaire est d’importance pour les deux entreprises. Les dommages réclamés par Apple et quatre de ses fournisseurs pourraient se monter à 27 milliards de dollars (pour donner une idée, Qualcomm a engrangé des profits de 5,7 milliards en 2016). Bien sûr, le défendant assure qu’il n’a rien fait de mal ; le groupe cherche à récupérer au moins 7 milliards de dollars de redevances en souffrance, ainsi que des milliards supplémentaires en dommages et intérêts.
Le procès va durer quatre semaines.